11 avril 2017

Le bonheur des lilas

“Il est tout à fait sûr que l'ancienne régularité des saisons est en train de disparaître. Ici, en Italie, les gens ne cessent de dire qu'il n'y a plus de saisons intermédiaires. Et dans cet effacement des différences, il n'est pas douteux que le froid gagne du terrain. J'ai entendu dire à mon père que dans sa jeunesse à Rome, le matin de Pâques, tout le monde portait une tenue estivale. Aujourd'hui, que celui qui n'est pas obligé de mettre sa chemise en gage se garde bien de s'alléger du moindre vêtement d'hiver.”
            Magalotti. Lettres familières. 1683

Telles s'en vont les saisons, de plus en plus perturbées comme le médite déjà en 1683 le littérateur philosophe Lorenzo Magalotti. "Y'a plus d'saison docteur", que la floraison soit en avance, les vaches en retard, que l'Ascension tombe tôt cette année et la date des élections tombe mal ne seraient-ils en définitive que sujets de conversation fourre-tout, utilisés depuis des siècles pour meubler le silence quand on n'a finalement rien de fondamental à échanger, et qu'on ne souhaite pas entamer un débat à chaque rencontre qu'une belle journée nous donne. Phrases ne nécessitant guère de réponse, mâchonnées pour donner consistance au silence, habillées parfois d'un peu de science mais creuses comme un jour sans pain, elles font partie de ce qu'on appelle "la conversation". Il leur existe néanmoins des alternatives à la fois simples, évidentes et jolies telles ce "regarde comme le lilas est beau ce matin" qui m'a accueilli aujourd'hui au petit déjeuner. Si cela n'est pas du bonheur, qu'est-ce? 
 
Lu dans:
Magalotti. Lettres familières. 1683. Cité par Giacomo Leopardi (1798-1837). Pensées. Ed Allia. 2014. 128 pages. p.30

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