23 février 2007

Les p'tits papiers

"Qu'est-ce qu'on peut acheter chez vous pour remplacer la colombe en porceleine de maman?."
Lettre d'enfant déposée à l'atelier de Picasso , rue des Grands-Augustins (Paris), reprise par Pierre Assouline dans son dernier ouvrage (Rosebud).

Pareille innocence touche, et on ne connaît pas la réponse du Maître. On minimise l'importance des petits papiers. J'en ai trouvé deux dans les escaliers, cet après-midi de consultation. Je demeurais sur l'impression d'un couple d'âge mûr dont le mari mène un rude combat, épuisant, contre les TOCs.
Longue écoute de ce bagne quotidien, jour et nuit. Une demi-heure perdue parmi tant d'autres, affections et troubles divers au stade soit débutant, soit bien installé, soit chronicisé, soit en rechute. Un pied livide et froid, brutalement cette nuit, n'autorisant plus plus 25 mètres sans s'arrêter. Je convainc le patient de se laisser reconduire chez lui et l'emmène.
Du sang noir dans les selles, depuis ce matin. Un malaise abdominal sévère hier chez un cadre financier récemment promu; il ne dort plus depuis. Un jeune belge d'origine maghrebine qui m'explique les difficultés d'insertion professionnelle qu'on rencontre quand on est épileptique et que par malheur une crise vous surprend sur les lieux de travail. Une nouvelle grand mère, atteinte de coeliaquie, vient se renseigner sur les risques héréditaires de son affection.
On arrête ici, ce ne sont pourtant que quelques pépites volées à la journée d'un modeste médecin de famille, qui ramasse à mains nues les plaintes comme les petits mineurs de cuivre au Congo. Et soudain, on y revient, deux modestes cartons de remerciements dans les escaliers, avec une attention inattendue. L'un des deux signale sa guérison après deux ans et demi de dépression, l'enfer existe sur la terre, et a ramené des produits du soleil d'une région lumineuse du sud de la France. L'autre me surprend par son caractère inattendu, gratuit, de la gentillesse pure.
Magie des petits mots grifonnés à la hâte, avec les paroles du coeur. D'un seul coup, le soleil illumine la maison de l'intérieur, rappelant même si on en doute parfois que toute plaie n'est pas mortelle, que toute douleur n'est pas maladie, qu'aucune solitude n'est définitive.
Promis, demain je fais un petit mot, au moins un.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Monsieur,
"Modeste médecin de famille" mais combien revigorant! Nos rencontres ne relèvent pas de la consultation mais bien du "colloque singulier", c'est royal! Merci pour votre écoute, votre sourire et votre simplicité. Vous êtes précieux...
Pascal Vanderstraeten
pascalvds@mobistarmail.be