08 février 2018

Mort de quelqu'un


"L'administration les appelle pudiquement " les morts isolés ". Ils ne sont pas SDF, pour la plupart. Ils avaient un toit, des habitudes. Mais nul parent ou proche ne s'est signalé après l'annonce de leur décès."
                Le Monde. 4 février 2018

"Mardi 30  janvier, sous une pluie froide, deux personnes ont accompagné, de l'Institut médico-légal de Paris au cimetière de Thiais, Alain Poux (17  juin 1963-25  décembre 2017), Carmen Chavet (15  mai 1927-1er  janvier 2018), Geneviève Bouley (1932-2017) et Serge Vildeuil (1960-2017). Elles ont lu un petit texte devant la tombe de ces défunts dont elles ignoraient jusque-là l'existence. Elles ont déposé une fleur pour réchauffer la pierre. Puis elles se sont rendues dans un café, ont consigné dans un classeur ce sobre cérémonial et publié un hommage sur Facebook. Deux fois par semaine depuis 2004, cinquante bénévoles du collectif Les Morts de la rue se relaient pour accorder à des inconnus cette dernière courtoisie, cette ultime civilité : qu'ils ne partent pas seuls, corps et âme. " 

Il arrive que la vie se télescope avec nos lectures. Lundi, je découvre ce court article du Monde au petit-déjeuner, avant d'entamer ma tournée. Un vieux patient habitué m'attend vers dix heures, ma visite sera sans doute la seule qu'il recevra de la semaine, mais ce matin il ne répond pas. Je reviens une heure plus tard, puis lui téléphone, en vain, m'inquiète. La suite se devine sans peine, la mort au pied du lit, la recherche d'une famille qu'il n'a plus, le transport de la dépouille vers la morgue du cimetière en attendant une inhumation anonyme. Étrange monde tout de même où on peut disparaître sans une larme écrasée au coin de l’œil, sans un avis mortuaire, sans une cérémonie d'adieu fut-elle succincte. Un rond dans l'eau, qui s'efface dans la minute, et puis rien. 

Lu dans:
Benoît Hopquin. Mort de quelqu'un. Le Monde. 4 février 2018, page 28.

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