28 février 2015

La mangue de midi est la grâce du jour


"Il faut attendre un midi de juillet
quand la chaleur devient insupportable.
Une cuvette blanche remplie d'eau fraîche
sur une petite table bancale,
sous un manguier.
Vous arrivez en sueur d'une demi-journée
agitée pour vous asseoir à l'ombre,
sans rien dire pendant un long moment,
jusqu'à ce que votre sieste
soit interrompue
par le bruit sourd d'une mangue
qui vient de tomber près de votre pied.
Il faut la respirer longuement
avant de la dévorer pour qu'il ne
reste plus une once de chair
ni non plus une goutte de jus.
Puis vous vous lavez le visage et le torse
dans la cuvette d'eau
avant de retourner à votre chaise.
La mangue de midi est la grâce du jour."

Lu dans:
Dany Laferrière. L'art presque perdu de ne rien faire. L'art de manger une mangue. Grasset. 2014. 425 pages. Extrait p. 11

27 février 2015

Simplexe


"Simplet, ce septième nain, pas aussi simple qu on croit. Il est comme le ravi de la crèche provençale, non pas l'idiot du village, mais le témoin et le sage, l'émerveillé, ouvert à tous les possibles? "
        Berthoz

Comment mieux décrire cette simplexité dont Berthoz décrit qu'elle est une nouvelle façon de vivre la complexité croissante du monde, de poser les problèmes parfois au prix de quelques détours, prenant en compte l’expérience passée et en anticipant l’avenir avec imagination, pour arriver à des actions plus rapides, plus élégantes, plus efficaces. Faire simple n’est jamais facile ; cela demande d’inhiber, de sélectionner, de lier, d’imaginer pour pouvoir ensuite agir au mieux. Une version actualisée de Blanche-Neige placerait sans aucun doute un smartphone dans les mains du nain Simplet, et je me plais à imaginer tout ce qu'il en tirerait avec émerveillement.


Lu dans:
Jean Michel Besnier. L'homme simplifié. Fayard. 2012. 205 pages. Extrait pp. 35-36
Alain Berthoz, La Simplexité. Paris, Éditions Odile Jacob, 2009. p. 42

26 février 2015

De la vie soudain


'Un château abandonné des Carpathes, dont soudain un jour s'échappe de la fumée..."

Je ne connais pas le livre de Jules Verne dont serait issue cette phrase, mais elle fait rêver à mille intrigues possibles. Et peut s'appliquer à quelques situations de vie.

25 février 2015

La seconde avant l'annonce


"Ce matin-là il avait commencé une phrase
    Il faudra pourtant se décider à...
et à ce moment le téléphone a sonné
C'était André qui lui apprenait la nouvelle et il est parti aussitôt
Nous ne l'avons pas revu vivant
Et je ne sais pas comment il aurait terminé la phrase
ni à quoi il pensait qu'il fallait pourtant se décider.
(..)
Qui finira pour nous malgré l'absence après l'arrêt subit
la vie qu'on avait pourtant l'intention de vivre?"
        Claude Roy . Kerdavid . Samedi 29 août 1992

Elle a trente-six ans, je l'ai vue naître. Veuve depuis le 2 janvier de cette année, un bloc de marbre dont on fait les tombes a fracassé son mari. Il avait pris congé ce lendemain de fête, mais il arrive qu'on doive changer ses plans, pour longtemps. Une fois de plus je tente d'imaginer ce à quoi on rêve la seconde avant qu'on ne meure. Et ce que dure la seconde qui suit l'annonce. 


Lu dans:
Claude Roy. Les pas du silence. NRF Gallimard. 1993. 271 pages. Extrait pp.166-167

23 février 2015

Moi je suis vintage


«Quand on regarde l’être humain, on sent bien que le chantier n’a pas été terminé…».
            Florence Foresti

L'humour dévastateur d'une femme qui se regarde dans la glace. Morceaux choisis.  Les femmes aussi ont leur Vietnam: "l’accouchement, avec ou sans péridurale, avec ou sans césarienne. Sans compter la grossesse, qui est «comme une gastro qui durerait neuf mois… à part qu’ici tu grossis».  Scènes de course avec sa fille de 7 ans sur le chemin de l’école, portrait de la mère parfaite, «toujours à l’heure, qui ne s’énerve pas et parle avec une voix tellement douce». 40 ans? «Tu arrêtes de boire, tu arrêtes de manger… tu arrêtes de vivre. On va tous crever. Ma prochaine aventure, c’est le cancer.» 50 ans, «l’adolescence avec une carte bleue… Moi, je suis longue conservation. Je ne suis pas vieille, je suis vintage». On attend avec impatience qu'elle fête ses 60 ans.



Lu dans :
Nicolas Crousse. Florence Foresti, les femmes lui disent merci. Le Soir. Lundi 23 février 2015
Flavie Gauthier. Le spectacle de la maturité décomplexée. Ibid

22 février 2015

Sagesse des arbres


"Imaginez un arbre
Regardez-le maintenant avec les yeux d'un architecte.
Il devient alors une véritable inspiration pour les bâtiments et les habitations d'après-demain."
        Luc Schuyten

Du bourgeon à la feuille morte


"Gloire à la branche maîtresse
honneur au rameau
et merci pour la feuille
de la feuille qui tombe
à la feuille qui vient."
    M. Delpastre

A un moment de l'année où les bourgeons sont guettés avec impatience, on se plaît à citer les arbres.

21 février 2015

Et si c'était


"Et si c'était la dernière fois ...
Si c'était la dernière fois que je vois
dans les yeux d'un homme qu'il me trouve belle?
Si c'était la dernière fois que je suis belle?"
        Biefnot-Dannemark


Lu dans:
Biefnot-Dannemark. Au tour de l'amour. Le Castor Astral. 2014. 120 pages.Extrait p.57
Ce recueil et le roman "La route des coquelicots" seront en librairie le 5 mars.
www.francisdannemark.be/biefnot-dannemark/

20 février 2015

Improbable renommée


"Une anecdote pour écrivains débutants. Kafka, malade, vint passer ses vacances d'été à Marienbad. Jetant un coup sur la fiche, l'aubergiste lui dit: « Votre nom me semble connu. - Impossible, répondit Kafka. C'est la première fois que je descends chez vous. » L'écrivain prit sa valise et monta se reposer dans sa chambre. A peine assoupi, il perçut des petits coups à la porte. C'était l'aubergiste: «Pardonnez-moi de vous déranger, mais j'ai une question à vous poser : seriez-vous écrivain? » Ahuri, Kafka répondit: «Pas vraiment... Mais pourquoi me demandez-vous cela? - Parce que mon fils me dit que vous l'êtes. - Dites-lui qu'il se trompe sur mon identité. » L'aubergiste sortit et Kafka essaya de se rendormir. A nouveau, des coups à la porte le réveillèrent: « C'est encore mon fils dit l'aubergiste. Il prétend que vous êtes un très grand écrivain et il souhaite vous saluer. C'est important pour lui. Si vous tenez à votre repos, dites oui, et qu'on en finisse. » Kafka accepta et l'aubergiste alla chercher son fils. Celui-ci, ému et intimidé, ne put que bafouiller: «Quel honneur ... quel bonheur ...   - Mais pourquoi? demanda Kafka. - Parce que ... parce que vous êtes Kafka ...
- Et après?
- Comment et après? Monsieur Kafka, ne savez-vous donc pas qui vous êtes? Vous êtes un grand écrivain, l'écrivain que j'admire le plus au monde ...
- Auriez-vous lu quelque chose de moi?
- Quelque chose, vous dites quelque chose? Votre ouvrage a changé ma vie...
- Lequel?
- La Métamorphose.
- Vous l'avez lu?
- Bien sûr que je l'ai lu, et relu.
- Où l'avez-vous trouvé?
- Mais je l'ai acheté ... »
Et Kafka de s'écrier: « Non ... c'était donc vous? »
        E. Wiesel


Lu dans
Elie Wiesel. Tous les fleuves vont à la mer. Mémoires. Seuil. 1994. 562 pages. Extrait p.418, 419

18 février 2015

L'art de changer de café


"La vie , voyez-vous,
c'est de changer de café."
        Aragon

Dès qu'on s'installe dans un café, tout le reste
de la ville s'efface. (..)
Tout ici ne se déroule pas toujours
de manière harmonieuse
mais nous sommes des animaux capables
d'endurer les situations les plus inconfortables.
J'ai vu des gens subir sans broncher
le mépris de serveurs maussades
ou l'indifférence de leurs voisins de table
alors qu'il suffisait de traverser la rue
pour se rendre au café d'en face et changer
ainsi de roman ou de vie."
        D. Laferrière


Lu dans:
Dany Laferrière. L'Art presque perdu de ne rien faire. L'art de changer de café. Grasset. 2014. 425 pages. Extrait p. 419

Chez nous


"C'est fou comme on s'habitue vite à tout. Y pensant aujourd'hui, j'ai du mal à l'admettre. Quelques heures après avoir respiré l'air nauséabond et suffocant du wagon, voilà que nous nous sentons chez nous. « Chez nous », c'est le bout de plancher sur lequel je suis assis. Je songe aux exilés juifs de l'Antiquité et du Moyen-Age; je suis leur frère. (..) Le principal, c'est que nous soyons entre nous. Si l'on nous avait dit que ce voyage durerait des semaines ou même des années, nous aurions tous répondu : plaise à Dieu qu'il en soit ainsi. Car rien n'est pire que l'inconnu. (..) La vie dans les wagons. La mort de mon adolescence. Comme je vieillis vite: enfant, j'aimais l'imprévu. Un visiteur venu de loin. Un événement inattendu. Un mariage, une tempête, une catastrophe. N'importe quoi plutôt que la routine. Maintenant, c'est le contraire. N'importe quoi plutôt que le changement. Accrochés au présent, nous redoutons l'avenir."
        Elie Wiesel.

Tous nos séjours de vacances, voyages, weekends prolongés portent en filigrane des noms de livres emportés. Les Vosges avec Elie Wiesel, cela donne indubitablement à la neige et au carnaval une coloration méditative que les seuls serpentins, turlututus et chapeaux pointus ne possèdent guère, et que j'apprécie. Cette longue méditation sur le sentiment de sécurité que peut procurer le plancher d'un wagon à bestiaux pour Auschwitz m'habite l'esprit de manière durable. 


Lu dans
Elie Wiesel. Tous les fleuves vont à la mer. Mémoires. Seuil. 1994. 562 pages. Extrait p.98

14 février 2015

Les mots simples


"Quand on voit des ombres
c'est qu'il y a de la lumière
Quand tu es là, quand toi et moi sommes un,
la nuit sans fond épouse le jour sans fin. "
    Biefnot-Dannemark

On fredonnait avec Moustaki "Je ne sais pas où tu commences, tu ne sais pas où je finis", j'en découvre la suite ce matin au courrier dans le merveilleux petit recueil de Véronique Biefnot et Francis Dannemark. Les mots simples décrivent le mieux le mystère. 



Lu dans:
Biefnot-Dannemark. Au tour de l'amour. Le Castor Astral. 2014. 120 pages.Extrait p.77
Ce recueil et le roman "La route des coquelicots" seront en librairie le 5 mars.
www.francisdannemark.be/biefnot-dannemark/


13 février 2015

Le retour


"Quant à ceux qui furent assez bêtes, ou du moins assez naïfs, pour rentrer dans leurs pays d'origine, ils se heurtèrent à l'animosité de leurs anciens voisins ou concitoyens. Au lieu d'accueillir les revenants avec des fleurs (comme ce fut le cas au Danemark), au lieu de fêter leur retour, leur survie, en leur demandant pardon, en les entourant d'égards et de chaleur, on les considérait avec suspicion et rancune : « Vous voilà de retour, vous aussi? Auschwitz n'était donc pas si terrible que ça, hein? » On refusait de leur restituer leurs foyers et leurs biens. En Hongrie, déclare un sociologue informé, l'antisémitisme d'après-guerre avait un mobile prédominant : les habitants craignaient le retour des déportés dont ils avaient confisqué les appartements et les entreprises. Kielce, en Pologne, fut le théâtre d'un véritable pogrom."
        Elie Wiesel.

Encore Elie Wiesel, dont je partage les réflexions douces-amères sur l'être humain depuis une semaine, racontant son retour "chez lui" après sa sortie d'Auschwitz. "Pendant des années je n'ai cessé de penser au retour dans la ville qui m'a vu naître. J'en étais obsédé. Il m'a fallu attendre vingt ans et, maintenant, ce retour fait aussi partie de mes obsessions. C'était la nuit. La ville dormait. La maison dormait. Elle n'avait pas changé: même portail, même jardin, même puits. La peur m'étouffait. Je me croyais pris dans un tourbillon d'hallucinations. Et si ce n'était qu'un rêve? Et si nos voisins juifs étaient toujours là? Et mes parents? Et mes soeurs? Une vague d'angoisse m'emporta et me ramena, je m'attendais à ce qu'une fenêtre s'ouvre et qu'un garçon ressemblant à celui que j'avais été m'interpelle: hé, monsieur l'étranger, que faites-vous donc dans mon rêve? J'anticipe: des inconnus habitent ma maison. Ils n'ont jamais entendu mon nom. A l'intérieur, rien n'a été transformé. Ce sont les mêmes meubles, le même poêle en faïence que mon père put acheter grâce à un emprunt. Les lits, les tables, les chaises : ce sont les nôtres, au même endroit. Mes yeux fiévreux se promènent à droite, à gauche, en haut, en bas: est-il possible qu'il n'y ait plus ici une seule trace de notre passé? Si, il en reste une, une seule. Sur le mur, au-dessus de mon lit, il y avait la photo de mon vieux Maître adoré, Rabbi Israël de Wizhnitz. Je me souviens: je l'avais accrochée le jour de son décès, le deuxième jour du mois de Sivan. Je me revois encore: avec un marteau très lourd, j'enfonce un clou et y suspends le cadre. (..) C'est en pleurant la mort du Rabbi que j'avais placé sa photo au-dessus de mon lit. Le clou y est toujours. Une grosse croix y est suspendue."

Lu dans
Elie Wiesel. Tous les fleuves vont à la mer. Mémoires. Seuil. 1994. 562 pages. Extrait pp. 94-95, 179

12 février 2015

Sagesse de Pierre Rhabi


"Nous avons besoin de ce qui est nécessaire à notre survie physique
mais aussi de ce qui nous enchante
    de la beauté
    du coassement des crapauds le soir
    du chant des oiseaux le matin."
            Pierre Rhabi

Lu dans:
Pierre Rabhi. De la beauté. Entretien avec Olivier Le Naire. Nos voies d'espérance. Actes Sud. LLL.  229 pages. Extrait p.127

11 février 2015

La vie à deux


"On a moisi ensemble."
   
Elle a de longues années de vie derrière elle, peu devant. Je m'interroge encore sur la raison pour laquelle elle a traversé la ville afin de consulter: pas d'affection mortelle, pas de douleur térébrante, rien de bouleversant dans un agenda morne. Mais l'évocation de son époux, mort vingt ans plus tôt me glace encore, ainsi que la forme que prenaient ses lèvres quand elle résume son existence. Un long silence s'est installé, suivi d'un imperceptible haussement d'épaules soulignant un "bah, c'est le passé". Et le ton redevient badin, comme si rien d'essentiel n'avait été dit.  D'où vient alors que ces mots me tournent en tête sans plus en sortir? 


10 février 2015

Bel or


"Le luxe est l'effet des richesses et les rend nécessaires
il corrompt à la fois le riche et le pauvre
l'un par la possession
l'autre par la convoitise."
        Jean-Jacques ROUSSEAU

Courte réflexion d'un utopiste, qui me vient naturellement à l'esprit en découvrant "les nouvelles du journal" ce matin: les milliards grands-ducaux de SwissLeaks, les milliards de madame Bettencourt, son valet de chambre, son légataire, son gestionnaire, ses nombreux amis, les milliards spoliés à la Grèce lors des arrangements entre grands soldant le second conflit mondial et les milliards que n'auront jamais les milliards d'êtres humains que j'imagine en ce moment même dans les métros et les trains bondés, sur les routes, dans les ateliers, chantiers et bureaux pour rapporter de quoi payer leurs factures en souffrance le soir. On a tous ses soucis, comme disait ma grand-mère. 

Lu dans:
Dominique Méda. De l'audace. in Olivier Le Naire. Nos voies d'espérance. Actes Sud. LLL.  229 pages. Extrait p.101

08 février 2015

Le fuite du père


"Ton père est parti à la chasse
Car la bête il ne peut l'attacher
Et il laisse un bébé endormi
Et ses bénédictions derrière lui."
        Leonard Cohen
[«Your father's gone a-hunting
For the beast he cannot bind
And he leaves a baby sleeping
And his blessings all behind.]

"Je m'échappais toujours, une grande partie de ma vie a consisté à m'échapper. Quoi qu'il en soit, même quand la situation paraissait bonne, il fallait que je m'échappe, parce qu'à moi elle ne paraissait pas bonne."
        Léonard Cohen

Impressionnant aveu d'un artiste se retournant sur son passé et son rôle de père. Un homme en errance, pourchassé par une insatisfaction incurable, alternant les états d'âme, si peu conforme à l'image de sage impassible qu'il donne lorsqu'on le voit en scène aujourd'hui. Aurait-il pu composer sans cette déchirure, ou le fit-il pour y échapper? C'est par les failles que la lumière passe. 


Lu dans:
Jean-Dominique Brierre, Jacques Vassal. Léonard Cohen par lui-même. Ed. Cherche-Midi. 2014. 410 pages. Extrait page 323-324,337.
Leonard Cohen. Hunter's Lullaby, in album «Various Positions", 1984

Satchmo


"C'est la première seconde de l'année 1913. Un coup de feu retentit dans la nuit obscure. Un bref cliquetis, doigts tendus sur la gâchette, puis un second coup, plus sourd. La police, avertie, se précipite sur place et arrête immédiatement le tireur. Il s'appelle Louis Armstrong.  Le garçon, âgé de douze ans, avait voulu saluer la nouvelle année à la Nouvelle-Orléans avec un revolver volé. La police le jette dans une cellule et, dès le petit matin du 1er janvier, le renvoie dans un foyer pour enfants de couleur abandonnés où il a déjà fait de nombreux séjours en raison d'actes de délinquance. Il se comporte sur place de façon si insensée que le directeur de l'institution, Peter Davis lui met spontanément une trompette dans les mains."
        Florian Illies

La suite est connue. Celui qu'on surnommera Satchmo accepte l'instrument, et ses doigts qui avaient taquiné la gâchette se retrouvent de nouveau au contact d'un métal froid - si ce n'est qu'à la place d'un coup de feu, ce sont ses toutes premières notes, chaudes, folles, qu'il laisse s'échapper de la trompette. Il apprend à jouer du cornet à pistons dans l’orchestre de ce centre et ne cessera de nous enchanter durant quarante ans.

Lu dans :
Florian Illies. 2013 Chronique d'un monde disparu. Piranha 2014. 315 pages. Extrait p. 9

07 février 2015

A malheur, bonheur


"Tante Giza a survécu à la déportation et je l'ai rencontrée en Israël. Elle pleurait de bonheur, elle pleurait de malheur. Elle avait perdu son mari et ses enfants. Mais, après la libération, elle avait retrouvé un ami d'enfance qu'elle aimait et qui l'aimait. Lui aussi avait perdu ses enfants et leur mère à Birkenau. Sourire ou ricanement du destin? A l'époque, leurs familles s'étaient opposées au mariage. A présent, il n'y avait plus d'opposition; il n'y avait plus de familles. Enfin mariés, ils me paraissaient heureux. D'un bonheur pur et entier, comme on dit? Comment l'aurait-il été? Ils devaient se sentir un peu coupables."
        Elie Wiesel

Qu'en peu de mots le drame et le bonheur d'une existence se voient ainsi écrits. On peut épiloguer une journée sur les réflexions que ce simple récit évoque en nous, sur la nature du bonheur, le poids du passé, les interdits familiaux et la place qu'occupe l'inattendu dans notre existence. Je me contenterai d'imaginer qu'il y a, quelque part en Israël, un vieux couple qui s'aime. 


Lu dans:
Elie Wiesel. Tous les fleuves vont à la mer. Mémoires. Seuil. 1994. 562 pages. Extrait p.15

06 février 2015

Va, vis, deviens

"Nous voulons t'éduquer parce que nous avons confiance en toi, parce que nous pensons que tu pourras mieux faire, infiniment mieux que ce que nous te laissons en héritage. Mais pour cela, tu dois aller. Nous quitter, oui, parce qu'en restant en la maison du père, en ses origines, on n'est pas prêt à affronter l'avenir. Tu dois aller, aller pour toi, pour ta vie et celle de tes frères humains. Tu vas t'éloigner. Mais si ton pas est sûr, si tu sais éviter les embûches et les pièges, si tu prends la relève, une relève meilleure, alors nous pourrons te regarder partir l'âme en paix, avec le sentiment du devoir accompli. Nous pourrons nous effacer et nous réjouir infiniment lorsque tu passeras nous saluer, nous raconter comment tu fais pour vivre en humain digne de ce nom. Va pour toi, enfant."
        Myriam Tonus

Beau texte sur la notion d' "élever" un enfant, comme on élève une offrande vers le ciel, ou encore comme on élève (construit) un mur. Le Baloo que je fus se souvient avec émotion du récit que nous faisions en fin de veillée en fin de camp aux louveteaux qui quitteraient bientôt la meute, tiré du Second livre de la Jungle, quand Mowgli l'enfant-loup quitte ses frères pour rejoindre les hommes. "— Allons, lève les yeux, Petit Frère, répéta Baloo. Il n’y a pas de honte à cette chasse-là. Lorsque le miel est mangé, on abandonne le rayon vide. — Lorsqu’on a jeté la peau, dit Kaa, on ne peut pas y rentrer de nouveau. - Mais souviens-toi pour toujours que Bagheera et les autres t'aimaient." Aimer c'est laisser aller.

Lu dans:
Myriam Tonus. Elève-moi!. Couleur Livres. 2014. 128 pages. Extrait p. 59

05 février 2015

Ceci est un message pour tous les cinglés, les malades mentaux qui décident de se déclarer islamistes, intégristes, djihadistes, pianistes, cyclistes, juste pour commettre leurs méfaits (…). Merci de choisir une autre religion!»
    Samia Orosemane


03 février 2015

La petite fée espérance


"Il n'est jamais trop tard pour naître."
            Jean-Marie Alfroy.

Entendu ce matin "J'ai 47 ans et j'attends toujours que ma vie commence." L'existence peut être une longue attente, que désaltère l'espérance. C'est pourquoi, contre toute attente, l'espérance survit. Avec parfois quelques bonnes surprises.


Lu dans :
Jean-Marie Alfroy. La fugue du père. NRF Gallimard. 1984. 180 pages Extrait page 9

Une simplicité volontaire


«Avec Hydra (*), ce fut le coup de foudre. Les gens, l'architecture, le ciel, les mulets, l'odeur, la vie. Tout ce que vous regardiez était beau, chaque coin, chaque lampe, tout ce que vous touchiez, tout ce que vous utilisiez était à sa juste place. On n'avait pas d'eau courante, il fallait la capturer goutte par goutte, vous connaissiez chaque goutte. Vous connaissiez tout ce que vous utilisiez, chaque fois que vous allumiez la lampe, vous saviez qu'il vous faudrait la remplir et la nettoyer le lendemain. Les choses que vous utilisiez étaient riches ... C'était une sensation très agréable."
        Léonard Cohen

Lu dans:
Jean-Dominique Brierre, Jacques Vassal. Léonard Cohen par lui-même. Ed. Cherche-Midi. 2014. 410 pages. Extrait page 180

(*) Hydra, île grecque du golfe Saronique, au sud d’Athènes, dans la mer Égée, en face de la péninsule de l’Argolide. Cette île est sans voitures. Léonard Cohen y a vécu en partie.

01 février 2015

Picasso intime


"Déclaration de disparition. A disparu: la Mona Lisa de Léonard de Vinci. Volée au Louvre en 1911, elle n'a toujours pas réapparu. Pablo Picasso est entendu par la police parisienne, mais il a un alibi et est autorisé à rentrer chez lui. Au Louvre, les Français éplorés déposent des bouquets au pied du mur."
        Florian Illies.

J'ai cru à un canular d'auteur. Après vérification à de bonnes sources, rien que de la réalité: Picasso s'est bien retrouvé en 1911 au commissariat, suspecté de complicité du vol de la Joconde. Il lui manquait sans doute à l'époque la célébrité qui aurait donné à la scène l'impact qu'eut le cliché de DSK hagard, menotté à New York. Vous partager l'info un siècle plus tard ne nuira pas à la réputation du grand peintre. PS. Mona Lisa a été retrouvée. 


Lu dans:
Florian Illies. 2013 Chronique d'un monde disparu. Piranha. 2014. 315 pages. Extrait p.11