30 septembre 2019

Les yeux de la ville


"Qu’est-ce qu’un quartier sinon, d’abord, ces fenêtres qui s’allument une à une au petit matin et composent dans l’obscurité une constellation d’existences juxtaposées les unes aux autres ?"
                      Manon Ott



Incrustés dans notre rue de longue date et y travaillant, chaque fenêtre est un visage. Quand une à une elles s'illuminent, on ne dit pas "elle s'allume" mais "Monsieur Tilkin se lève", cela fait une sacrée différence.
       

Lu dans:
Mathieu Macheret. De cendres et de braises , la beauté cachée des cités. Le Monde Cinéma. 25.9.19.
La chercheuse en sciences sociales Manon Ott livre le fruit d’une longue enquête de terrain sur Les Mureaux dans un documentaire.

28 septembre 2019

Naufragés


"Assis dans un coin du vieux port je me disais : Et dire qu’un billet d’avion Dakar-Paris, c’est 800€ et 5 heures de vol."
                    Slimane Benaïssa


Elle a trouvé refuge dans le vieux Marseille, en attente d'une route vers l'Angleterre. Elle se remémore l’impossible odyssée aux bons soins de passeurs douteux, les compagnons de voyage emportés par les flots, la traversée ce que l’humanité produit de plus pure horreur. On lui dit que le plus dur est derrière elle, elle n'en est guère convaincue: en Afrique elle était migrante, ici elle est une exilée et l'exil est une souffrance à part entière. Demain cela fera trois mois qu'elle a quitté son village et sa famille de la manière la plus clandestine qui soit. A la devanture des kiosques, elle déchiffre la une des quotidiens relatant la faillite de Thomas Cook et ses 600.000 clients à rapatrier. L'incertitude du calendrier de retour (un jour, une semaine?) de ces naufragés touristiques lui fait envie, ainsi que la sollicitude à les rapatrier dans de bonnes conditions. Si tous les hommes sont égaux, ceux avec un visa le sont plus que d'autres, même clients d'une firme en faillite. 



 
Lu dans:
Collectif. Des traversées et des mots. Écritures migrantes. Mardaga. 2019. 96 p.
Une initiative originale née dans la foulée de la Foire du livre : rassembler en un recueil des textes écrits par des migrants et d’autres créés pour l’occasion par quelques-uns de nos écrivains francophones et par des personnes impliquées dans les mouvements aux côtés des réfugiés. 

26 septembre 2019

La beauté des retours


"Je n'aimais pas sentir arriver la fin des vacances, mais j'adorais le trajet du retour, vers la France notre pays natal, vers Paris, vers notre appartement et la chambre que je partageais avec mon frère, vers l'année scolaire qui allait commencer. J'aimais avaler les kilomètres, dominer l'autoroute le long de laquelle défilaient les paysages et tous ces possibles : sorties vers d'autres villes, d'autres vies, d'autres enfances. Et c'était encore meilleur la nuit, lorsqu'on avait le droit de veiller avec mon frère et que les feux des voitures autour de nous (points rouges devant le camping-car, phares jaunes arrivant en sens inverse), les lampadaires au-dessus de l'asphalte, les stations-service et les centres commerciaux paraient la nuit industrielle des beautés qu'on lui refuse, traînées opalescentes, diadèmes, escarboucles, lasers entrecroisés, rivières de diamants. J'en étais millionnaire."
                        Ivan Jablonka


La beauté se niche dans le regard, qui peut transformer le quotidien en aventure. Se créer mille existences en devinant les sorties d'autoroute, et une toile impressionniste à la vue des phares de voiture, laissera rêveur les poètes ancrés dans l'humus de nos campagnes, mais pourquoi pas? Il existe une poésie urbaine pour réenchanter le monde.

 
Lu dans: Ivan Jablonka.
En camping-car. Seuil. 2018. 184 pages. Extrait p. 26

Sept milliards de langues


"Ma mère était anglaise et je parlais anglais avec elle. Très jeune, on m'a emmené en Suisse et je parlais français avec la maîtresse, et j'apprenais le latin avec un professeur. Avec mon père je parlais et j'écrivais en espagnol. J'ai donc longtemps cru que chaque personne avait sa propre langue."
                    Jorge Luis Borges

 
La manière de dire, l'empreinte vocale, double nos  empreintes digitales: chacun a la sienne, même en parlant une langue commune.  On reconnaît dans l'instant, à la manière de s'annoncer au téléphone, d'énoncer "ma fille est malade", de s'excuser pour un retard la personne qui  le prononce. Les années qui passent le modifient peu, et même si on améliore la syntaxe la mélodie d'une voix demeure unique. Je suis tel que je parle.
 

25 septembre 2019

Une séduisante maîtresse


"La médecine est une maîtresse exigeante, fidèle, généreuse et sincère. Elle m'a accordé le privilège de voir des patients et d'enseigner à des étudiants, et donné du sens à tout ce que je fais." 
                        Abraham Verghese
 
 
Le lyrisme d'Abram Vergheze, qu'un ami médecin m'a fait découvrir récemment, résonne en moi. J'ai dévoré son long ouvrage semi-autobiographique "La porte des larmes" en quelques jours, transporté par la magie des mots dans une pratique médicale si peu différente de celle que je vis, égrenant passionnément les étapes de ce médecin ayant étudié en Inde, pratiqué en Éthiopie, enseigné à Stanford aux États-Unis. Le livre refermé, ne restent que les questions: comment entretenir une maîtresse exigeante sans trahir ses proches et sans sacrifier une partie de soi-même, négligeant ce jardin intérieur qui aurait demandé davantage d'égards et de temps?  Comment entretenir un œil lucide sur cette maîtresse si peu sincère par moment, comme le révèle le procès du Médiator qui s'ouvre aujourd'hui à Paris, une "médecine de barbouzes" comme la nomme la lanceuse d'alerte Irène Frachon? Comment résister à l'usure du quotidien, à la "médecine bête" aux solutions simplistes d'une plainte une pilule, à la morsure du gain facile?  Les plus beaux romans seraient-ils ceux qui se rapprochent au plus près de nos réflexions endormies?


Lu dans:
Abraham Verghese. La porte des larmes. Trad Michel Marny. Flammarion 2010.  Coll J'ai Lu 9572. 768 pages. Extrait p.767
Frédéric Soumois. Irène Frachon : « Servier, ce sont des criminels récidivistes ». Le Soir 25.9.19. 

24 septembre 2019

Impasse Semal

"Donner mon nom à une impasse
Que chacun lise dans le journal
S'il vous reste quelques chats maigres
Feulant des râles langoureux
Une ruelle sans fenêtre
Pour abriter deux amoureux
Pour conjurer le temps qui passe
Donnez mon nom à une impasse
Que chacun lise dans le journal
Impasse Semal

Y a une école Georges Perec
Des lycées Brel ou Jacques Prévert
J’ai roulé en Van au Québec
Sur l’autoroute Félix Leclerc
Rapport à mon succès d’estime
Faut quelque chose de plus intime
Un genre de repère d’animal
Impasse Semal

Ça sent la sueur, la cuisine
Le vieil alcool
Et la lavande
Du linge à contre-jour dessine
Des arcs-en-ciel de contrebande
Entre le rosier, la glycine
À côté du mur de l’usine
Après tout on ne vit pas si mal
Impasse Semal."
               

Bonheur de l'autodérision: se montrer petit dans les grandes choses, grand dans les petites. Le poète belge Claude Semal sait y faire, et on rit en cueillant la leçon pour soi-même.


Lu dans :
Claude Semal. Impasse Semal , sur une musique de Romain Didier et sur des arrangements de Gil Mortio.

23 septembre 2019

Ce qui brûle en nous


"Le moine a quatre-vingt-sept ans
ses pieds n’ont plus de graisse pour les protéger des pierres
il a oublié son chapeau         agrandi au fil des ans.
Près d’un ruisseau il voit une femme         rencontrée cinquante étés plus tôt
toujours jeune fille à ses yeux.
Une fois de plus ses mains tremblent         quand elle lui tend une tasse remplie d’eau.".
        Jim Harrison
 
Il était fort âgé, et j'avais pour lui une affection nourrie par les années et sa sagesse. Il consultait rarement, davantage pour des conseils que des médications. Un jour, il partagea qu'une amie de toujours, religieuse comme lui, à l'autre bout du monde, était décédée et qu'il en ressentait une peine immense. Il n'en dit pas plus, tout était compréhensible. L'époque se plaît à à de subtiles distinctions entre les notions d'amour, d'amitié, de complicité affective, entre émoi et passion, tous ces sentiments forts que la durée ou la distance parfois émoussent. Par sa discrétion même, la confidence d'une si longue tendresse partagée me fit relire sous un jour neuf l'allégorie du buisson ardent de l'Exode, ce mûrier sauvage qui brûle sans jamais se consumer.



 
Lu dans:
Jim Harrison. Une heure de jour en moins. Littérature étrangère. Flammarion Poésie. 2012. 224 pages. Édition du Kindle. Extrait p. 77
Exode. Chapitre 3. 

21 septembre 2019

Automne


"Ici, l'automne n'était pas une véritable saison, plutôt un état d'esprit."
                    Ragnar Jonasson



21 septembre. Il y a une mélancolie particulière qui accompagne le départ des oiseaux migrateurs. L'envers exact de la joie qu'on éprouve à leur retour au printemps. L'été referme son livre, on organise des fêtes pour prolonger chaleur et lumière : braderies, fête des voisins,  fête du vélo le dimanche sans voiture, fin des vendanges, foire au vin, derniers barbecues avec petite laine de rigueur, dernier weekend  dans la maison de vacances, ultime tonte des pelouses, récolte des noix, fermeture des volets. Le soleil se couche pendant le souper, dernière heure d'été. On hésite à allumer le premier feu dans la cheminée, qui signerait définitivement l'entrée en automne.  Tout rappelle qu'on est dans la décrue et le rangement des réserves pour l'hiver, mais que la lumière est belle! La nostalgie même des beaux jours devient bonheur, régal pour les rétines et pour les récits.


Lu dans :
Ragnar Jonasson. Mörk. La Martinière. 2017. 336 pages. Exergue
 

20 septembre 2019

Le bonheur des Chordés


"Chordés, l’ascidie (description). C’est un être sessile (qui vit fixé à un support) basique, composé de deux siphons qui lui donnent une forme d’outre. À l’état de larve, l’ascidie ressemble à un têtard de grenouille avec un cerveau et une sorte de moelle épinière (la corde) permettant de recevoir des informations sur le monde qui l’environne et de chercher l’endroit où se fixer définitivement (exposition de l’emplacement, température de l’eau, proximité d’une réserve alimentaire). Une fois l’endroit trouvé (rocher, coque de bateau, algue), l’ascidie mange son cerveau et la corde se résorbe. Ils ne lui sont plus nécessaires, son activité ne consistant dès lors plus qu’à ingurgiter de l’eau par un siphon pour la recracher par l’autre. Elle n’a aucun autre besoin ni présent ni futur nécessitant un cerveau et a une confiance totale dans son choix et dans l’Univers, qu’importe qu’il existe mille autres endroits à explorer. "
                   Charly Delwart


Une forme ultime de bonheur?  Il existe mille manières d'être au monde, et l'ascidie a la sienne propre. Qu'importe après tout qu'elle se mange le cerveau après usage et se limite à s'alimenter jusqu'à la fin de son existence sans plus quitter son rocher. Un trajet inversé de celui auquel se destine le petit d'homme. Le plus interpellant n'étant-il pas qu'au bout du compte, on aboutisse à la même disparition?



Lu dans:
Charly Delwart. Databiographie. Flammarion. 2019. 352 pages.

19 septembre 2019

Tous malades


«La médecine a fait tellement de progrès que plus personne n’est en bonne santé."  
                        Aldous Huxley
  

Aldous Huxley est décédé en 1963: que dirait-il aujourd'hui? La charge est lourde, trait d'humour d'un auteur provocateur, car nul ne niera que ces nombreux "malades" sont en bien meilleure santé actuellement, à des âges bien plus grands, que les personnes saines de 1950. Il faudrait peut-être corriger l'affirmation en notant que nous sommes tous "médicalisés", et que cela nous convient.
 

 
Lu dans:
Roger Detry. Curieuse histoire de la médecine: La saga des héritiers de Thot. Jourdan. 2019. 264 pages.

18 septembre 2019

La musique des siècles et des ruelles tranquilles


"Il faudrait que la joie soit paisible. Il faudrait que la joie soit une chose habituelle et tout à fait paisible, et tranquille, et non pas batailleuse et passionnée. Car moi je ne dis pas que c'est de la joie quand on rit ou quand on chante, ou même quand le plaisir qu'on a vous dépasse le corps. Je dis qu'on est dans la joie quand tous les gestes habituels sont des gestes de joie, quand c'est une joie de travailler pour sa nourriture. Quand on est dans une nature qu'on apprécie et qu'on aime, quand chaque jour, à tous les moments, à toutes les minutes tout est facile et paisible. Quand tout ce qu'on désire est là."    
                            Jean Giono
Moment cueilli: vers midi hier, jour de braderie à Anderlecht, soudain une volée de cloches festives, de celles qui annoncent les mariages, les célébrations sortant de l'ordinaire, l'élection d'un pape. On suspend le pas, tend l'oreille vers cet espace de temps figé remontant les siècles d'existence de la belle collégiale, et la vie de ceux qu'elle abrite dans les ruelles avoisinantes. Adolescent je dévorai le roman d'Elisabeth Goudge La Cité des Cloches, et l'espace de quelques minutes je m'y retrouvai, ma trousse médicale à la main entre deux visites à domicile, comme si soixante ans ne s'étaient passés dans l'intervalle. Comme le rappelle Giono, il faut que la joie soit paisible.


 
Lu dans:
Jean Giono. Que ma joie demeure. Grasset 1935. Le Livre de Poche 493-494. 504 p. Extrait p. 427 

16 septembre 2019

Migrations


« J’espère définir ma vie    ou ce qu’il en reste
par des migrations         au sud et au nord avec les oiseaux
loin de la fièvre métallique des horloges
le soi fixant l’horloge et disant         « Je dois faire cela".
Je ne vois pas le temps sur la langue de la rivière
dans l’air frais du matin         l’odeur fermentée
de la végétation     la poussière sur les parois du canyon
les hirondelles plongeant vers l’eau vive parfumée. »         
                            Jim Harrison


Image d'un presque vieil homme interviewé dans le Midi par France 3, chômeur après avoir été cadre chez Orange. Il habite une masure de deux pièces , dans un village perché. On l'interroge sur le bonheur, la malchance, les regrets. Il raconte son émerveillement d'avoir redécouvert le lever du soleil, les couleurs des fleurs et des papillons "et tout cela est gratuit". "J'avais tout, et me tourmentais du matin au soir.  Je n'ai plus rien, que l'essentiel.  "La journée était si suave et belle / Que je n’ai pensé à rien. / J’ai perdu la tête. » (Jim Harrison)




Lu dans:
Jim Harrison. Une heure de jour en moins (Poèmes). Traduit de l’anglais (EU) par Brice Matthieussent. Flammarion. 2012. 221 pages. Extrait p.151

Les mots qui sauvent


"La réponse à la question que l'examinateur en chef lui avait posée « Quel traitement d'urgence administre-t-on par l'oreille ? » quand il s'était présenté à l'oral de l'école royale de chirurgie d'Édimbourg après avoir passé l'écrit - à savoir : « Des paroles de réconfort!» - lui avait valu son diplôme."
             Abraham Verghese


Me reviennent les paroles d'une patiente emmenée par la SAMU au terme d'une réanimation périlleuse: "Je suis revenue à moi dans l'ambulance en entendant une toute jeune infirmière me répéter ça va aller madame. Répétées comme un mantra rythmant ma respiration retrouvée, j'ai perçu que la vie m'était revenue." Belle occasion également de relire Christiane Gleize:


"La lumière crue de midi éclaire sans pitié les objets et les choses, 
sans ombre où se protéger, brûlant les yeux et le cœur. 
Alors que la lumière du soir effleure les contours,
laissant aux ombres leur part de doute,
lumière douce aux multiples nuances,
pénétrant les choses de biais et sans violence
toi qui me soignes,
quand tu me parles de ce mal que je ne peux pas nommer,
s'il te plaît, fais-toi lumière du soir." (Christiane Gleize)

Lu dans:
Abraham Verghese. La porte des larmes. Trad Michel Marny. Flammarion 2010.  Coll J'ai Lu 9572. 768 pages. Extrait p.60

12 septembre 2019

Le charter des amis

"Mes grands-parents paternels n’ont organisé chez eux que deux dîners dans leur existence car voir des gens fragilisait le couple, le mettait en danger. À l’inverse, une personne croisée un jour me dit avoir soixante amis très proches, au point de former une garde rapprochée en cas de problème majeur dans sa vie. Deux dîners, c’est trop extrême. Soixante amis aussi ? " 
     Charly Delwart


Soixante amis, et même plus si votre position l'exige. On raconte que Kenneth Kaunda, président de la Zambie, avait exigé que la compagnie nationale Zambie Airways fasse l'acquisition du plus gros avion de ligne existant, un Boeing 747 pour ses nombreux déplacements à l'étranger, sans aucun argument économique crédible. Il s'avéra que le but du président Kaunda n'était pas d'utiliser cet avion pour voyager dans le luxe, mais pour pouvoir embarquer avec lui tout ce que le pays comptait d'opposants , de ministres ou de chefs militaires susceptibles de comploter ou de fomenter un coup d’état pendant son absence. Rendons-lui cette justice: en 1991, acceptant l'organisation d'élections libres qu'il perdra, il cède librement le pouvoir.



Lu dans:
Charly Delwart. Databiographie. Flammarion. 2019. 352 pages.
Henning Mankell. Le Chinois. Points. 2013. 576 pages (à propos de Kenneth Kaunda)

La langue de chez nous


 " A travers la langue que nous parlons résonnent les voix des peuples qui se sont éteints il y a des milliers d’années."
            Vassilis Alexakis. Le Premier Mot.


Un court moment mon doigt retient la page et je suspends ma lecture, ému devant cette "langue si belle avec des mots superbes, où la saveur des choses est déjà dans les mots (Duteil)".  Je tente d'imaginer, dans la luxuriance des paysages et l'écoulement du temps, tous ces gens  "du Mont-Saint-Michel à l'Île d'Orléans, jusqu'à la Contrescarpe" qui m'ont transmis la langue que j'aime. Bien avant que n’apparaisse l’écriture, c’est sur leur seule parole qu’ont reposé la transmission des savoirs et leur accumulation, au fil des générations dont chacune, en un cercle vertueux, se forgea de nouveaux mots. Et si dans une même journée je peux tour-à-tour imaginer que l'estoilette, la môme, la meuf, l'embellie, l'inaccessible étoile dessinent tous la silhouette de l'aimée c'est à ces  innombrables anonymes que je le dois. 

Lu dans:
Florence Rosier. Au commencement était le Verbe . Le Monde. 9 septembre 2019.
Vassilis Alexakis. Le Premier Mot. Stock. 2010. 384 pages.
Yves Duteil. La langue de chez nous. 1985.

10 septembre 2019

L'apprentissage de la tétée


"À peine l'enfant a-t-il commencé à pleurer
quand sa mère lui a retiré son sein droit
qu'il trouve dans le gauche sa consolation. "
                        Rabindranath TAGORE, L'Offrande lyrique

Quand la tétée enseigne ce que sera sa vie, une succession de renoncements et de gratifications.




Lu dans:
Abraham Verghese. La porte des larmes. Trad Michel Marny. Flammarion 2010.  Coll J'ai Lu 9572. 768 pages. Exergue.

Ces choses qui arrivent


"Des choses arrivent qui sont comme des questions. Une minute se passe, ou bien des années, puis la vie répond."
                Alessandro Baricco


L'instant de la question  contient rarement celui de la réponse. On passe une vie à essayer de comprendre ce qui un jour passe pour une évidence: le croisement mystérieux de deux existences, un départ sans laisser de piste, un échec inexpliqué, une filiation incompréhensible. Accepter la part d'ombre qui borde le sentier où nous progressons rend léger. 


Lu dans: 
Alessandro Baricco. Chateaux de la colère. Trad. Françoise Brun. Gallimard 2003. Collection Folio. 336 pages. Extrait p. 261  

09 septembre 2019

à jour frisant

"C'est un silence de soleil tissé de bruits légers
Le froissement d'ailes de deux tourterelles
Elles s'envolent de l'ormeau et traversent le jardin
Un chardonneret rouge jaune noir blanc picore les graines
Vers la forêt un vol d'étourneaux se plie et se déploie
en mouvements capricieux pleins de grâce et gaieté

Il fait paisiblement chaud et beau         Le soleil
semble content d'être soleil         Il est facile
d'oublier le mal     et la douleur     et la cruauté
parce que le calme automne     la clarté du matin
les arbres encore verts     les oiseaux dans le ciel
et le silence du jour écoutant le silence
feraient croire aujourd'hui qu'il est bon d'être né."
                    Claude Roy . Derrière le silence.

On reçoit ces journées comme un présent inattendu, cet été de début d'automne plus beau que l'été d'été, cette chaleur non accablante, ce soleil qui n'écrase pas. On tond le gazon une presque dernière fois, pressentant que la sève se calme. Les moissons sont rentrées, les vendanges pointent et la durée du jour diminue. Les migrateurs rentrent en vol serré, les feuilles ocres tombent en vol léger.  Cette arrière-saison à jour frisant est un cadeau.  

 


Lu dans:
Claude Roy . La Fleur du Temps. 1983-1987. NRF Gallimard. 1988. 358 pages. Extrait. 349.  

06 septembre 2019

Fragile


"On est là comme sur les arbres les feuilles d'automne."
                    Giuseppe Ungaretti


L'image est belle, et la concordance du spectacle des premières feuilles au vent et de la fragilité extrême de nos bonheurs incite à la réflexion. Et à la perception que, de tous les cadeaux reçus, le plus beau est de vivre. 


Lu dans:
Giuseppe Ungaretti. Vie d'un homme. Poésie 1914-1970. Gallimard 1981. 352 pages.

04 septembre 2019

L'agenda des promesses non-réalisées


"Tu fais ou tu te tais."
            Agenda Filofax. Page de garde édition 2003.


Deux choses dont se garder: les justifications pour résolutions non-tenues, les promesses qu'on ne pourra assumer.

 

Ce n'est pas parce qu'il y a une rose sur le rosier que l'oiseau s'y pose, c'est parce qu'il y a des pucerons.
                    Jules renard
 

03 septembre 2019

Sagesse de l'inuktitut


"Les Inuits ont des dizaines de mots pour désigner la neige. En inuktitut, on distingue :  Qanik, neige qui tombe, Aputi, neige sur le sol, Pukak, neige cristalline sur le sol, Aniu, neige servant à faire de l’eau, Siku, glace en général, Nilak, glace d’eau douce, pour boire, Qinu, bouillie de glace au bord de la mer. La langue anglaise, elle, a des termes pour chaque grand nombre, chaque puissance de 10, à l’inverse du français qui n’en dénomme que certains : 106 (million), puis pas 107 ni 108, mais bien 109 (milliard). Dans chaque langue et pour chaque population, un élément différent importe : la neige pour les uns, les chiffres pour les autres."
            Charly Delwart





Lu dans:
Charly Delwart. Databiographie. Flammarion. 2019. 352 pages.

Le bonheur des commencements


"L’unique joie au monde c’est de commencer. Il est beau de vivre parce que vivre c’est commencer, toujours, à chaque instant."
        Cesare Pavese

Et si début septembre était le vrai début d'année, plus symbolique que le Nouvel An?  Une fête sobre, dégagée des serpentins et des souhaits creux, avec la petite boule au ventre provoquée par la page blanche, le souci de bien faire, les nouveaux visages à apprivoiser, l'incertitude de ce qui n'est pas écrit d'avance. Cet après-midi sont tombées les premières feuilles, dans deux semaines ce seront les marrons, on crée de la place pour que puissent s'imaginer les bourgeons. Quel bonheur de reprendre ce petit billet quotidien, et l'espace de partage qu'il suscite. On recommence. 



Lu dans:
Cesare Pavese. Le Métier de vivre. Michel Arnaud (Traducteur). Gallimard 1987. Folio 1895. 466 pages.