27 avril 2021

L'homme qui plantait des vignes

 

"On quitte Paris par le train la tête emplie de stridentes sirènes
— police, Samu —
et déjà les premières vaches dans les champs beuglent.
    Qui croire ? "
                Étienne Faure

 


A cinq minutes de chez nous finit la ville. La route glisse seule, facile, jusqu'à notre bivouac de campagne, balisée de panonceaux feutre sur carton annonçant les œufs du jour, les nouvelles pommes de terre, les fraises du pays, les poulets fermiers et la gueuze Lindemans "portée sur le fruit".  Quand ça bouge, si peu, on devine les moutons laineux, les emblématiques chevaux de trait de la brasserie Palm, et surtout les vaches les plus paisibles qu'il m'ait été donné d'admirer. On a plaisir à s'imaginer dans le cerveau d'une d'elles, du véritable mindfulness avant la lettre, Pink Floyd plein les basses de la voiture, adieu les emmerdes je rumine et la saveur du foin me grise. Encore deux-trois lieues et je retrouverai mon banc, mon feu et bientôt, grâce aux grands enfants pour lesquels "only sky is the limit", les 900 sarments de vigne mis en terre ce weekend avec l'aide de quelques de leurs potes. Ils réécrivent une version XXIème siècle de l'Homme qui plantait des arbres, faisant joyeusement péter la bulle de dix ne craignant ni les clusters covid-19 brésil/inde, ni la maréchaussée. J'en arrive à compter les moutons la nuit, rêvant avec inquiétude du Corona , alors qu'eux ne craignent que le Phylloxéra. A chacun ses épidémies, à chacun ses peurs. Mais, toute crainte bue, que la région du Pajottenland est belle. 



Lu dans:
Étienne Faure. Et puis prendre l'air. Collection Blanche. Gallimard. 2020. 136 pages. Extrait p.111

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