23 octobre 2017

L'appel de l'ombre

"Nous devons tous sortir de notre propre prison."
            Fiodor Dostoïevski

Existe-t-il pire enfermement que celui qu'on se crée? Dans une nouvelle de Platonov (1899-1951) - Le retour d'Ivanov - un soldat rentre de la guerre où il a passé de longues années. Quand il revient chez lui, il trouve ses enfants à la maison qui n'ont cessé de l'attendre, sont fous de bonheur et lui font fête. Mais la mère n'est pas là. Le prisonnier parvient à se convaincre qu'elle lui a été infidèle. Il reprend le chemin de la gare, suivi de ses enfants en pleurs qui lui jurent que leur mère travaillait pour subvenir à leurs besoins, et qu'elle a, elle aussi, passé toutes ces années à pleurer et à l'attendre. Le train arrive en gare. Il monte, et les petits courent en pleurant après le train qui s'en va. Le soldat ne peut plus quitter sa prison intérieure. La loyauté, l'amour, la chaleur d'un foyer lui sont interdits après les violences de la guerre. Au retour impossible à la liberté et à la vie antérieure, il préfère le retour au malheur de la solitude et de l'enfermement, au risque de condamner ses enfants en se condamnant lui-même.


Lu dans:
Thérèse Delpech. L'appel de l'ombre. Puissance de l'irrationnel. Grasset. 2010. 178 pages.  Extrait pages 151-152

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