03 novembre 2020

Ce matin j'ai rencontré Christophe Colomb

 

"Beaucoup de confessions sont sans doute sincères, mais sont-elles vraies pour autant ?"   
                        Carole Martinez



 
Je laisse ma main caresser le bois de mon bureau. Il en a tant entendues, en tant d'années, des histoires de passions déçues, des rêves de carrières, d'expéditions et d'aventures plus romanesques les unes que les autres, toutes ces vies dont on rêve avant de les confier sous le sceau du secret comme pour leur donner une existence réelle. "Petite fille, je dansais comme personne, mais ma mère ...", "je voulais faire médecine, quand vint la guerre", "nous allions nous marier en Écosse au printemps, quand j'appris qu'il en épouserait une autre". Destinées manquées ou rêves prolongés sans connaître de réveil?  Je tente d'imaginer l'autre récit, l'enfant pataude devant le miroir de sa chambre esquissant un entrechat sans grâce, la grande sœur soignant sa  cadette comme quand je serai médecin, le bel aviateur anglais croisé sur une plage romantique et rentré au pays concret après la guerre, tout ce réel supplantant des vies rêvées qui auraient été si belles. Et si ces histoires construites appartenaient à un chemin nécessaire pour survivre, une image de soi plus excitante que la silhouette délavée qu'on traîne, une fiction qui permettrait d'accepter la réalité? Faut-il vraiment casser le rêve d'Elvira Madigan quand elle s'autorise, le temps d'une consultation, un court moment de romanesque auquel elle demeure la seule à croire?



 
Lu dans:
Carole Martinez. Les roses fauves. Gallimard. Collection Blanche. 2020. 352 pages. 

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