27 août 2007

Le présent de l'avenir, c'est l'attente (St Augustin)

"Souviens-toi du futur !" *
Le Talmud

"Une image est souvent plus utile qu'un discours. Celle du sablier peut nous être d'un grand secours. Non point pour gloser comme à l'ordinaire sur la tristesse insondable des jours enfuis ou l'impermanence des choses, mais pour se représenter visuellement la rupture advenue. Hier encore, le sablier, étranglé en son milieu mais élargi dans ses deux extrémités, figurait assez bien notre rapport au temps. L'étroit passage médian correspondait au présent tandis que les deux masses sphériques désignaient le passé (au-dessus) abouté à l'avenir (au-dessous). Le présent, mince rétrécissement du sablier, n'avait droit qu'à la portion congrue. Il n'était que l'espace insaisissable de l'écoulement du temps. En clair nous étions surtout habités par la mémoire et mus par le projet. Nos vies étaient principalement gouvernées par le souvenir et par l'attente. Elles étaient comme emplies par le passé et par le futur. Or cette représentation n'est plus pertinente. L'étroit goulot du présent s'est élargi au détriment des deux «bulles» de l'ancien sablier. Le présent a pris toute la place. Ainsi notre image du temps ne ressemble-t-elle plus à un sablier mais à un oeuf, renflé en son milieu, étroit à ses deux extrémités, celle du passé et celle du futur. La métaphore est parlante. Le passé, c'est-à-dire la mémoire humaine, n'a plus la même emprise, au point que nos sociétés sont livrées à la versatilité de l'opinion, à l'émotion changeante, à l'urgence, toutes trois instantanées. Elles sont ainsi perpétuellement guettées par l'amnésie. Symétriquement, la part du futur, c'est-à-dire du projet, est réduite à peu de chose, pour ne pas dire à rien. Le futur ne vaut plus ce qu'il valait. Il est dévalué, au sens monétaire du terme, de sorte que nous avons chassé son image de notre présent. (..) Toute la question est de savoir si cette sacralisation du présent est sans conséquences, et si le présent réduit à lui-même est habitable."
J-Claude GUILLEBAUD. Le goût de l'avenir.

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