06 avril 2020

La bonne distance rapproche


"Oubliés les câlins
et vive la nouvelle gentillesse
garder la distance
retenir les bras
et étendre le cœur."
                    Sophia Wilson




Étendre le cœur. Comme le note finement la philosophe Svenja Flaßpöhler, la crise du Covid-19 se caractérise par un renversement radical des hiérarchies établies : "au cours des dernières décennies, la ville était l’objet – hors de prix – de toutes les aspirations. La campagne tient désormais ce rôle. En temps normal, la production est l’objet de tous les éloges. Nous réalisons aujourd’hui la valeur primordiale du travail re-productif : soin apporté aux malades, aux aînés et aux nouveau-nés, approvisionnement, etc.(..) Notre fils grandit, tâtonne pieds nus dans la chaleur du salon, attrape du papier à dessin dans les rayonnages. Comme souvent, il se contente de peindre une ligne sur la feuille. Satisfait de son œuvre, il la jette aussitôt. “Le bloc de papier est presque fini, et je ne pourrai pas en racheter”, lui dis-je. Il reprend alors la feuille et peint le dos de toutes les couleurs. Il y a des effets positifs à cette crise : l’abnégation et la durabilité deviennent des nécessités ; la solidarité et le soin deviennent des devoirs sociaux fondamentaux."  Et une attention accrue apportée à l'autre, si proche et parfois si négligé. Moment propice pour redécouvrir ce mélange de vertus - le courage, la simplicité, l’honnêteté -  que George Orwell appelle la “décence ordinaire”. Si nous parvenons à perpétuer cette bonté qui émerge dans la période difficile que nous vivons, malgré les prévisions sombres, nous vivrons peut-être mieux.



Lu dans:
Sophia Wilson. La Couronne. Médecin et psychiatre (Nouvelle-Zélande). Publié dans Hektoen International, numéro de printemps 2020, rubrique Poetry.  www.hektoen.org

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