"Dis-moi où est planté le clou qui tient ton tableau, je te dirai combien il vaut ."
Guy Ribes
Une intéressante réflexion sur la place occupée par la copie en art
nous est proposée par l'ouverture à deux ans d'intervalle de deux salles
d'expositions permanentes, l'une au Victoria and Albert Museum
de Londres, l'autre au musée du Prado à Madrid. La première dévoile
quelques 250 000 trésors de ses collections auparavant rangées dans ses
caves, costumes de théâtre, ancêtres de vélo reconstruits pour le
cinéma, décors d’architecture médiévale, reproductions d'instruments de
musique anciens, panneaux insolites de signalétique routière, dans un
désordre apparent invitant à la rêverie. La logique cède la place à l’émerveillement, car au-delà de
la contemplation, c’est le cœur secret du musée qui bat sous le verre :
les restaurateurs à l’œuvre, les machines qui chuchotent, les gestes
minutieux suspendus à un fil de lumière. On touche, on respire, on
entrevoit l’âme du temps, façonnée par des mains humaines. Quant à la
nouvelle salle d'exposition du Prado, intitulée ‘Aux limites de la créativité : copies, variantes, pastiches et faux’,
le choix délibéré de sortir de l'ombre de nombreuses copies issues de
collections royales et d’institutions ecclésiastiques se veut témoignage
de l’immense talent de certains copistes de renom. Delacroix imitait
Velasquez et Raphaël, Van Dijck aimait peindre de faux Rubens, Matisse
imitait Titien et quelques-uns de ses contemporains. Léger et Vlaminck
copiaient Corot et Cézanne pour joindre les deux bouts dans les périodes
difficiles. Avec un talent consommé allant jusqu'à inclure la saleté
accumulée au fil des siècles quand un tableau non restauré présentait
une teinte ambrée, restituée sur la copie.
Comme le suggère le célèbre faussaire Guy Ribes dans son
autobiographie, "il est assez facile de tricher en peinture, il suffit
de montrer aux gens ce qu’ils aiment et il se trouvera toujours des
experts et salons d'art pour fermer les yeux lorsque la copie est de
qualité." Condamné en 2010 à trois ans de prison, dont deux avec sursis,
il note avec un certain humour que "tout se passait comme si ce procès
visait à mettre un terme à un certain trafic, mais sans aller fouiller
trop loin dans les pratiques du marché de l’art ni trop remuer de boue."
Après avoir été démasqué, Guy Ribes met un terme à la fabrication de
faux et peint des œuvres sous son nom. Soulagé de voir enfin reconnu son
savoir-faire, il peut citer Coco Chanel "copiez, copiez, je créerai
plus beau encore."
Lu dans:
- Le musée du Prado met à l’honneur copistes et imitateurs des plus belles toiles. El País. repris par le Courrier international. 19 juillet 2023.
- Cécile Ducourtieux. Dans l’est de Londres, le Victoria and Albert Museum met en scène ses réserves. 12 juin 2025
- Autoportrait d'un faussaire. Guy Ribes, Jean-Baptiste Peretie. 2015. Presses de la Cité. 2015. 240 pages. Extrait page 145
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