10 novembre 2019

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"C'est vrai, on oubliera. Oh ! je sais bien, c'est odieux, c'est cruel, mais pourquoi s'indigner : c'est humain... Oui, il y aura du bonheur, il y aura de la joie sans vous, car, tout pareil aux étangs transparents dont l'eau limpide dort sur un lit de bourbe, le cœur de l'homme filtre les souvenirs et ne garde que ceux des beaux jours. La douleur, les haines, les regrets éternels, tout cela est trop lourd, tout cela tombe au fond... On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qu'ils aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois."
                            Roland Dorgelès. Les Croix de bois.


Entre le soldat Jules Peugeot ( † 2 août 1914) et le soldat Augustin Trébuchon († 11 novembre 1918),  ce sont 9,7 millions de morts pour les militaires et 8,9 millions pour les civils qui disparaîtront dans un conflit qu'ils n'avaient ni souhaité, ni décidé. Horreur bien partagée, chaque camp la moitié, la défaite est dans les deux camps. Si Trébuchon perdit la vie cinq minutes avant la fin des hostilités le 11 novembre, dérision ultime il fut déclaré mort le 10 novembre pour garder au "jour de la victoire" tout son éclat. Cette guerre devait être "la der des ders",  mais le pire était à venir, et aujourd'hui encore des conflits armés secouent l'Afghanistan, le Yémen, le Soudan du Sud, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo (RDC), la Syrie, l'Irak, le Mali, le Nigeria et la Somalie. Que d'Armistices à venir. 
 

 
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Roland Dorgelès. Les Croix de bois. 1919. Albin Michel. Inspiré de l'expérience vécue par son auteur durant la Première Guerre mondiale, le récit de Dorgelès est pressenti pour l'obtention du prix Goncourt de 1919 mais finalement devancé par À l'ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel Proust. Il obtient le prix Femina. Dès sa publication, le livre est accueilli chaleureusement par la critique officielle et par les anciens poilus, fraîchement démobilisés ou hospitalisés pour blessures de guerre.   

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