"Au cours des automnes et des hivers du siège le plus long du
vingtième siècle, à Sarajevo, le poète Izet Sarajlié a brûlé ses livres
dans son poêle, une feuille à la fois. Izet Sarajlié jetait un rapide
coup d'oeil aux lignes fourrées dans le feu. Il y volait une dernière
fascination avant d'en extraire la dernière courte flamme qui éclairait
la maison éteinte. Il n'y avait pas de bougies, vite épuisées.
L'électricité fut coupée pendant plus de trois ans. Quand la guerre prit
fin, il écrivit un poème:
"Quelqu'un a sonné.
Le premier coup de sonnette électrique à la porte l'avait fait sursauter de bonheur.
C'était le facteur."
Plus près. Un patient revient chez lui après une longue hospitalisation,
retrouve une orchidée abandonnée dans la précipitation du départ. La
tige a été rompue, mais la fleur est intacte. S'approchant, il remarque
un infime faisceau par lequel la sève est passée. On survit par des
canaux minuscules.
Lu dans:
Erri de Luca. Paolo Sassone-Corsi. Le cas du Hasard. Escarmouches entre
un écrivain et un biologiste. Traduit de l'italien par Danièle Valin.
Arcades Gallimard. 2014. 98 pages. Extrait p.52
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