"Nous devons tous sortir de notre propre prison."
Fiodor Dostoïevski
Existe-t-il pire enfermement que celui qu'on se crée? Dans une
nouvelle de Platonov (1899-1951) - Le retour d'Ivanov - un soldat
rentre de la guerre où il a passé de longues années. Quand il
revient chez lui, il trouve ses enfants à la maison qui n'ont
cessé de l'attendre, sont fous de bonheur et lui font fête. Mais
la mère n'est pas là. Le prisonnier parvient à se convaincre
qu'elle lui a été infidèle. Il reprend le chemin de la gare, suivi
de ses enfants en pleurs qui lui jurent que leur mère travaillait
pour subvenir à leurs besoins, et qu'elle a, elle aussi, passé
toutes ces années à pleurer et à l'attendre. Le train arrive en
gare. Il monte, et les petits courent en pleurant après le train
qui s'en va. Le soldat ne peut plus quitter sa prison intérieure.
La loyauté, l'amour, la chaleur d'un foyer lui sont interdits
après les violences de la guerre. Au retour impossible à la
liberté et à la vie antérieure, il préfère le retour au malheur de
la solitude et de l'enfermement, au risque de condamner ses
enfants en se condamnant lui-même.
Lu dans:
Thérèse Delpech. L'appel de l'ombre. Puissance de l'irrationnel. Grasset. 2010. 178 pages. Extrait pages 151-152
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