11 juillet 2017

Que la vague m'emporte

"Je suis né sous de bons auspices. Ma mère la Lune pour sa lumière, mon père le Soleil pour sa chaleur, et la Terre pour son jardin immense."
                    Visages, villages. Sagesse du vieil ermite poète

On a apprécié le dernier film d'Agnès Varda, fruit de l'amitié entre une très vieille grande dame et un street-artist de cinquante ans son cadet. On s'est laissé surprendre par ces visages de rencontre à-travers la France profonde, par le déroulé des photos géantes d'inconnus sur les endroits les plus improbables, femmes de dockers en immensément haut sur les containers du Havre, pieds dodus de la réalisatrice sur les wagons citernes sillonnant l'hexagone, femme de mineur sur la dernière maison occupée d'un coron du Nord. Collages éphémères, que la marée emporte comme Guy Bourdin dont la position du corps épouse les formes d’un blockhaus comme dans un berceau, photo disparue à l'aube dans les vagues de la mer du Nord. "Nous disparaîtrons tous, et même nos photos peu de temps après nous. Mais quel beau moment!" 
Que retenir encore, si ce n'est la fierté de ce vieux marginal vivant au fond d’une campagne perdue et qui s’est construit avec des matériaux de récupération une demeure onirique à la croisée de la terre et du ciel, pleine de couleurs joyeuses et de sons cristallins. Il vit du minimex, n'a que cinq dents, mais "trouve qu'il s'en sort bien". On a le confort qu'on se construit dans la tête et d'aucuns vivent la vie de palace dans un salon récupéré à la décharge. Villageois du Sud, dockers du Havre, ouvriers, paysans, postiers ont ainsi les honneurs de la transfiguration ludique et artistique, un surréalisme réjouissant irriguant ce film interpellant qui nous laisse ce goût subtil qu'a le bonheur quand il est simple.


Lu dans:
Agnès Varda et JR. Visages, villages. France 2016. Musique : Matthieu Chedid. 2017.

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