21 février 2017

La lueur qui change tout

"Je regarde les gens autour de moi et je pense que tous portent avec eux une forme ou une autre d'espoir. Que quelque chose réussisse, ou commence, ou cesse, ou se laisse expliquer, ou se révèle être faux ... "
            Henning Mankel

L'homme peut-il survivre sans espoir? Le récit de la création du célèbre "Radeau de la Méduse" de Géricault est surprenant à cet égard.

"Au début, il tâche de représenter l 'horreur. Le cannibalisme, ceux qu'on jette encore vivants par-dessus bord, la mer où l'on n'aperçoit pas l'ombre d'une embarcation, le désespoir qui gagne et efface à la fin tout autre sentiment. Il imagine un radeau dérivant sur une mer où aucun dieu ne se préoccupe de la souffrance des naufragés. Dieu ne peut exister en l'absence de tout espoir. Le ciel est aussi vide que la mer. Le continent africain, invisible dans la brume, est distant de six kilomètres à peine. Mais il n'offre aucun salut. Ce pourrait tout aussi bien être l'enfer qui les attend. Les naufragés du radeau sont condamnés à mourir. Géricault est pris d'une hésitation. Il multiplie les croquis mais, à mesure que le travail avance, il atténue de plus en plus l'aspect tragique. Il semble se poser la question suivante: qu'advient-il d'êtres humains qui ont perdu tout espoir? Quand il ne leur reste rien ? Il ne donne aucune réponse. En fait, la question est mal posée, car ce n'est pas possible. Il n'existe pas de vie humaine là où tout espoir a disparu. Il reste toujours quelque chose. La toile qu'il choisit enfin de peindre donne corps à l'espoir humain qui subsiste malgré tout alors que tout devrait être fini. Au dernier plan de la composition, dans la mer déchaînée, on aperçoit la forme minuscule de L'Argus: tandis qu'à bord du radeau les survivants tentent d'attirer son attention, rien ne permet d'affirmer que sur le bateau on ait repéré leur présence. C'est d'ailleurs quelques heures plus tard, à son second passage, qu'ils seront secourus. "

Laissez-vous surprendre: allez découvrir ce minime point lumineux à l'horizon, à droite au centre du tableau de Géricault, qui en change toute la perspective  ( http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-radeau-de-la-meduse )


Lu dans:
Henning Mankell. Sable mouvant. Seuil 2015. Points 380 pages. Extrait pp. 102-103

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