16 décembre 2015

Les sons du silence

"La proximité, en musique et ailleurs, exige cette sorte de silence intérieur qui laisse en nous la place pour la voix de l'autre."
            Jean-Marc Besse

"Il existe bien des sortes de silence. Il y a par exemple le silence que les pouvoirs font régner pour des raisons politiques, le silence de la réprobation morale ou religieuse, le silence complice qu'on impose à autrui au nom de l' omerta. Ce sont des silences contraints, dont l'objectif est l'interdiction de toute parole, voire la terreur du langage. Il y a aussi le silence de la satiété, de la satisfaction du désir de l'apaisement, du bonheur sans paroles ni bavardages. Un silence de l'intimité sans inquiétude. On connaît aussi le silence de la fin, quand tout s'arrête par impuissance ou manque de volonté ou  d'énergie. C'est le silence du «il n'y a plus rien à dire ». Mais il existe aussi une quatrième forme de silence, celui du recueillement qui accompagne l'écoute. Écoute de l'autre et écoute de soi. Dans cette relation entre le silence et l'écoute, relation qui laisse venir la parole, il est possible de trouver un lieu d'habitation. Le silence ne s'oppose pas à la parole, mais plutôt au bavardage, à ce qu'on appelle aujourd'hui la communication, c'est-à-dire à une espèce de nappe bruyante de mots qui nous entourent sans but ni fin et qui nous mettent littéralement hors de nous. Pouvons-nous réellement habiter dans ce que David Le Breton appelle justement cette « ébriété de paroles», dans cette injonction à tout dire et tout montrer, dans cette exposition généralisée aux bruits et aux images qui ne nous laissent aucun repos ni retrait? Écoute-t-on seulement quelque chose dans cet univers de la parole parlée? Regarde-t-on vraiment ce qu'on nous jette aux yeux? Constamment sollicités, excités par un déferlement kaléidoscopique de sons et d'images se succédant sans relâche, nous sommes toujours en retard par rapport à ce qui vient de disparaître."
 


 
Lu dans:
Jean-Marc Besse. Habiter un monde à mon image. Flammarion. 2013. 254 pages. Extrait p.51, pp 168-169
David Le Breton, Du silence, Paris, Métailié. Collection. Traversées). 1997, 292 pages Extrait p. 11

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