29 octobre 2019

Moment suspendu


"A la vitesse où le temps passe  
le miracle est que rien n'efface         l'essentiel."
                    Francis Cabrel. La robe et l'échelle.


Le sablier de la nuit s'est écoulé, elle a calé deux oreillers pour la nuque, un plaid pour les genoux, une bande dessinée et elle s'envole. Son frérot s'accroche à sa longue traîne, l'oreille rivée au minuscule mécanisme d'une boîte à musique "le plus beau jouet qu'il ait jamais trouvé". Ces deux-là occupent le bel aujourd'hui mieux que personne, enfants de leur époque et heureux de l'être. Moment fragile suspendu dans le temps et dans notre agitation, nous est rappelé que "si peu me suffira / juste l'aube qui est là-bas /  une route, un chemin, un devenir / un rêve à n'en plus finir / un rêve pour vivre." (I Muvrini)



Lu dans:
Francis Cabrel. La robe et l'échelle. Columbia Sony BMG. 2008
I Muvrini. Un rêve pour vivre (Un Sognu Per Campa). Paroles Stéphan Eicher. Umani. Capitol Records. 2002

28 octobre 2019

Papa


"Y a pas de bons pères, y a que des hommes qui font de leur mieux."
                                Bigflo et Oli. papa


Qu'en mots simples des vérités peuvent être énoncées. Avoir un père aimant n'est pas donné à tout le monde, et c'est tout le mérite de Bigflo et Oli que d'en faire un portrait tout en nuances et émotion.


"Sa voix vibrait dans mon oreille quand j'étais dans ses bras
Les chansons à la guitare, les bisous avec la barbe
Il parle de l'époque du lycée avec mélancolie
Je m'endormais sur le canapé, je me réveillais dans mon lit
Il m'a laissé veiller devant les films que j'aimais bien
Il m'engueule jamais, le pire c'est quand il dit rien
On fait des matchs et je prie pour que ça dure
Il prend de l'âge, je l'ai lu dans ses courbatures
Les jambes tremblent quand on se fâche par moments
Plus ensemble, mais il me demande toujours pour maman
Il m'a transmis son charme et sa poésie
Mais j'ai aussi hérité de sa calvitie
C'est mon idole, avec lui rien est impossible
C'est un peu mon avocat, mon cuistot, mon taxi
Ses histoires et ses blagues quand il picole
Ses vieux pulls et ses chemises à auréoles

Maintenant c'est bon, et bêtement on en rigole
Mais j'étais con et j'avais honte devant l'école
L'odeur du café le matin, la voiture, les souvenirs
Les au revoirs, les câlins, ses blessures, ses soupirs
Ça sera toujours mon père et je reste son gamin
Et quand j'en aurai un je lui parlerais du mien
Celle-là c'est pour nos pères, nos padre
Ceux qui disent "je t'aime" sans même parler
Pour ceux qu'on regrette, ceux qui sont pas passés
Mais si t'es papa, tu sais que t'es pas parfait."

 
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.


Lu dans:
BigFlo & Oli. Papa. Paroliers : Florian Ordonez / Olivio Ordonez / Fabian Ordonez. Paroles de Papa © BMG Rights Management (france), BMG Rights Management.
Voir le clip : https://youtu.be/dMIPaab43Hw
        

26 octobre 2019

Une parole fraîche


"Silence, Chavée, tu m’ennuies."
                    Achille Chavée


Autodérision salubre, qu'on s'adresse volontiers à soi-même ces mauvais jours où le discours s'enlise, paroles cent fois redites, souvenirs usés par la répétition, allusions lourdes sur les maux sociétaux. Avec les années, la parole fraîche devient rare et serait utilement remplacée par le silence et l'écoute. 



Lu dans:
Achille Chavée. Écrit sur un drapeau qui brûle. Impressions nouvelles. Coll. Espace Nord. 2019. 280 pages.

25 octobre 2019

Les enfants blonds de Göttingen

"J’ai dévoré la ville. Elle me paraissait différente. Comme si une rencontre pouvait modifier le sens des pierres. "
                                    Marcel Sel



Le 4 juillet 1964, Barbara, qui fut une enfant juive se cachant pendant la Seconde Guerre mondiale, se rend sans enthousiasme en Allemagne dans la ville universitaire de Göttingen. Elle fait sa diva, réclame un piano à queue, menace de ne pas chanter. Des étudiants se mobilisent, dénichent l'instrument in extremis, le descendent à bras jusque sur la scène et le concert a lieu avec deux heures de retard. Peu rancunier, le public l'ovationne avec tant de chaleur que Barbara prolonge son séjour d’une semaine. Le dernier soir, en s'excusant, elle offre une version initiale de la chanson Göttingen, à la fois chantée et parlée, qu’elle a écrite d’un trait dans les jardins du théâtre sur une musique inachevée. Dédicacée à ces enfants blonds de Göttingen "qui savent mieux que nous, je pense / L'histoire de nos rois de France / Herman, Peter, Helga et Hans, à  Göttingen" la chanson devient rapidement un hymne à la réconciliation, à sa propre réconciliation avec son histoire personnelle: "faites que jamais ne revienne / Le temps du sang et de la haine / Car il y a des gens que j'aime / A Göttingen, à Göttingen."


Lu dans:
Marcel SEL. Elise. ONLiT. 2019. 434 pages.

24 octobre 2019

20 ans


"N’attendez pas le bonheur
pour être heureux, mes amis."
                            Norge


Vingt ans ont passé comme une semaine. Le 24 octobre 1999 naissait le premier Café Journal, destiné à mes collègues enseignants à Woluwe afin de les inciter à ouvrir chaque jour leur boite électronique toute fraîche que personne n'utilisait. Je leur promettais d'en poster un chaque soir durant une semaine, et d'arrêter ensuite. Étant d'humeur allègre je choisis une pensée d'Alain "Refais chaque jour le serment d'être heureux", ce que la vie s'empressa de démentir pour l'un ou l'autre dont la sagesse m'apprit néanmoins, avec Prévert, que "le bonheur en partant nous assure qu'il reviendra". Ces minimes d'un soir devinrent progressivement ce que la boite à musique est au sommeil des gosses, modestes grains de bonheur sous les paupières de la  nuit. Les échanges qu'elles permirent sont mes étoiles au ciel, et le ciel brille.



Lu dans:
Daniel Laroche. Une chanson bonne à mâcher. Vie et œuvre de Norge. Préface de Pierre Piret. Presses Universitaires de Louvain. 2019. 266 pages
Alain. Propos sur le bonheur. XCII. 1923. 

23 octobre 2019

Les oiseaux philosophes


 "Tel le ramier posé sur le faîte du toit avec sa posture de grand placide, sa manière de regarder passer la vie comme qui regarderait le dehors, de sa fenêtre, tranquille. Ou plutôt comme les oiseaux de petit format qui ne prennent pas des airs de philosophe et sont faits pour l’intranquillité."
                    Nicole Malinconi


Pour le vol, il n’y a pas mieux que les oiseaux, pour la réflexion non plus d'ailleurs. Un pigeon philosophe perché sur une cheminée de la maison voisine, se chauffant gratuitement pour faire face aux premiers frimas, a de quoi nous rendre jaloux. A moins que nous attire encore davantage l'activité des moineaux, cette sorte de joie permanente de gosses en récréation, cette apparence d'insouciance agitée. Loin là-haut une image disparue depuis l’enfouissement des fils électriques, celle des migrateurs qui à la fin de l'été s'y rassemblaient en préparation du grand départ.  Pareils aux hommes, les oiseaux participent à la transformation du monde et à ses conséquences, à ce qui disparaît et à ce que cela induit. Nous sommes solidaires.


 

Lu dans:
Nicole Malinconi. Poids plumes. Esperluète. 2019. 80 pages

22 octobre 2019

Tu


"J’ai besoin quand j’écris
que tu te penches sur ma feuille

il y a ce tu
dans l’écriture
sans lequel je
ne trouve pas l’usage
des mots."
        Véronique Wautier
 




Lu dans
Pierre Tréfois et Véronique Wautier. Dans nos mains silencieuses. Éranthis. 2018. 34 p. 

20 octobre 2019

Le petit homme raide


"Lui était un tout petit homme maigre, toujours vêtu d’un complet blanc, coiffé d’un casque colonial. Il était raide comme un jouet, avec des mouvements saccadés qui faisaient penser à des jointures rouillées. Quand on le voyait avec sa femme sur la route, on avait  l’impression qu’elle devait le remonter de temps en temps pour le remettre en marche."
                            George Simenon. Les volets verts. 1950


Dans la rue de mon enfance, il habitait à moins de 100 mètres. Son image me revient en lisant ces lignes de Simenon. En vingt ans, pas un échange. On se jaugeait de loin, reconnaissant une silhouette, la couleur invariable d'un imper, l'heure de départ et de retour de sa voiture, garée toujours à la même place. Mi-village mi-ville, c'était ça, la banlieue. Sa femme le supplantait, plus joviale, plus amène, plus bavarde, plus tout en quelque sorte. Cet homme avait sans aucun doute ses propres rêves, ses espoirs de carrière, ses tracas personnels et de santé comme tout le monde. Parfois me prend l'envie de réécrire tout le scénario, de traverser la rue pour aller lui dire bonjour, demander comment il va, mais l'histoire est finie et je ne saurai jamais ce qu'il avait sous son chapeau. Ni lui  sous le nôtre. Les regrets ne mènent à rien, mais je mesure à quel point la chance de ma vie fut la médecine, grâce à laquelle dans ma rue actuelle les visages sont des récits.





Lu dans:
Simenon,  cité par Jean-Claude Vantroyen. Raide comme un jouet. Le Soir. 19 octobre 2019. p. 29

19 octobre 2019

Jeux de plage pas drôles


"Ils ont beaucoup de sable là-bas. Donc, ils peuvent jouer avec beaucoup de sable."
                    Donald Trump
Commentant la situation dans le Kurdistan syrien, le président des États-Unis fait dans l'humour, précisant  "qu'ils ont besoin de se battre un peu. Comme deux gamins, on les laisse se bagarrer un peu, et puis on les sépare". Pareil mépris d'êtres en souffrance laisse pantois. Il y avait beaucoup de sable aussi sur les vastes plages de Normandie, mais du respect pour les victimes quel que soit leur camp et un président qui occupait mieux la fonction.

Lu dans:
Gilles Paris. La guerre en Syrie, miroir de la présidence de Donald Trump. Le Monde 17 octobre 2019.

18 octobre 2019

Contrôle des papiers


"La vie c'est comme le train vers Dourdan: il est plein au départ. Dès Saint-Chéron, il n'y a plus guère que nous, qui descendons au terminus."
                        Claude Roy

Il me montre la photo sepia d'une fête de famille dans le jardin d'une grande maison. Ils étaient 20, frères soeurs unis comme les doigts de la main, parents, et peut-être aussi un grand-père avec un comique chapeau de paille. Il fut le premier à descendre du train, et puis un autre, et puis la mère, et puis le premier frère. Il arrive à Saint-Chéron, le compartiment est vide, il cherche ses papiers se demandant s'ils sont encore valides. Quel beau voyage, mais qu'une gare de campagne peut être triste quand on y descend seul.

17 octobre 2019

Miroir mon beau miroir


"Je me suis regardé dans le miroir : j’ai vu toutes sortes de gens."  
                            Francis Dannemark
 
 
On est tous des fils de... mais encore. Et si, à l'image du figuier des banians dont les branches deviennent des racines, nos vies n'étaient qu'une longue intrication d'influences successives, compagnons de route qui furent à la fois semences et nutriments, lumière et pluie, sentiers ouverts et bordures garde-fous, premiers de cordée et sherpas de fin de colonne. Demain au lever, regarder son miroir comme une fenêtre ouverte sur le paysage de notre existence, peuplé d'une longue traine d'être chers sans lesquels nous ne serions qu'un Mowgli errant dans la Jungle. Et, prolongeant la rêverie des racines imaginer les ailes, toutes ces rencontres croisées auxquelles nous avons donné vie parfois sans nous en rendre compte, des tristes redevenus gais, des incertains remis sur la route, des enfants rieurs devenus des adultes lumineux, de grands vieillards angoissés partis sereins. Certains auteurs ont le don d'écrire dru et de faire de nos miroirs des paysages, c'est le cas de la citation de ce jour qui traînait dans ma mémoire et que j'ai retrouvée avec bonheur.



 
Lu dans:
Francis Dannemark. Les petites voix. Belfond. 2003. 156 pages

15 octobre 2019

Goya et Zweig


"La condition humaine a été atrocement bien représentée par Goya dans l'une des fresques de sa maison du sourd : deux hommes qui se battent au sabre pendant qu'ils s'enfoncent dans des sables mouvants."
                                                                            Jean Loubry
 
L'actualité peut paraître à ce point sinistre qu'on aimerait se réveiller de ce mauvais rêve que constitue la lecture du journal. La littérature regorge de portraits anticipant ces drôles de personnages qui nous gouvernent mais c'est Goya dans sa peinture de la folie qui les résume le mieux. Le Joueur d'échecs de Stefan Zweig lui servirait d’annotation, mais est-ce pertinent d’appeler les échecs un jeu quand on suit la partie entamée cette semaine simultanément dans plusieurs endroits de notre Terre? Certains se trouvent à quelques heures de train de notre pays, et tous leurs chefs d'état ou de gouvernement sans exception furent élus par les voies les plus démocratiques. C'est peut-être ce qui rend le plus triste.


 
Lu dans:
Jean Loubry. Penser contre nature. Aphorismes de philosophie. Presses Universitaires de Louvain. Coll. Petites empreintes. 2018. 74 pages. Extrait pp 23-24.

Aimer une inconnue

"À quoi penses-tu
La question de tous les couples
De tous ceux qui vivent
Côte à côte."
                Emmanuel Régniez.

Nous vivons entourés de planètes inexplorées, personnes chères dont nous ne perçons le jardin secret que par quelques minuscule fenêtres. Il a été suggéré que la vie en société ne résisterait pas longtemps à la connaissance complète et permanente des pensées de ceux que nous croisons. Ne découvrir que ce qui se laisse éclairer est une sagesse.

Emmanuel Régniez réécrit Simenon, en enfile la poésie des mots dans leur simplicité, laissant traîner le regard sur un détail oublié du décor, saisissant le quotidien dans ce qu'il a de plus simple, tissant de nouveau fils pour les perles dont il fait des colliers.



Lu dans:
Emmanuel Régniez, Cédric Friggeri. Marges en pages. Ed. Ordinaire(s). 2019. 176 p.

14 octobre 2019

Le livre qu'on n'attendait pas


"La passion autoproclamée de Jeff Bezos (le fondateur d'Amazon) pour les livres relevait d'une démarche pragmatique. Le rêve qu'il caressait était celui de devenir le plus grand distributeur sur Internet et, partant, du monde. Or, pour démarrer son entreprise, Amazon, il lui fallait trouver le produit idéal capable de faire la preuve que son business model pouvait fonctionner. Et ce produit idéal fut le livre : pas fragile, facile à transporter, non périssable, ne nécessitant pas de service après-vente, peu enclin aux pannes... il présentait toutes les qualités requises."
                            Paul Vacca


Au départ d'une amusante et pertinente analyse de la "story telling" du patron d'Amazon, celui "qui aimait tant les livres qu'il décida de les rendre accessibles au plus grand nombre d'un seul clic", Paul Vacca nous fait partager - outre son amour du livre -  son attachement aux petites librairies. Celles qui nous font découvrir la "terra incognita incognita": pas celle des livres qu'on connaît (Le Petit Prince), ni celle des livres qu'on connaît mais qu'on n'a pas lus (Crime et Châtiment), mais celle des livres qu'on ne sait pas qu'on ne connaît pas (Incognita incognita, de Mark Forsyth, par exemple). Par-delà l'allégorie du livre inattendu s'ouvre une belle réflexion sur ce qui fait le sel de nos vies: la personne qu'on croise et qu'on n'attendait pas, la saveur ignorée du mets exotique, la musique qui ne ressemble à aucune autre mais  nous parle de nous. Ce  jour qui s'ouvre peut nous révéler des surprises. 



Lu dans: Paul Vacca. Délivrez-vous. Les promesses du livre à l'heure numérique. Les Editions de l'Observatoire. 2018. 102 pages. Extrait p.50

12 octobre 2019

Le bon vieux temps


"On pourrait continuer à broder sans fin sur cette ligne de fausse nostalgie. Quand les premiers livres de poche sont apparus, les gens les détestaient et les appelaient les romans à deux sous. Et je soupçonne que lorsque Johannes Gutenberg a inventé l'imprimerie au XVe siècle, les monastères étaient pleins de moines qui prétendaient qu'une Bible imprimée manquait de chaleur humaine. On peut probablement remonter jusqu'à 3000 av. J.-C. et trouver un Égyptien déplorant la disparition des hiéroglyphes sous la poussée de l'écriture hiératique à la nouvelle mode. Ça n'a pas de fin. (..) Le monde a évolué et toutes sortes de choses ont sombré dans l'oubli — les machines à vapeur, les cassettes audio, la petite vérole. Aussi fort que ça nous fasse hurler, nous ne voulons pas réellement revenir en arrière."    
                    Mark Forsyth
 

Lu dans:  
Mark Forsyth. Incognita incognita. La Editions du sonneur. 2019. 48 pages. Extrait pp 19-20

11 octobre 2019


"Avantage de la musique sur la littérature: les notes ignorent la méchanceté."
                    Jean Loubry
 
 

 
Lu dans:
Jean Loubry. Penser contre nature. Aphorismes de philosophie. Presses Universitaires de Louvain. Coll. Petites empreintes. 2018. 74 pages.

10 octobre 2019

Un pourcent et demi


 "Nous avons, paraît-il, nonante-huit pour cent et demi de génomes communs avec le chimpanzé. Plus peut-être. La science ne sait trop que faire de ce pour cent et demi qui lui échappe et grâce auquel pourtant nous avons bâti des cathédrales, peint des tableaux, écrit des poèmes, composé des musiques et même découvert que nous avions nonante-huit pour cent et demi de génomes communs avec le chimpanzé. Et plus peut-être."
                    Jean Loubry


La même observation a été faite pour le porc et son cousin sauvage le sanglier, ce qui en fait un excellent modèle en recherche biomédicale, en chirurgie cardiaque, pour les greffes d'organe et pour la production de médications humaines comme l'héparine. Tout comme l'homme, cet animal peut souffrir de diabète, d'obésité ou de maladies comme Parkinson et Alzheimer. Un petit pourcent de génome qui nous donne tout pouvoir sur lui, à la vie à la mort. Étrange hiérarchie venue du fonds des temps instaurant une suprématie que la race humaine ne paraît guère prête à abandonner.

       

Lu dans :
Jean Loubry. Penser contre nature. Aphorismes de philosophie. Presses Universitaires de Louvain. Coll. Petites empreintes. 2018. 74 pages. Extrait pp 17-18. 
"Petites empreintes" est une création récente des Presses Universitaires de Louvain, en format volontairement réduit de manière à condenser la réflexion comme le temps de cuisson et l'évaporation concentrent les fonds de sauce en cuisine. A découvrir.

08 octobre 2019

Sombre labyrinthe


"Que de mystères demeurent à découvrir dans le système nerveux
cette toile de structure matérielle et éthérée
ce réseau de fils qui parcourent le corps
composé de mille fils d'Ariane menant tous au cerveau
ce sombre labyrinthe où gisent         éparpillés
les os humains
où rôdent les monstres
et aussi les anges..."
                Margaret Atwood


Un tueur en série octogénaire raconte aux enquêteurs ses 93 meurtres de femmes, entre 1970 et 2005. Il en a immortalisé les portraits, a posté le récit filmé de ses forfaits sur un site en ligne et semble y prendre un plaisir certain. Lui et moi, lui et vous, sommes de la même espèce, Homo sapiens. Où se niche donc la différence, si différence il y a ?  Je contemple notre nouveau-né, quelques semaines à peine: que deviendra-t-il?



Lu dans:
Margaret Atwood. Captive. Trad. Michèle Albaret-Maatsch. Ed. 10x18. 2017. 624 pages.  Extrait p. 247

La pluie Pierre

Il pleut
Il pleut
Sur les jardins alanguis
Sur les roses de la nuit
Il pleut des larmes de pluie
Il pleut
Et j'entends le clapotis
Du bassin qui se remplit
Oh mon Dieu, que c'est joli
La pluie

Quand Pierre rentrera
Il faut que je lui dise
Que le toit de la remise
A fui
Il faut qu'il rentre du bois
Car il commence à faire froid
Ici
Oh, Pierre
Mon Pierre

Sur la campagne endormie
Le silence et puis un cri
Ce n'est rien, un oiseau de la nuit
Qui fuit
Que c'est beau cette pénombre
Le ciel, le feu et l'ombre
Qui se glisse jusqu'à moi
Sans bruit
Une odeur de foin coupé
Monte de la terre mouillée
Une auto descend l'allée
C'est lui
Oh, Pierre
Pierre
            Barbara
 
Paroles pour aimer l'automne, et la pluie.
 

06 octobre 2019

L'eau de là-haut


"Elle
rappelle-toi comme elle est belle
et touche-la, elle sent le sel
c'est un don miraculeux
Toi
tu te caches dans les ruelles
et comme un païen qui appelle
les dieux pour qu'elle t'inonde
Elle
elle a le temps
elle est là depuis mille ans
elle te suit comme une ombre
Rien que de l'eau, de l'eau de pluie, de l'eau de là-haut."
                                Véronique Sanson.


Et soudain la pluie... Un jour, deux jours, la semaine. La pluie qu'on aime après un bel été sans fin, "il pleut tellement qu'il pleut même dans mes rêves" (Abraham Verghese)
 
  

Lu dans:
Bernard Swell. Véronique Sanson. Rien que de l'eau.  © Piano Blanc. Société des éditions musicales. 1991
Abraham Verghese. La porte des larmes. Trad Michel Marny. Flammarion 2010.  Coll J'ai Lu 9572. 768 pages. 

05 octobre 2019

Paroles volent


"Si tu supportes mal d’entendre tes propos
interprétés sans cesse par des juges inconnus
et que dans leur regard         comme à travers leur peau
tu vois se refléter leurs soucis mis à nu…"    
                    Thibaut Creppe
 
Ce qu'on dit, ce qui se comprend. Il a 80 ans, vit seul. Il m'interpelle en rue, me dit que son fils lui propose d'aller habiter chez lui, qu'en pensez-vous docteur? Je lui dis que son fils est bien aimable, qu'il faut y réfléchir à l'aise. Le fils me téléphone le soir en panique: mon père me dit que vous estimez qu'il est temps que je le prenne chez moi car il ne peut plus vivre seul. Nos paroles volètent et se retraduisent selon l'épaule où elles se posent.

 
Lu dans:
Thibaut Creppe. La ville endormie. Tétras Lyre. 2019. 57 pages

03 octobre 2019


"Ainsi va le poète : un pigeon dans la ville
Côtoyant les égouts aussi bien que les cimes."
                    Vincent Poth
 
 
       
Lu dans:
Vincent Poth. À l’abri de l’abîme. Taillis Pré. 2019. 98 pages

Rêves brisés


"Un camion d’éboueurs     dans notre rue déserte
fait résonner la nuit et emporte peut-être
sans le savoir         déposées là pour disparaître
quelques lettres et des fleurs que je t’avais offertes. "
                    Thibaut Creppe

Récits de vie, dont le quotidien banal ravive les ruptures, que n'en entendons-nous chaque jour. On rit, on pleure et même le « rire se confond avec un verre brisé » (Apollinaire).





Lu dans:
Thibaut Creppe. La ville endormie. Tétras Lyre. 2019. 57 p.

02 octobre 2019

De la buée aux fenêtres

"Le vent fera craquer les branches
La brume viendra dans sa robe blanche
Y aura des feuilles partout
Couchées sur les cailloux
Octobre tiendra sa revanche

Le soleil sortira à peine
Nos corps se cacheront sous des bouts de laine
Perdue dans tes foulards
Tu croiseras le soir
Octobre endormi aux fontaines

Il y aura certainement,
Sur les tables en fer blanc
Quelques vases vides et qui traînent
Et des nuages pris sur les antennes 
 
Je t'offrirai des fleurs
Et des nappes en couleurs
Pour ne pas qu'Octobre nous prenne
Et sans doute on verra apparaître
Quelques dessins sur la buée des fenêtres."

Francis Cabrel. Octobre. Album : Samedi soir sur la terre. 1994.
 


01 octobre 2019

Comme des ronds dans l'eau


Et l’amour         jamais quantifiable ni reconnu de ceux qui le transmettent
observer la pierre  jetée dans l’eau distraitement         où vont les ronds ?
quelle béatitude de ne pas le savoir
et de continuer
                Kathy d’Hoop

Où vont les ronds? Imaginer que le regard aimant que l'on a jeté sur ceux qu'on croise puisse leur être bénéfique à distance, dans le temps, dans l'espace. Beau sujet de réflexion pour une journée.