« Ces étoiles que tu regardes là-haut, certaines sont mortes depuis longtemps mais elles brillent toujours. Ce qu’on vit, même si ça disparaît, ça continue d’exister quelque part. Ce qui compte, ce n’est pas qu’elles soient mortes ou vivantes. C’est ce qu’elles éclairent, ici et maintenant. »
François Reunis
Vivre n'est-il vraiment qu'un étincelle entre deux néants? Pas sûr, tant que subsistent des êtres chers, imprégnés de notre affection. Le "rien" après une vie est davantage que le "rien" qui la précéda. Émouvants adieux hier matin à François, petit-cousin arraché à notre affection lors d'un treck en montagne à l'âge de 28 ans. Si pour d'aucuns, la vie est longue et paisible comme une plaine de Toscane, pour d'autres elle est concentrée, passionnée et brûlante comme un météore, on ne choisit hélas pas. Une impressionnante vidéo par drone, envoyée par François peu de temps avant sa chute. nous fait partager ses tout derniers moments, et son bonheur d'être vivant dans un paysage aussi grandiose: "ce qui est grave dans une vie n'est pas ce qui nous arrive, mais ce qui ne nous arrive pas." Parce qu'il y a autre chose à vivre sur cette terre que le gel, le crachin, les malheurs et les dos qui se figent, cette prise de conscience aussi fugace qu'intense d'exister en harmonie avec le monde, en pleine forme, d'être présent à soi et aux autres ne constitue-t-elle pas le summum du bonheur? Sa vie fut une bénédiction pour ses proches, son départ creuse une douleur immense. Une foule énorme dans un silence impressionnant l'accompagne, ainsi que ses collègues et amis policiers venus en nombre, stoïques, debout autour du cercueil, mais les yeux embués par de vraies larmes quand à la fin de la cérémonie ils se retrouvent seuls avec lui. Les vraies douleurs sont silencieuses.
Restent les étoiles… que François évoque dans un scénario de film à réaliser "un jour". "Un jour", qui nous confronte à l'incertitude du lendemain et nous invite à vivre intensément chaque heure qui nous est offerte. On sort meilleur de pareils moments de partage. Le hasard fait coïncider cet adieu avec la fête de l'Ascension, qui ne signifie sans doute plus grand-chose pour une majorité d'entre nous. Et pourtant, débarrassée de ses oripeaux saint-sulpiciens avec angelots et images d'histoire sainte, cette célébration de "la présence dans l'absence", quelles que soient nos croyances, me parle et donne un sens à nos existences qui ne seraient sans cela qu'un énorme malentendu. Nous sommes à la fois insignifiants à l'échelon du cosmos, et essentiels pour ceux que nous croisons.
Lu dans:
- François avait précédemment réalisé quelques vidéos, visionnables sur https://linktr.ee/Francois_Reunis
- "le gel, le crachin, les malheurs et les dos qui se figent" emprunté à Marc Dugardin. Personne dis-tu. Rougerie, 2025, 64 p.