30 mars 2019

L'inconnue au piano


"Une villa fenêtre ouverte.
Pins parasols chemin côtier
le ciel l’été le calme plat.
Le même morceau le même passage
sans cesse repris sans cesse interrompu.
Sur le clavier je me disais :
« Qui peut bien jouer ? »
La mer aussi semblait attendre
et partager dans l’immobile
cette impression qui s’en allait
en plein midi vers ce poème
pour le piano d’un inconnu
- un homme une femme ? -
qui transformait un air de jazz
en vagues touches d’éternité."
                François de Cornière. Pour un piano.

 
Me revient soudain le souvenir du piano d'une maison voisine dont les notes me charmaient, l'été, toutes fenêtres ouvertes. Étrange sentiment d'imaginer que l(e)a pianiste est sans doute sexagénaire à présent, les doigts peut-être déformés par les rhumatismes, dans quelle rue, dans quel village, et après avoir vécu quelle vie?

Lu dans:
François de Cornière. Ces moments-là : Poèmes 1980-2010 . Le Castor Astral. 2010. 158 pages.

29 mars 2019

L'envol


"Nul ne sait
de quel rêve s'éprend une branche
une fois que l'oiseau
l'a quittée."
        Gilles Baudry


Fini l'oiseau, sa présence légère, son chant, ses couleurs. Et surtout, soudain la branche se demande à quoi elle sert encore.
 

Lu dans:
Gilles Baudry. Un silence de verdure. Ed L'enfance des arbres. 2017.

28 mars 2019

Une autre vue sur l'échec


"Les grandes œuvres humaines, vues de près, sont de grandes suites de ratages auxquelles on ne se résigne pas. "
            Maurice Bellet.

Que de décollages ratés avant que Blériot ne traverse la Manche, que de plans tracés sous la mer entre la « Dissertation sur l’ancienne jonction de l’Angleterre à la France» remis en 1751 à Louis XV et l'inauguration du Channel Tunnel en 1994. La lecture du passé est un précieux viatique pour penser l'avenir. "Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux." (Beckett)


Lu dans:
Maurice Bellet. L'insurrection. Desclée de Brouwer. 1997. 247 pages
Cité par Myriam Tonus. Ouvrir l'espace du christianisme. Introduction à l'œuvre pionnière de Maurice Bellet. Préface de Jean-Claude Guillebaud . Albin Michel. 2019. 250 pages. Extrait page 173
Samuel Beckett. Cap au pire. Traduit de l'anglais par Édith Fournier. Les Éditions de Minuit.1991. 64 pages.

27 mars 2019

La vie secrète des elfes


"Tout le monde a trois vies: une vie publique, une vie privée et une vie secrète. "
Gabriel Garcia Marquez


Versant soleil, versant ombre. Chaque vie est un récit réécrit privilégiant la lumière et occultant nos zones d'humus, d'insectes et de champignons pourris. Il me plaît qu'à mes yeux proches, familiers et patients demeurent tous des Princes charmants, des grandes dames brunes, des explorateurs d'horizons inconnus, me gardant de percer le misérable tas de petits secrets qui font l'intimité. Il se raconte qu'une fée et un chevalier s'aimaient d'amour tendre; la fée ne revendiquant qu'une seule tolérance, celle de s'absenter un jour par an sans être suivie. Son amant dévoré par la curiosité rompit un jour le pacte et la découvrit dansant avec les elfes dans une clairière. Elle disparut aussitôt et il ne la revit jamais. Accepter la part mystérieuse de ceux qu'on aime.
 

26 mars 2019

En attente de la fin du monde


"À chaque instant, c'est la fin du monde pour quelqu'un."
                            Shih-Li Kow
 

Conversation de salle d'attente. Un patient émacié à bout de force redoute le verdict d'une endoscopie, et partage son inquiétude. Une femme savante saisit l'occasion de lui vanter les vertus des fleurs de Bach pour l'aérophagie. Même lieu, même médecin, même saison de l'année: pour l'un une fin annoncée, pour l'autre les désagréments que lui causent ses flatulences. Il écoute, et se tait à la pensée que sa mort n’a au fond aucune importance.

 

Lu dans:
Shih-Li Kow. La Somme de nos folies. Trad. Frédéric Grellier. Ed. Zulma. 2018. 384 pages.

24 mars 2019

Les pigeons de Saint Marc


"Les pigeons, morceaux de marbre fous".
                Jean-Paul Sartre, décrivant la place Saint Marc à Venise
Ah les pigeons de Venise, qui "marchent entre les jambes des Anglaises mais à chaque sonnerie, s’envolent en ronds fous tels une grande étoffe claquante. Je suis sûr qu’ils jouent la peur : pensez , ça fait un siècle que ça dure."  On n'observe plus les pigeons avec le même œil après cela. La beauté se trouve partout, mais d'abord dans l'œil qui contemple.



Jean-Paul Sartre, cité dans :
Venise à Double Tour. Jean-Paul Kauffmann. Des Equateurs. 2019. 336 pages. 

23 mars 2019

L'infiniment simple

"Les jours de plein soleil l'hiver
nous faisions de longues marches
vers la cabane des douaniers
par le sentier du littoral
au bord de la falaise

Nous nous arrêtions
pour observer les bernaches
et les tourne-pierres
dont tu aimais le vol saccadé
en nuages virevoltants
tremblants dans la lumière

Arrivés à la cabane
nous n'avions croisé personne
nous faisions une pause
sur le banc de pierre
et regardions la mer
magnifique à nos pieds

On entendait venant de loin
le poste de radio d'un artisan
(j'imaginais un peintre)
qui devait travailler seul
dans une villa aux fenêtres ouvertes
Une sorte de bien-être
traversait ces instants
qui par la force des choses
maintenant
nous appartenaient."


Lu dans:
François de Cornière.  La force des choses. Nageurs du petit matin.
Pour avoir vu vu soir la beauté passer. 62 poètes d'aujourd'hui. Anthologie du Printemps des poètes 2019. Castor Astral. 2019. 240 pages.

21 mars 2019

Valeurs sûres


"Tiens-toi tout près du brin de paille
du chant d'oiseau     et de la fleur qui tremble au vent
Car ce sont choses sûres. "
                        Jean-Michel Maulpoix


 
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

Lu dans:
Pour avoir vu vu soir la beauté passer. 62 poètes d'aujourd'hui. Anthologie du Printemps des poètes 2019. Castor Astral. 2019. 240 pages. 

Et mon cœur et ton cœur sont repeints au vin blanc


"Le vent arrive, porteur de nouvelles
sur une branche sèche un vêtement de printemps
l'eau du fleuve s'est subitement réchauffée
mon coeur serein attend la saison des fleurs. "
                Lao Shu


Une borne sur le sentier de l'année: c'est le printemps.

 
 
       
Lu dans:
Lao Shu. Un monde simple et tranquille. Ed. Philippe Picquier. 2017. 256 pages

20 mars 2019

Sagesse du gastronome


"Au restaurant l’accueil est le premier plat offert au client, il doit être succulent."
            James de Coquet, chroniqueur gastronomique au Figaro (1898-1988)


 

 
Lu dans :
Venise à Double Tour. Jean-Paul Kauffmann. Des Equateurs. 2019. 336 pages.

19 mars 2019

Agrafes en or


 « Venise pratique supérieurement la technique japonaise du kintsugi, la plus belle des leçons : raccommoder, oui, mais en montrant le bricolage, la trace de la réparation. Non seulement la signaler, mais souligner la cassure. Les Japonais ne cherchent pas à cacher les lignes d’une porcelaine brisée, ils mettent en valeur la fracture par des agrafes ou des jointures en or. Le temps a fait son œuvre. Pourquoi tricher? »
                                Jean-Paul Kauffmann


Je ne l'avais plus vue depuis de longues années. Son visage se laissait lire comme le roman de sa vie, parcouru des sillons qu'avaient laissé les rires et les pleurs qui font notre quotidien. La beauté des traits était intacte, enrichie par tant d'événements vécus, d'émotions vraies, d'espoirs et de désillusions, de rencontres qu'en la retrouvant il n'était plus nécessaire qu'elle se raconte.
 

 
Lu dans :
Venise à Double Tour. Jean-Paul Kauffmann. Des Equateurs. 2019. 336 pages. Extrait p. 35

18 mars 2019

Reboiser


"Dans le silence, notre parole se refait une beauté."

Un timide printemps s'annonce, dans quelques jours passage à l'heure d'été. Comme le propose joliment Gilles Baudry, n'est-il pas temps de reboiser nos terres intérieures ?


Lu dans:
Gilles Baudry. Un silence de verdure. Ed. L'enfance des arbres. 2017. 

16 mars 2019

Le rétroviseur de l'existence


"La vie est ainsi. Vous la vivez en avant, mais la comprenez en arrière. Ce n'est que quand vous vous arrêtez pour regarder derrière vous que vous apercevez le cadavre pris sous la roue."
        Abraham Verghese
 

Je n'avais connu d'adolescent plus gai. Adopté après une fuite éperdue du Cambodge, sa famille d'origine décimée, il était devenu un cuisinier apprécié. Une lettre qui mit cinq ans à le retrouver lui annonça que ses père et mère, frères et sœurs, tous vivants, l'attendaient dans la grande maison familiale près de Phnom Penh. Il partit les rejoindre, hésita, revint. Il oscille depuis entre raison et déraison, ne trouvant sous ses pieds que l'incertitude, entre un passé fracassé et l'incapacité d'un avenir. Le poids d'une enveloppe est parfois lourd .
 

 
Lu dans:
Abraham Verghese. La porte des larmes. Trad. Michel Marny.  Flammarion. 2010. 521 pages.        

15 mars 2019

La Sérénissime


"Je suis à Venise ! Henry James affirmait que le fait seulement d’écrire ou de prononcer le mot Venise était déjà en soi source de volupté. »
                Jean-Paul Kauffmann
 
Je guette chaque sortie d'un nouvel opus de Jean-Paul Kauffmann avec gourmandise. Il a jeté cette fois son dévolu sur la Sérénissime."Pourquoi choisir Venise ? Pour mesurer le chemin parcouru. Venise n’est pas « là-bas » mais « là-haut », selon le mot splendide de Casanova." Je me régale déjà des jours et des pages à venir.
 

 
Lu dans :
Venise à Double Tour. Jean-Paul Kauffmann. Des Equateurs. 2019. 336 pages. Extrait p. 11

13 mars 2019

De l'importance de bien évaluer l'adversaire

"Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris
serrant la queue         et portant bas l'oreille.
                    La Fontaine. Le renard et la cigogne
 

De toujours les poules sont proies faciles pour les renards, sauf quand elles se rebiffent. Celles d’un élevage de Pontivy (Morbihan) ont décidé d’envoyer valser la sélection naturelle. Un renardeau, jeune et inexpérimenté, a été découvert mort dans le poulailler, le corps criblé de coups de bec après avoir fait imprudemment intrusion dans leur espace. La loi du nombre: elles étaient 6000, et il était bien seul.  A contempler toutes ces foules dans les rues qui font et défont les rois, La Fontaine en aurait sans aucun doute fait une fable.


Lu dans:
La Fontaine. Le renard et la cigogne. Fables. Claude Barbin & Denys Thierry. 1678. Tome Premier : livres i, ii, iii (p. 55-57)
Le Soir et AFP. 13 mars 2019.

11 mars 2019

Toucher la Reine

«On n'est pas bien dans ces souliers, n'est-ce pas ? » a-t-elle soupiré en pointant d'un petit geste exaspéré ses propres escarpins. Je lui ai avoué que j'avais mal aux pieds. (..) Ce soir-là, étions simplement deux dames fatiguées aux pieds en compote, alors j'ai fait ce que mon instinct me dicte à chaque fois que je rencontre quelqu'un dont je me sens proche : j'ai exprimé ouvertement mes sentiments. Et j'ai posé affectueusement une main sur son épaule. Je venais de commettre ce qui passerait pour un faux pas monumental. J'avais touché la reine d'Angleterre. Or, devais-je apprendre, cela ne se fait absolument pas. (..) « Michelle Obama rompt le protocole ! » « Michelle Obama ose étreindre la reine ! » Ça a ravivé les rumeurs malveillantes qui, durant la campagne, disaient que je n'avais ni le raffinement ni l'élégance d'une première dame. 
                            Michelle Obama. Devenir.


Lu dans:
Michelle Obama. Devenir. Fayard. 2018. 520 pages.  Extrait p 370.

Les étoiles du ciel


 "Le progrès ne suit pas une ligne droite."


"Et si on s'était plantés? Depuis quinze jours [après l'élection de Donald Trump], c'était Obama qui avait semblé le moins abattu. Le soir de l'élection, il avait commencé par me sortir la formule de Sheldon Grimshaw selon laquelle il y a davantage d'étoiles dans le ciel que de grains de sable sur terre, après quoi je lui avais envoyé le petit mot suivant pour tâcher de lui remonter le moral: « Le progrès ne suit pas une ligne droite. » Il en donna par la suite une version personnelle, en affirmant que le cours de l'histoire n'est pas linéaire, mais décrit des zigzags."  (Ben Rhodes, chargé de communication durant la présidence Obama).

C'est lundi qu'on découvre ordinairement les grains de sable d'une semaine. Ces quelques lignes feront du bien à plus d'un.



Lu dans:
Ben Rhodes. Obama confidentiel - 10 ans dans l'ombre du Président. Traduction: Etienne Menanteau.  Ed Saint SImon. 2019. 388 pages. Extrait p.14

08 mars 2019


" Si tu vois tout en gris, déplace l'éléphant ! "
                Proverbe indien   
 

A toute problématique, la réponse de l'expert consulté sera "on va regarder cela de près". La méthode a ses limites.


"La douceur. C'est sottise de la croire faiblesse. Elle est la force même, la vraie, celle qui fait venir au monde et fait croître. L'autre, celle qui détruit et tue, n'est que l'orgie de la faiblesse."
                    Maurice Bellet.
 


       
Lu dans:
Maurice Bellet. L'épreuve. DDB. 1988. 108 Pages. Extrait p.14

07 mars 2019

Si nous prenions une glace ?


"Les sages nous diront qu'il faut laisser le temps faire son œuvre
mais je ne le peux
rester       m'enfuir
où niche la faute ?
si je ne peux m'empêcher de t'aimer d'amour
comme la rivière coule vers la mer
ainsi je coule vers toi. "
                Can't Help Falling in Love

Un moment romantique n'a jamais tué personne. Michelle Obama se raconte et on aime la croire. "J'ai arrêté la voiture au pied de son immeuble, l'esprit encore confus, en surrégime. Nous avons laissé passer un moment embar­rassant, chacun attendant que l'autre prenne l'initiative de dire au revoir. Barack a incliné la tête vers moi. « Et si nous allions prendre une glace?» a-t-il proposé. À ce moment-là, j'ai su que la partie avait commencé et, pour une fois, j'ai décidé d'arrêter de réfléchir et de vivre, c'est tout." 



Lu dans:
E. Presley. Can't Help Falling in Love. Paroles George David Weiss, Hugo E Peretti, Luigi Creatore 
Michelle Obama. Devenir. Fayard. 2018. 520 pages.  Extrait pp 135.136

05 mars 2019

La vie séquentielle

"La vie comme un ensemble de problèmes à résoudre, la vie comme un ensemble de choix à faire : quelle façon bizarre de voir les choses !”
                        JM Coetzee



Une femme, écrivain, face aux assauts de la vieillesse. Chaque jour qui passe la rapproche de l’ombre, et elle constate, avec calme et lucidité, la déliquescence de ses facultés mentales. Autour d’elle se pressent les enfants, qui s’inquiètent pour elle, l’admonestent de quitter l’Australie pour les rejoindre. Elle s’y refuse pourtant, préférant affronter l'inéluctable dans la liberté et l'indépendance de la solitude, s'interrogeant jusqu'au bout, sans relâche, sur le sens de sa propre existence et sur la nature profonde de notre humanité. Ses interrogations sont les nôtres, complexes et universelles: que restera-t-il de nous lorsque nous serons partis ? que transmet-on à ceux qui restent ? que restera-t-il des choix faits, des choix défaits?  
 

Lu dans: 
J. M. Coetzee. L'abattoir de rêve. Traduit de l'anglais par Georges Lory. Seuil. 2018. 176 pages.


04 mars 2019

La décision d'être utile


«  Ce qui serait peut-être à souligner c’est qu’à part la passion de comprendre (luxe suprême chez Hadrien, pain et sel pour Zénon) ces deux hommes si différents de situation et de tempérament sont reliés par ce qu’Hadrien appelle « la décision d’être utile. » « Tout reste à faire » dit le vieil empereur, et c’est aussi à ses activités de médecin que Zénon se raccroche jusqu’à la fin dans un monde de destruction et de changement. Il y a une discipline qu’il vaudrait la peine de faire remarquer, car je crois qu’on ne bâtit rien de solide, pas même la liberté, sans elle. »
                Marguerite Yourcenar. Lettre à un jeune admirateur (20 janvier 1969)  à propos de ses deux personnages Hadrien et Zénon
 
 
Passion de comprendre, décision d'être utile, si on actualisait ces deux concepts surannés pour réenchanter le monde qui nous entoure?
 


Lu dans:
Josyane Savigneau. Marguerite Yourcenar. L'invention d'une vie. Gallimard. NRF Biographies. 1990. 552 pages. Extrait p.324.

02 mars 2019

Sagesse d'Aristote


"Quand l’unique objectif de l’éducation devient la production de diplôme plutôt que la promotion du savoir, le système d’enseignement trahit la motivation identifiée par Aristote : « Tous les hommes désirent naturellement savoir. » On arrive ainsi à une véritable indifférence intellectuelle chez les étudiants.
                 Matthew B. Crawford



 
Lu dans:
Matthew B. Crawford. Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail. La Découverte. 2009. 250 pages. Extrait p.168

01 mars 2019

Médecin de moto ancienne

 "Ce n’est pas en appliquant des règles que vous pouvez discriminer entre le pertinent et le négligeable, mais seulement en exerçant le type de jugement qui naît de l’expérience. La valeur d’un mécanicien - et la sécurité de son emploi - tient au fait qu’il possède du savoir direct et personnel." 
            Matthew B. Crawford



Je m'inquiète de la bonne santé de ma fidèle moto Honda, - ces choses-là vieillissent comme les humains -, et je lui trouve ces derniers jours bien des raideurs et bruits bizarres à la conduite. J'imagine déjà les multiples investigations et le démontage complet nécessaires à son checkup annuel. Le mécanicien qui la soigne de longue date sourit devant tant d'ignorance, la met en route au quart de tour, en écoute attentivement le bruit du moteur, actionne l'embrayage dont le câble a pris un peu de jeu, et conclut en deux minutes qu'un peu d'huile et quelques réglages suffiront pour cette année-ci encore. "Ces engins-là ont été construits pour résister, ça ne se remplace jamais mais on en lisse les pièces usées." Il me résume sans s'en rendre compte en quelques mots sobres ce qu'est le développement durable, et je lui suis reconnaissant, comme le médecin le fait pour ses patients, d'aimer le grand âge et le vieillissement.



Lu dans:
Matthew B. Crawford. Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail. La Découverte. 2009. 250 pages.