04 décembre 2018

La mémoire des doigts


"Je ne sais pas pourquoi
Cette mélodie me fait penser à Chopin
Je l'aime bien, Chopin
Je jouais bien Chopin
Chez moi à Varsovie."
         Bécaud. Le pianiste de Varsovie.

Moment de grâce. Je termine mes écritures aux Jardins de la mémoire, quand me parviennent quelques notes de Chopin. Dans sa chambre, une résidente nonagénaire dont la mémoire s'est perdue joue. Son piano est le seul compagnon rescapé de sa vie antérieure, et il me semble qu'elle lui confie le récit de son existence, et ce qu'elle en espère encore. Ses compagnes d'étage sont en ergothérapie, rêvassent assises en cercle  ou écoutent de vieilles chansons des années 50, elle joue Chopin et Varsovie. Je reste un moment, intrigué par ces doigts qui courent sur le clavier, agiles, et la mémoire intacte de ces notes venues de l'origine de sa vie. Et si, vieillissant, l'essentiel n'était pas ce qu'on perd mais ce qu'on conserve, qui sans doute représente le meilleur de nous-même? Soudain elle découvre ma présence, sourit, sort une partition jaunie et entame "Couleur Tendresse" de Richard Clayderman. On ne saurait mieux résumer ma matinée.

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