29 octobre 2020

Le Covid ça use, ça use

 

"La salle 79 est celle où je me rends chaque jour. L’endroit où je me traîne chaque jour, devrais-je plutôt dire. Au début, c’était différent. Je me levais, pleine d’entrain, je me rendais à mon travail, gonflée à bloc par toutes mes certitudes. Puis quelque chose s’est rompu, brisant du même coup mon élan. Je suis devenue tout ce que je redoutais. La professionnelle qui n’est plus rien d’autre, celle qui réalise, jour après jour, la même liste de tâches reproduites à l’infini. Sans m’en apercevoir, je me suis réduite à ma fonction et tout le reste s’est volatilisé. […] Au fil des années, mon enthousiasme s’est dilué dans ces regards vides, dans ces souffrances qui vicient l’air, dans ces vies, plus rares, qui ne tiennent pas. […] Je continue à me lever, à m’habiller, à me rendre à la salle 79. Mes mains manipulent encore et encore ces êtres nés trop tôt mais plus rien n’est pareil. La peine s’est amassée en moi, et sans issue, elle s’est installée là. (..) J’ai peur que cette peine en excès déborde, telle une rivière qui sort de son lit." 
                                Alia Cardyn
 

 

Lu dans:
Alia Cardyn. Mademoiselle Papillon. Robert Laffont. 2020. 267 pages.

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