"Salauds de pauvres ! »
Jean Gabin dans le film de Claude Autant-Lara "La Traversée de Paris"
Elle est caissière chez Action, il est livreur chez Uber. Ravissante
dans son ensemble trois-pièces Shein, mais vaguement culpabilisée, elle
ne cite guère la source de ses achats, mais "on fait ce qu'on peut avec
ce qu'on a". Le faux polo Lacoste de son compagnon a belle allure lui
aussi, mais il la fait modeste: il y a une culpabilité aujourd'hui à se
vêtir à la fois beau et bon marché. J'éprouve une vraie tendresse pour
ces deux-là. Où est donc passée l'époque où les pauvres étaient de vrais
pauvres, habillés de la même grosse flanelle caca d'oie toute leur vie,
et à qui nos parents donnaient périodiquement nos vieilles chaussures,
habits élimés, et jouets passés d'âge? L'obsession de la belle image de
soi est universelle, même si elle n'offre que du rêve. Qui participe le
plus au chaos de la planète, celle qui se fournit sur le marché de
l'ultra-fast fashion ou celle qui ne s'habille que de Dior ou de
Delvaux, le porteur d'une Breitling de contre-façon ou celui qui
collectionne les montre Rolex, Oméga et Cartier? Le temps, et une
longue fréquentation de mes patients modestes, a érodé mes convictions.
Lu dans:
Salauds de pauvres ! » est une invective lancée par le personnage
de Grangil incarné par l'acteur Jean Gabin dans le film de Claude
Autant-Lara La Traversée de Paris, sorti en 1956 et adapté d'une
nouvelle de Marcel Aymé. Publiée dans le recueil Le Vin de Paris, où se
retrouve cette réplique.
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