« En matière de normes biologiques, c’est toujours à l’individu qu’il faut se référer. »
Georges Canguilhem
Dans sa thèse de médecine
soutenue en 1943, le philosophe des sciences Georges Canguilhem
(1904-1995) affirme
qu’une maladie ne peut jamais être décrite objectivement. Autrement
dit, seules les personnes directement concernées seraient légitimes
pour déterminer si elles se sentent malades ou handicapées. A
l’inverse, si leur profil s’écarte de la norme, mais
qu’elles le vivent bien, savants et médecins ne devraient pas
considérer leur état comme pathologique. Un patient, décédé maintenant,
atteint l'âge de 93 ans était atteint de la plus sévère arthrose de
hanche qu'il m'ait été donné d'observer, au point que l'articulation
n'avait plus la moindre mobilité. Il lui fut proposé vingt fois de se
faire opérer, ce qui le faisait sourire: il n'en voyait guère les
avantages. Il promena son chien et s'occupa de ses innombrables protégés
à plumes et à poils jusqu'à la veille de sa mort. La réflexion de
Canguilhem aurait pu être le titre du film à consacrer à ce patient, et
se révéler tout un programme pour notre médecine devenue si normative.
De toutes les disciplines médicales, si promptes à édicter ce qu'est le
progrès et le changement dans la prise en charge des maladies, la
philosophie des sciences reste la plus permanente.
Lu dans:
Georges Canguilhem (1904-1995).
Le Normal et le Pathologique. 1943. Editions PUF 1966. 294 pages
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