04 juin 2018

Les Justes de Moissac

"Arrivée à Moissac. Je chemine main­tenant dans ce qui ressemble à un jardin d'éden où coulent à flots le foie gras et tous les fruits capables de se former et d'arriver à maturité en Europe. La campagne est ici un jardin, les vergers de cerisiers, abricotiers, pruniers de différents types, kiwis, pêchers, brugnoniers alternent avec des vignes, des champs de pois et de melons, de haricots verts. Les serres occupent les vallées, les flancs des collines portent de beaux champs de tournesols, de blé, d'un peu de maïs. (..) Le paysage culinaire change. Aux cochonnailles du cassoulet du Languedoc s'ajoutent, omniprésents, le canard, son foie, les fruits, les vins. (..) Mon itinéraire me fait passer par une suc­cession de vergers, si bien que je compense ma dépense physique en me goinfrant d'abricots fabuleux et de prunes rafraîchissantes tombées à terre, je fais une halte pro­longée dans un verger de cerisiers de la variété burlat dont beaucoup d'arbres sont encore couverts de fruits bien trop mûrs pour être désormais récoltés, certains presque confits, gorgés du sucre qu'y a concentré un soleil désor­mais ardent."
                        Axel Kahn

Région fécondée par le soleil et l'eau mais aussi peut-être par l'Histoire et le courage de ses habitants, comme le raconte l'épopée inouïe des enfants juifs de Moissac entre 1939 et 1945. Ou comment de simples citoyens, un maire et l'administration municipale, ont sauvé cinq cents gosses issus de toutes les régions d'Europe répartis dans diverses familles d'accueil. A la Libération, orphelins pour la plupart, ils seront pris en charge jusqu'à l'âge adulte au Moulin, vaste bâtisse devenu centre sportif, éducatif, culturel et siège d'une chorale qui se produira dans le monde entier. La beauté architecturale du cloître de l'abbaye, sa sérénité, la fécondité de son sol, l'opulence de ses vergers ont-elles suscité cette attitude héroïque, ou s'en sont-elles nourries par la suite? Les deux peut-être, justifiant l'adage que parfois la beauté peut sauver le monde.


Lu dans:
Axel Kahn. Pensées en chemin. Stock. 2014.  290 pages. Extraits pp 231, 232, 239.

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