"Pour ce qui est de l'avenir,
il ne s'agit pas de le prévoir,
mais de le rendre possible."
Antoine de Saint-Exupéry
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
"Pour ce qui est de l'avenir,
il ne s'agit pas de le prévoir,
mais de le rendre possible."
Antoine de Saint-Exupéry
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
"Il (papa) casse une noix en l'écrasant dans sa main,
il la mâhe avec plaisir.
Maman aimait bien les amandes, à table il n'y en a pas,
je n'en ai pas acheté. A table il faut un peu de deuil."
Erri De Luca. Montedidio.
On portait le deuil jadis, petite place discrète faite aux
disparus dans nos journées, dans notre vie. Peut-être nous
faudra-t-il réinventer cette connivence avec des signes qui
soient contemporains, clin d'oeil fugace à l'être cher pour
lui signifier "Tu es là , et tu n'es pas là. On n'oublie rien."
Tijl Uilenspiegel portait les cendres de Claes son père dans
une pochette qui lui battait la poitrine, et le rappelait souvent.
Il existe sans doute des signes plus poétiques, telles les étoiles
qui rient, pareilles à mille grelots, du Petit Prince. Il nous
reste à réinventer Halloween et la Toussaint avec des accents
de notre temps.
"C'est le contraire du vélo, la bicyclette. Une silhouette profilée mauve fluo dévale à soixante-dix à l'heure : c'est du vélo. Deux lycéennes côte à côte traversent un pont à Bruges : c'est de la bicyclette. L'écart peut se réduire. Michel Audiard en knickers et chaussettes hautes au comptoir d'un bistro : c'est du vélo. Un adolescent en jeans descend de sa monture, un bouquin à la main, et prend une menthe à l'eau à la terrasse : c'est de la bicyclette. On est d'un camp ou bien de l'autre. Il y a une frontière. Les lourds routiers ont beau jouer du guidon recourbé : c'est de la bicyclette. Les demi-course ont beau fourbir leurs garde-boue : c'est du vélo. Il vaut mieux ne pas feindre, et assumer sa race. On porte au fond de soi la perfection noire d'une bicyclette hollandaise, une écharpe flottant sur l'épaule. Ou bien on rêve d'un vélo de course si léger : le bruissement de la chaîne glisserait comme un vol d'abeille. A bicyclette, on est un piéton en puissance, flâneur de venelles, dégustateur du journal sur un banc. A vélo, on ne s'arrête pas : moulé jusqu'aux genoux dans une combinaison néospatiale, on ne pourrait marcher qu'en canard, et on ne marche pas.
C'est la lenteur et la vitesse ? Peut-être. Il y a pourtant des moulineurs à bicyclette très efficaces, et des petits pépés à vélo bien tranquilles. Alors, lourdeur contre légèreté ? Davantage. Rêve d'envol d'un côté, de l'autre familiarité appuyée avec le sol. Et puis, opposition de tout. Les couleurs. Au vélo l'orange métallisé, le vert pomme granny, et pour la bicyclette, le marron terne, le blanc cassé, le rouge mat. Matières et formes aussi. A qui l'ampleur, la laine, le velours, les jupes écossaises ? A l'autre l'ajusté dans tous les synthétiques.
On naît à bicyclette ou à vélo, c'est presque politique. Mais les vélos doivent renoncer à cette part d'eux-mêmes pour aimer, car on n'est amoureux qu'à bicyclette."
Philippe Delerm
"Il n'est à voir que ton visage
Entendre que ta voix aimée
Car soient mes yeux ou non fermés
Je n'ai que toi de paysage
Que toi de ciel et d'horizon
Que toi de sable dans mes dunes
De nuit noire et de clair de lune
De soleil à mes frondaisons
Breughel d'Enfer ou de Velours
Moulins tulipes diableries
N'est Hollande à ma songerie
Que mon amour que mon amour."
Louis Aragon Le voyage en Hollande
Si le grands bonheurs sont simples, le mystère de la disparition d'un être cher nous laisse muets: la réserve de rires, de rêves, de découvertes paraissait encore si peu entamée.
Henriane, l'épouse de Dominique Pestiaux, a quitté ses proches dans la sérénité ce samedi après midi. Leur diginité dans l'épreuve nous a tous fait grandir, et mesurer le vide que laisse pareille disparition. Pour tout cela, nous voudrions leur témoigner notre gratitude et notre amitié.
Henriane lisait certains de ces modestes messages entre café et journal. Regardant le ciel étoilé les soirs de temps clair, on aura bonheur à l'imaginer sur une étoile guère éloignée de celle du Petit Prince découvrant les pensées de ses frères humains qu'elle aimait tant.
" Nous sommes pleins de choses
qui nous jettent à la porte de nous mêmes."
Jean Cocteau
"A quoi bon la pompe et l'apprêt ?
Nu je suis né , nu je mourrai."
Pallaas, 5e s. de notre ère.
Anthol pal. X, 53
J'entends à mon réveil le chant d'un merle. Mon choix à cet instant est le suivant: entrer dans ma journée avec cette cantate ailée, ou appuyer sur le bouton du transistor pour entendre les nouvelles d'un monde qui, au fond, ne sont jamais neuves. Ma joie et mon coeur vont vers le merle et je ne sais quelle puissance plus grande me fait appuyer sur le bouton du poste. Étrange comme nous sommes à nous-mêmes nos pires adversaires.
C Bobin
"Je suis un jour entré dans un lien où chaque parole de l'un était recueillie sans faute par l'autre. Il en allait de même pour chaque silence. Ce n'était pas cette fusion que connaissent les amants à leurs débuts et qui est un état irréel et destructeur. Il y avait dans l'amplitude de ce lien quelque chose de musical et nous y étions tout à la fois ensemble et séparés, comme les deux ailes diaphanes d'une libellule. Pour avoir connu cette plénitude, je sais que l'amour n'a rien à voir avec la sentimentalité qui traîne dans les chansons et qu'il n'est pas non plus du côté de la sexualité dont le monde fait sa marchandise première - celle qui permet de vendre toutes les autres. L'amour est le miracle d'être un jour entendu jusque dans nos silences, et d'entendre en retour avec la même délicatesse: la vie à l'état pur, aussi fine que l'air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse."
Christian Bobin
Tout passe
et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer
Voyageur, le chemin
C'est les traces
de tes pas
C'est tout ; voyageur,
il n'y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier
Que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Voyageur! Il n'y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer
Antonio Machado
"I stood reflected
Saw myself
I gripped the window
Pressed my mouth
I tried to reach you
Through the mirror
Through the Window
Through the past
I tried to reach you but
The light deceived me
Where 1 was was
Only shadow
What 1 pressed was
Only glass
Let the mirror that
Keep us apart
Become
The window of
The heart."
Chris Cutler. I tried to reach you
Superbe poème découvert aujourd'hui au détour d'une lecture,
ode à la communication et à sa difficulté.
Et en même temps, superbe ode d'espérance.
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
L'ombre légère d'un nuage errant
caresse l'herbe furtivement
Le ciel est ciel calme
miroir tissé de la clarté du jour
La vie dans le creux de la main
rire d'eau fraîche à la fontaine
Les feuilles tremblent dans le vent
Un oiseau chante légère joie
et la douleur pour un instant
oublie le temps
A WANG WEI . Claude Roy
Petite pensée amicale à ceux
dont ce jour commence par une douleur
"La vieillesse, c'est l'hiver pour les ignorants et le temps des moissons pour le sage"
Proverbe yiddish
"Je compare la vie d'un homme à la terrifiante beauté d'un bonzail ou d'un vieux pin sur les récifs en bord de mer qui a pris les plis du vent avec le temps. On le juge beau à l'automne de sa vie, mais quel sacrifice a-t-il dû accepter pour pousser ainsi? S'il a connu un destin singulier, c'est que, dès sa tendre enfance, il a été éprouvé par les tempêtes, ballotté par les vents, les intempéries de toutes sortes. Déraciné, transporté d'un milieu à un autre, subissant les affres d'acclimatations bizarres, il n'est plus jamais à l'aise ni dans un lieu ni dans un autre... Il recherche alors, forcément, inlassablement, l'unité primordiale perdue."
Fabienne Verdier
" L'an dernier j'ai suivi Claude Monet à la recherche d'impressions. Ce n'était plus un peintre, en vérité, mais un chasseur. Il allait, suivi d'enfants qui portaient ses toiles, cinq ou six toiles représentant le même sujet à des heures diverses et avec des effets différents. Il les prenait et les quittait tour à tour, suivant les changements du ciel. Et le peintre, en face du sujet, attendait, guettait, le soleil et les ombres, cueillait en quelques coups de pinceau le rayon qui tombe ou le nuage qui passe, et, dédaigneux du faux et du convenu, les posait sur la toile avec rapidité. Je l'ai vu saisir ainsi une tombée étincelante de lumière sur la falaise blanche et la fixer à une coulée de tons jaunes qui rendaient étrangement surprenant l'effet de cet insaisissable et aveuglant éblouissement. Une autre fois, il prit à pleines mains une averse abattue sur la mer et la jeta sur sa toile. Et c'était bien de la pluie qu'il avait peinte ainsi, rien que de la pluie voilant les vagues, les roches et le ciel à peine distincts sous ce déluge."
Guy de Maupassant, La vie d'un paysagiste, 28 septembre 1886
"Avec l'âge, j'ai appris à me résigner à être Borges."
Jorge Luis Borges
Pour rassurer mes amis qui s'inquiètent: la phrase d'hier (le gel , le silence dur et glacial.. ) est fortuite, et ne correspond à rien de vécu passé ou présent. Bon mental, pas de soucis. Ouf.
Par contre à celle d'aujourd'hui je pourrais adhérer .