31 mars 2017

Pause

 "Da boit son café. J'observe les fourmis. Le temps n'existe pas."
             Dany Laferrière.


Bref moment d'éternité, dont le souvenir tenace persiste des années plus tard. Peut-être aujourd'hui? 


Lu dans:
Dany Laferrière. L'odeur du café. Zulma. 2016. 240 p.  Extrait p.16

30 mars 2017

L'espace d'une flûte

"A quoi bon la liberté, sans espace vide sur la carte ?"
         Aldo Léopold

Cet air de liberté que possède la voûte céleste zébrée par le vol des oiseaux migrateurs, ou la mer dont la ligne d'horizon avale les bateaux, a peut-être quelque chose à voir avec l'absence de frontières, ces espaces vides où tout peut s'écrire. Enfant il m'arrivait après l'école d'aller me perdre dans "les terrains vagues", vierges de toute construction, no man's land entre ces deux structures que sont la ville et la campagne. Espaces livrés au ciel et à l'eau, omniprésente en de vastes marécages habités par des poules sauvages, des canards, quelques rares échassiers en pause migratoire et des petits rongeurs. J'y ressentais une impression de liberté rarement retrouvée ultérieurement, une dilatation de l'esprit et du temps qui à l'époque me servait de voyages. On ne quittait guère sa commune en ces années-là et pourtant que de pays superbes découverts, que de traquenards éventés, que de grottes explorées, que d'oiseaux devenus mes compagnons de vol. Je ne retrouvais jamais cette impression de grand large lors des jeux dans les parcs voisins, si sages, si propres, territoire de prédilection des jeunes mamans laissant jouer en toute sécurité les gosses, et les chiens. Il ne reste guère de terrains vagues, où sont donc allées les poules d'eau et où se sont évaporés les rêves dans ma tête? Il n'y a plus de grottes à explorer, peu de traquenards contre lesquels je ne sois assuré et l'espace céleste où volent les oiseaux a les limites que leur ont laissées les buildings. Je ne vole désormais avec eux qu'en pointillé, les perdant de vue sans cesse et le plus souvent pour de bon. Il n'existe plus guère d'espace vide sur la carte, et même lorsque je contemple la lune il me semble y distinguer quelques traces de pas. Dans la rue où le printemps renaît, quelqu'un apprend à jouer de la flûte. Étrangement, soudain me revient l'impression d'un envol, d'une liberté qu'apportent ces notes balbutiantes, cet enfant au seuil de son existence qui crée de la beauté du bout des doigts malhabiles. Les terrains vagues sont de retour. 


Lu dans:
Aldo Leopold. Almanach d'un comté des sables. Traduit de l'américain par Anna Gibson. Préface de JMG Le Clézio. Flammarion. 2000. Publié pour la première fois à titre posthume en 1949. 290 pages. Extrait p. 192

29 mars 2017

Google, le troisième lobe de notre cerveau

 "De ses pépins, faire des semences."
    Roger-Pol Droit

Avec pareil conseil, on peut démarrer dans l'existence. Deux raisons d'espérer m'habitent ce matin.
D'abord, le beau texte de Roger-Pol Droit "Une dernière heure à vivre" mis en scène hier soir par des étudiants en médecine passionnés par les questions fondamentales de l'existence, du pur bonheur. Je n'ai plus peur d'être malade demain. 
Ensuite la coïncidence entre la phrase sur les pépins et les semences et ma consultation du même jour durant laquelle un patient, fraîchement retraité, me narre qu'il cultive des légumes sur sa terrasse. Il me dit trouver ses connaissances horticoles sur Internet, et je m'étonne: cet homme ne sait ni lire ni écrire. "Je parle à Google sur mon smartphone, et il me répond. Google met mes phrases par écrit, ce qui me permet aussi d'apprendre à lire, et depuis peu je me mets à les recopier."  On ne peut plus voir notre monde avec les mêmes yeux quand on entend pareil récit, et on s'émerveille. 


 
Lu dans:
Roger-Pol Droit. Si je n’avais plus qu’une heure à vivre. Odile Jacob. 2014. 98 pages.

28 mars 2017

La bicyclette rouge

"Cet été encore, je n’aurai pas la bicyclette tant rêvée, la bicyclette rouge promise. Bien sûr, je n’aurais pas pu la monter à cause de mes vertiges, mais il n’y a rien de plus vivant qu’une bicyclette contre un mur. Une bicyclette rouge. "
            Dany Laferrière.

Et s'il était plus important de garder un rêve que de les réaliser? On a tous sa bicyclette rouge, un weekend en amoureux à Heyst, voir Bali, construire son chalet avec un feu de bois, descendre la Semois en radeau, rencontrer le Dalaï Lama, se réveiller mince, jouer de la guitare comme Django Reinhardt, parler l'anglais, participer aux 20 Km, boire un verre de Sancerre en contemplant Chavignoles, devenir aviateur, chanter dans une chorale... La liste en trente secondes est longue, ce n'est plus une bicyclette, cela devient un parking pour vélos!   
 


Lu dans:
Dany Laferrière. L'odeur du café. Zulma. 2016. 240 p. 

27 mars 2017

L'ami Tchang

"Votre mur va-t-il être plus grand et plus profond que la Méditerranée ?"
                Thomas Friedman.

Ce weekend, je me suis souvenu de Tchang retrouvant son ami Hergé, 20 ans après Tintin au Tibet. Un congrès médical à Paris a permis à un ami médecin burkinabé de voir l'Europe, et de me rencontrer, pour la première fois. J'avais encouragé son parcours à distance depuis une quinzaine d'années sans jamais l'avoir vu. Cruelle aventure que de quitter Ouagadougou pour Paris quand on n'a ni les fonds, ni les visas, ni la carte de crédit nécessaire pour régler en ligne ses frais d'inscription, son Ibis budget et son billet d'avion. De retard en retard, de refus en refus, il a rejoint les Journées françaises d'hépato-gastro-entérologie... le dernier jour. 600.000 personnes se trouvent dans les nuages en permanence chaque jour que le bon dieu fait, mus par la passion de découvrir des paysages lointains, mais combien d'Africains de souche? Ce continent ne serait-il peuplé que de réfugiés en puissance, prêts à abandonner femme, enfants et vieux parents dès qu'on leur entrouvre les portes de la liberté? L'Afrique est une prison.

Lu dans:
Thomas Friedman.  Merci d'être en retard. 2017. Trad. Pascale-marie Deschamps. Ed Saint Simon. 400 pages.

25 mars 2017

Le souvenir de la blancheur

"Il n'est point de défaite qui ne soit que défaite
qu'un monde perdu
puisque le monde qu'elle ouvre
est toujours un lieu jusque-là insoupçonné
qui fait appel à des espace nouveaux.
Nulle blancheur n'est aussi blanche
que le souvenir de la blancheur . "
         William Carlos Williams (1883-1963)

(No defeat is made up entirely of defeat-since / the world it opens is always a place formerly unsuspected. / A world lost, a world unsuspected / beckons to new places / and no whiteness is so white as the memory of whiteness .)

Ceux qui ont vu le beau film Paterson de Jim Jarmusch se souviennent des poèmes qui le ponctuent. Ils sont inspirés par le poète William Carlos Williams.



       
Lu dans:
William Carlos Williams. Aubier Montaigne. 2001. 383 pages.

24 mars 2017

"Patience ! Avec le temps l'herbe devient du lait."
             Proverbe chinois

23 mars 2017

Douceur d'Alep

"Savon d'Alep. 25% d'huile de baie de laurier. Deux achetés, plus un offert. Produits d'hygiène, entretien, épicerie bio. Offre jusqu'au 22 mars dans la limite des stocks disponibles."
                Encart publicitaire  


La lecture du journal recèle des rapprochements insolites, qui feraient sourire si la réalité n'était dramatique. Un article documenté sur la récente chute de la ville d'Alep, devenue champ de ruines habité par des civils hagards, côtoie la publicité pour ce qui en fut sa principale richesse et son emblème, le célèbre savon si apprécié par les peaux sensibles. La coïncidence des deux est-elle fortuite, allez savoir. 

22 mars 2017

Ressusciter

“Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été.”
            Albert Camus

Le hasard des lectures me fait croiser hier mon confrère Mikhael Boulgakov, installé depuis peu en Sibérie à la sortie de ses études. La ville la plus proche est à une cinquantaine de kilomètres.  Il a soigné il y a deux semaines une petite fille de trois ans, Lidka, étouffant en raison d'une angine diphtérique apparue 24 heures plus tôt et que seule une trachéotomie en urgence était susceptible de sauver. Encore sous l'émotion, volubile, il raconte sa terreur du moment. "Du camphre est injecté pour l'anesthésier, et avec le scalpel, il lui a fait une incision verticale sur le devant de la gorge. Pas une goutte de sang n'a émergé, et il a dû s'y reprendre une seconde fois, en vain. Lentement, essayant de se rappeler les illustrations de ses études, il a alors commencé à séparer les tissus délicats avec une sonde et aussitôt un sang noir a jailli de l'extrémité inférieure de la plaie, inondant instantanément le champ opératoire en dégoulinant dans le cou de la petite patiente. Il a tenté d'étancher en vain la plaie avec des compresses, sans y parvenir, pas plus qu'en posant ça et là force pinces aux endroits où le sang jaillissait par petites saccades. Le front dégoulinant de sueur, il me dit qu'il a amèrement regretté à ce moment d'avoir entamé la médecine. Serrant plus large, plus fort, avec la fureur du désespoir et un peu au hasard il parvient enfin à étancher ce maudit saignement mais sans parvenir à trouver quoi que ce soit qui ressemble à la trachée. Cette plaie ne ressemblait à rien de ce qu'il avait étudié. Il passe ainsi deux à trois minutes à fouiner dans les chairs avec le scalpel, puis avec la sonde, en désespérant de trouver le maudit conduit et se demandant comment il allait annoncer la mort de l'enfant à ses parents, en attente dans la pièce d'à côté. L'infirmière lui essuie le front en silence, il dépose le scalpel ne sachant plus que faire d'autre, terrorisé à l'idée d'affronter le regard de la maman. Il reprend le bistouri, change l'orientation du trait d'incision, largement et en oblique vers le côté du cou, sépare les tissus et à sa grande surprise la trachée apparaît enfin.  Il la fixe de chaque côté avec un crochet, y plonge le scalpel et y enfonce une canule. Un silence de mort règne dans la petite infirmerie, l'enfant vire au bleu, est secouée par une violente convulsion au moment où la plaie expulse une fontaine de matière grumeleuse dégoûtante à travers le tube. Soudain, l'air siffle à nouveau dans sa trachée. En temps voulu, le tube d'argent a été enlevé et Lidka s'est complètement rétablie."

Petit récit édifiant pour ceux qui persistent à penser que décidément la médecine était plus belle avant. On comprend ce que Camus voulait dire quand il découvre en lui un invincible été au cœur de l'hiver: j'aime à imaginer la vie de Lidka ressuscitée, ses amours, ses enfants, ses activités quotidiennes au cours d'une vie qu'on lui souhaite aussi longue et belle que possible.


Lu dans :
Albert Camus. L'Eté. Retour à Tipasa. 1952

Mikhael Boulgakov (1891-1940). La trachée Steel. Cité par Michael Bloor dans la revue Hektoen International, numéro de printemps 2015 dans la rubrique Vignettes littéraires. www.hektoen.org

21 mars 2017

Repeint au vin blanc

"Matin de printemps
même mon ombre
déborde de vie
A l'ombre des fleurs de cerisier
il n'est plus d'étrangers."
        Kobayashi Issa  ( 1763-1828 )

Comme un friselis dans l'air, un timide début de chaleur et la semaine prochaine la mort de l'heure d'hiver. On se sent déjà mieux.


19 mars 2017

Journée de l'eau


 "Sois une goutte d'eau, et bois l'océan."
Mohammed Iqbal (1873-1938)


Ce 20 mars est la journée de l'eau, et des moyens de la sauvegarder. Dans cette optique je livre pour nourrir votre réflexion l'information suivante qui paraît fort innovante. «Lorsque nous mourons, nous n'avons, en Belgique, que deux options pour notre corps: l'enterrement et l'incinération. Or, l'une et l'autre sont très polluantes. Mais il existe une troisième solution, que nous appelons l' humusation: il s'agit d'un processus contrôlé de transformation des corps par les micro-organismes dans un compost composé de broyats de bois d'élagage, qui transforme, en douze mois, les dépouilles mortelles en humus sain et fertile [ ... ] En une année, l'humusation du défunt, réalisée sur un terrain réservé et protégé qui aura pour nom Jardin-Forêt de la métamorphose, produira +/ - 1,5 m3 de "super-compost".»



Lu dans :
Abdennour Bidar. Les Tisserands. Ed Les liens qui libèrent. 2017. 192 pages. Extrait: Exergue et pp 49-50
Jean-François Mattei et Israël Nisand, Où va l'humanité?, Ed. Les Liens qui libèrent, 2013, p. 27,28.  http://www.humusation.org/

18 mars 2017

Pigeon

"La plus belle couleur au monde est celle qui vous va bien."
                Coco Chanel

Sur le mur du jardinet, deux pigeons habillés de gris cendré, d'une touche de vert et de blanc neige. Une seule parure pour la vie, mais elle leur va bien.



17 mars 2017

La fin comme un commencement

"Austères glaciers
tendre filet d'eau
voici que le fleuve retourne à sa source
que nous terminons notre grand périple (..)
Austères glaciers
tendre filet d'eau
où toute fin est commencement."
            François Cheng

On ne peut vivre en expansion permanente. Après des années d'exploration, le besoin de se recentrer guette. François Cheng décrit ceci en mots ciselés, comme le fait la nature. J'ai toujours éprouvé une tendresse particulière pour le destin du saumon anadrome qui, au terme d'une vie passée à découvrir la mer dans son immensité remonte la rivière dont il est issu pour s'y reproduire, et mourir. Belle image de la transmission et de la sérénité que procurent les cycles de l'existence quand on les accepte.

 

Lu dans :
François Cheng. La vraie gloire est ici. NRF. Gallimard. 2013. 162 pages. Extrait p.13

16 mars 2017

Offre d'emploi

« Malheureusement, nous n’avons pas de postes de travail relax, faciles ou ennuyeux disponibles à ce jour. »
                Sagesse des offres d'emploi

Comment recruter avec humour. Trad. Recherche employé(e)s flexibles, ambitieux, connectés jour et nuit, sans attache et aimant voyager, ne comptant pas leurs heures. 
 


15 mars 2017

L'écho du silence

"Aujourd'hui le silence est de plus en plus rare. Je me dis parfois que le silence est, lui aussi, en voie d'extinction."
                Henning Mankell

Un silence de qualité, un air pur et une eau propre sont les richesses de demain. Le silence n'est pas l'absence de bruit, anxiogène, signe de solitude et de mort, devenu parfois moyen de torture raffiné, mais l'espace habité dans nos têtes quand le son s'éteint. C'est ce qui reste quand le musicien virtuose a plaqué son dernier accord, quand on vous a dit pour la première fois "je t'aime", quand le dernier patient quitte le cabinet le soir venu, quand le merle lance ses dernières notes dans le jardin au crépuscule. Un silence habité par le bruissement du vent, le souffle lointain de la houle, le pépiement des oiseaux, le ruissellement d'une source est un cadeau. Comme le sont quelques paroles bienveillantes quand s'estompe le bruit des querelles . Le silence est une mélodie intérieure.

Lu dans:
Henning Mankell. Sable mouvant. Seuil 2015. Points 380 pages. Extrait pp. 260-261

14 mars 2017

Danser l'éphémère


"Je te danserai
la flamboyance de la mer
La goutte d'eau puisée
La vague qui fait les mondes
L'empreinte de ton pied sur le sable mouillé

Je te danserai les couleurs à peine rencontrées
les livres qu'on n'écrira jamais
La poésie enfermée dans la main
Les mots, et les oiseaux, la trace et le rien

Et, au milieu de la nuit du monde
L'heure bleue, celle des hommes en prières
L'immensité de ce qui s'écoute."
        d'après Mariem Mint Derwich. L'éphémère et la silhouette, texte inédit, 2016

Sur la place de Ronda l'andalouse, une femme s'est mise à danser, parce que la musique est belle, parce que le vin est bon et qu'il y encore du soleil juste avant le soir. Légère, elle redevient une de ces petites filles qui dansent sur la route parce que la vie est belle, que leurs cousines sont là et que le soleil est doux. La danse est une célébration du bonheur éphémère, insouciant de l'éternité.


Lu dans:
Bruno Doucey, Nimrod et Christian Poslaniec. 120 nuances d'Afrique. L’anthologie du 19ème Printemps des Poètes. Tissages. 288 pages. 2016

12 mars 2017

Sagesse d'hier

" Nul ne sait de quoi hier sera fait."
            Proverbe russe

1913. La première du Sacre du printemps avec Stravinski, Nijinski, Diaghilev et les Ballets russes se passe mal. Un remue-ménage tel que Nijinski en coulisse n'entend pas la musique et  doit compter les temps dans sa tête pour entrer en scène. Stravinski furieux part avant la fin sous les vociférations. Un siècle plus tard le ballet est considéré comme une des œuvres les plus représentatives du XXème siècle. 

Cette même année 1913 vivent à Vienne deux hommes dont l'un était originaire de Linz et l'autre de Géorgie. Ils ne se sont sans doute jamais adressé la parole mais se sont fort vraisemblablement croisés dans un parc de la ville auprès duquel ils habitaient tous deux. Le jeune homme de Linz s'appelait Adolf Hitler. Le Géorgien, qui était un peu plus âgé, prendrait plus tard le nom de Staline. Le jeune Autrichien peignait des aquarelles et venait souvent dans ce parc pour y croquer différents points de vue. Staline, lui, était à Vienne pour étudier la relation du marxisme à l'État-nation. Ni Staline ni Hitler n'avaient conscience d'avoir arpenté le même parc viennois, quotidiennement peut-être, au début de cette année 1913. Il se peut que Staline ait remarqué la présence d'un homme mal habillé qui peignait méthodiquement arbres, fontaines et façades. Hitler, de son côté, avait peut-être levé les yeux vers un petit homme trapu qui se promenait toujours en fumant des cigarettes russes. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, ils vont conclure l'un avec l'autre un pacte que Hitler dénoncera, précipitant le conflit qui opposera leurs peuples. 

On ne sait jamais de quoi hier sera fait, et c'est réconfortant à double titre. Si nos échecs passés n'étaient que l'envers de la réussite? Quant à nos rencontres quotidiennes, si banales, de personnages étranges et différents, la perspective que parmi eux se trouvera demain peut-être un Poutine, un Depardieu ou un Obama laisse rêveur.  Et nous-mêmes, qui serons-nous ? 


Lu dans:
Henning Mankell. Sable mouvant. Seuil 2015. Points 380 pages. Extrait pp. 357, 360, 361

11 mars 2017

Sagesse du coucher


"Le déclin du jour     le seuil du soir
il ne fait pas nuit encore     l'oiseau s'élève encore     l'arbre s'étire encore
Bientôt souffle un vent plus froid
la nuit et le rêve.
    Hannah Arendt

Sagesse des valeurs sûres et des plaisirs de choix: se laisser gagner par la fin du jour et la nuit nous envahir, en savourant l'instant.

Texte original:
Die Neige des Tages    die Schwelle des Abends
noch ist es nicht Nacht      noch hebt sich der V ogel      noch streckt sich der Baum.

Bald wehet es kâlter
die Nacht und der Traum.



Lu dans:
Hannah Arendt. Heureux celui qui n'a pas de patrie. Poèmes de pensée. Rassemblés par Karin Biro. Payot. 240 pages. 2015. Extrait p.171

09 mars 2017

Pigeons

"Nous vivons dans un monde où ceux qui gagnent 100.000€ par mois persuadent ceux qui en gagnent 1800 que tout va mal à cause de ceux qui vivent avec 536€. Et ça marche."
             Félix Lobo (homme de scène et humoriste français)

Scène de jardin. Deux pigeons, perchés sur le mur, célèbrent la montée de la sève. Une pie s'approche pour occuper la place, qu'ils abandonnent sans demander leur reste. La même pie décampe dès qu'apparaît la noiraude corneille. L'ordre règne dans le minuscule jardin. Tout cela est dans l'ordre des choses, chez les pigeons comme chez les hommes: selon que vous serez puissant ou misérable.  Si ce n'est que ce qui fait sourire pour les pigeons, le fait moins pour les humains.  
 

Un chien nocturne

" Quand j'étais enfant, une nuit - c'était une nuit d'hiver glaciale, je n'arrivais pas à dormir -, j'ai vu apparaître un chien solitaire qui courait dans la rue, éclairé par un lampadaire qui oscillait dans le vent. Puis l'obscurité l'a avalé. Il me semble parfois que toutes mes questions sur la vie et la mort, le passé et l'avenir, ont partie liée avec ce chien filant à pas feutrés de la nuit à la nuit. ".
            Henning Mankel
 
L'image de ce chien nocturne " filant à pas feutrés de la nuit à la nuit" m'habite alors que je cherche le sommeil. Il a le visage de ces nombreux patients croisés pendant une étape plus ou moins longue de leur vie, et partis dans leur nuit. Il n'est de maison de mon village anderlechtois qui n'ait son histoire, ses drames et ses naissances. Leurs bonheurs et leurs détresses ont déteint sur moi sans qu'ils aient jamais pu s'en douter, et les prolongent. Ils n'ont rien d'effrayant, ils ont fait partie de ma vie pendant un bref instant et me précèdent simplement. Certains continuent à éclairer mon chemin, et c'est pur bonheur. 
  
Lu dans:
Henning Mankell. Sable mouvant. Seuil 2015. Points 380 pages. Extrait pp. 241-242 

08 mars 2017

La chance d'être imparfait

" N'aie pas honte d'être homme, sois-en fier
car en toi une voûte s'ouvre sur une voûte, jusqu'à l'infini
jamais tu ne seras parfait, et c'est très bien ainsi. "
            Tomas Transtromer

Quelle âme est sans défauts? rappelle Rimbaud. Heureuse imperfection qui fait les belles rencontres, espace vide dans celui ou celle qu'on croise permettant d'y verser une eau qui apaise. On donne, on reçoit: on ne peut aimer un être parfait. 

 

Lu dans :
Tomas Transtromer. Arcs romans. Pour les vivants et les morts. Le Castor astral. 2004. trad. de Jacques Outin. Cité en exergue par Henning Mankell. Sable mouvant. Seuil 2015. Points 380 pages.

07 mars 2017

Leadership

"Hélas ! Combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte."
            Victor Hugo

Lu dans:
Gérard Dave, Fabrice Lhomme. Un président ne devrait pas dire ça. Stock. 2016. 672 pages. Exergue 

06 mars 2017

Je rêve d'une ville

"L’intérieur de votre tête n’est pas cette masse grise et blanche que l’on vous a dite
c’est un paysage de sources et de branches
une maison de feu
mieux encore la ville miraculeuse qu’il vous plaira d’inventer.»
        Paul Nougé (1895-1967)