25 juin 2017

Voir l'Amérique

"Il y a quelques semaines un chauffeur de taxi, entre deux âges,
a commencé à me parler en anglais.     Son anglais était très bon.
Je lui ai demandé s'il était déjà allé en Amérique.
Sans un mot, de manière poignante, il a fait
un mouvement de la main qui ne conduisait pas
        dans les rues
                de Tokyo
vers son visage qui soudain a paru très triste.
Ce geste signifiait qu'il était pauvre
et ne pourrait jamais se payer le voyage en Amérique.
On n'a pas beaucoup parlé après ça. "
        R. Brautigan. Tokyo . 11 juin 1976

J'ai ressenti à deux ou trois reprises la même gêne, l'imperceptible distance qui se crée avec des amis africains lorsqu'on les invite à découvrir l'Europe. L'argent ne suffit plus pour obtenir un visa, ni la bonne mine: un migrant supposé se cache dans chaque habitant du Sud, et touriste africain est devenu un oxymore. La pauvreté a pris du relief et ne se limite plus à la seule absence de moyens. 
  
Lu dans:
Richard Brautigan. Il pleut en amour. 1997.  Journal japonais. 2003. Le Castor astral. Collections Points 2003. 400 pages. Extrait p.321

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