31 janvier 2014

En relisant l'Ecclésiaste


«Qu’il est terrible de savoir là où savoir ne sert à rien à celui qui sait.»
Sophocle. Tirésias dans Oedipe-Roi.

Qu'il est précieux , ce bref moment de retour en soi avant d'entamer la consultation. Je parcours la liste des inscrits, succession aléatoire de bonnes et mauvaises nouvelles à annoncer. Toute vérité est-elle bonne à dire? Il fut un temps où sans hésitation je répondais par l'affirmative. J'ai appris depuis que certaines vérités détruisent, si pas l'individu au moins l'équilibre instable qu'il tente de se construire. Et depuis, je dis vrai mais à pas comptés. Connais-toi toi-même! mais, pourrait-on ajouter, pas trop vite. C'est dans l’Ecclésiaste: «Ne va pas trop vite vers la vérité.» 

29 janvier 2014

Belgique terre d'accueil


"Le BRP (Belgium Residence Program®) est un package de services (…) permettant à des citoyens hors UE d’obtenir un permis de séjour rapidement et avec un minimum d’effort».
Henley & Partners

Parmi les pays cités par Henley & Partners comme destinations privilégiées aux candidats à la résidence ou la nationalité, la Belgique: "un des pays européens les plus attractifs en matière de résidence, citoyenneté et taxation." La simple lecture de ces conseils judicieux destinés aux hommes d'affaires, financiers et investisseurs parmi lesquels Gérard Depardieu s'avère revigorante pour notre moral en début de journée, - où irions-nous vivre ailleurs et mieux? - et rassurante quant aux capacités d'accueil de notre pays aux migrants. Tous les migrants? 

Lu dans:
Belgium Residence Program for non-EU citizens
http://www.visas.to/en/eu/bel-iip/2141/
https://www.henleyglobal.com/countries/belgium/

This land is your Land

Une voix s'est éteinte


"Lorsque tout est achevé, on répond avec l'ensemble de sa vie aux questions que le monde vous a posées:
Qui es-tu?
Qu 'as-tu fait? ..
A qui es-tu resté fidèle? "
    SANDOR MARAI, Les Braises

On aime imaginer la  voix éraillée de Pete Seeger, accompagné de son seul banjo, importunant à présent de ses questions dérangeantes les anges du paradis. L'homme s'est éteint hier, pas sa légende, tissée d'une interminable histoire de démêlés avec le FBI, de listes noires, d’exclusion de la télévision pendant 15 ans, d’interdictions, de peine de prison (en 1961 finalement annulée) pour appartenance au parti communiste.. en 1940 , d'attaques physiques, d’émeutes contre lui, de lutte contre la guerre du Vietnam pour donner naissance à une longue succession de mélodies qui ont structuré la jeunesse américaine. Qui n’a chanté We shall overcome, Turn, turn, turn (sur des paroles tirées de l'Ecclésiaste!) , Michael row the boat, Black is the colour, If I had a Hammer, Where Have All the Flowers Gone ?…  Qui ne se souvient de cette scène émouvante au Lincoln Memorial à Washington, après que le président élu Barack Obama eut terminé son discours par le rituel obligé "God Bless America" ("Dieu bénisse l'Amérique"): Bruce Springsteen, le rocker col bleu, appelle sur scène Pete Seeger, son aîné âgé de 90 ans. Et celui-ci, le banjo en bandoulière, la voix un peu écorchée mais le tempo toujours vif, entonnant This land is your Land, le plus célèbre refrain du folk song américain. La chanson avait été composée en 1940 par Woody Guthrie, pour répondre à une autre chanson célèbre de l'époque, God Bless America,  dont il détestait les paroles mièvres et patriotiques.  Comme le souligne le New York Times, la longue vie de celui qui fut la conscience de l'Amérique témoigna "du pouvoir de la chanson et de la culture pour donner un coup de pouce à l’histoire».


"Ce pays notre pays
Ce pays est mon pays
depuis la Californie jusqu’à la presqu’île de New York
depuis les forêts de Redwood jusqu’aux eaux du Gulf Stream
ce pays a été fait pour toi et pour moi.

Et j’ai marché sur tous les rubans des routes
Au dessus de moi j’ai vu les chemins infinis du ciel
Au-dessous de moi j’ai vu les vallées dorées
ce pays a été fait pour toi et pour moi.

J’ai erré et vagabondé, j’ai suivi mes pas
jusqu’aux sables étincelants et leurs déserts de diamants
tout autour de moi une voix résonnait
ce pays a été fait pour toi et pour moi.

Quand le soleil vint à briller, je me promenais
et les champs de blé ondulaient, et les nuages de poussière tanguaient,
quand la brume s’est levée, une voix a psalmodié,
ce pays a été fait pour toi et pour moi.

Un matin ensoleillé et clair, dans l’ombre du clocher
j’ai vu mon peuple dans les bureaux de la charité
et ils se tenaient là affamés, je me tenais là me demandant si,
ce pays a été fait pour toi et pour moi.

Par un haut mur d’enceinte, ils ont voulu m’arrêter
quand je marchais vers mes chemins de liberté,
personne de vivant ne pourra me faire rebrousser chemin,
ce pays a été fait pour toi et pour moi.

Paroles ajoutées par Pete Seeger :
 Sans doute avez-vous travaillé aussi dur que vous le pouviez
Mais vous avez à peine droit aux miettes des tables des riches
et sans doute vous pensez que c’est vrai ou inventé
rebrousser chemin,
ce pays a été fait pour toi et pour moi.

Pays des bois ou des herbes et des rivages des rivières
pour chaque être vivant, même les microbes
Nageoires, fourrures ou plumes, nous sommes tous ensemble ici
ce pays a été fait pour toi et pour moi."



Lu dans :
Laurent Gaudé. Ouragan. Actes Sud 2010. Babel n° 1124. 190 pages. Exergue.
Ce pays est mon pays, paroles de Woody Guthrie, vers supplémentaires de Pete Seeger,  © 1958

27 janvier 2014

Etranges rencontres dans un métro un matin


"Hier, j'ai vu un des mes livres entre les mains d'une femme. Elle était assise dans le métro, ses doigts serraient les pages pour les immobiliser et les tournaient délicatement. J'ai compris hier que les livres ont un sort meilleur que ceux qui les écrivent. Gardés dans les bras, emportés en voyage, peut-être sur une île du Sud ou sous une tente en montagne, fixés avec intensité par deux yeux qui feraient aussitôt baisser les miens. Oui, les livres prennent du bon temps, bien plus que ceux qui les écrivent. (..) Les mots que j'ai écrits ne sont plus à moi, ils sont devenus les siens. Elles les a voulus, en pêchant justement ceux-là dans le grand bazar des livres. Elle les a payés avec de l'argent prélevé sur d'autres dépenses, en se passant d'une bouteille de vin, d'une séance de cinéma, d'un concert. Ils ont pour elle une valeur ajoutée, celle de remplacer des choses plus agréables qu'un livre. Et maintenant, là sur ses genoux, feuilletés par une légère caresse, ses cheveux retombant dessus. Les pages ainsi prises et tenues sont les siennes, beaucoup plus qu'elles n'ont été les miennes."
    Erri de Luca
 
Souvenir, déjà ancien. Assis face à une inconnue dans le métro, je remarque qu'elle parcourt la dernière page du Journal du Médecin, et s'arrête sur un billet que j'ai écrit deux jours plus tôt. On y raconte l'histoire simple d'une petite patiente, maman à l'heure actuelle, me téléphonant en consultation pour annoncer l'arrivée du chien qu'elle attendait depuis des mois. L'inconnue paraît songeuse, à quelle enfance, à quel chien, à quelles vacances ce récit fait-il mémoire? Je garde le souvenir d'une conversation muette et étrange, associant trois personnes qui jamais ne se rencontreront sans doute, la lectrice, l'auteur du billet et la petite fille au chien, réunies une fraction d'éternité par leur seul imaginaire. 

Lu dans :
Erri de Luca. Le sort de l'écrivain, traduction Danièle Valin, copyright Libération 13/14 janvier 2006
En visite buissonnière. Noémi. http://entrecafejournal.blogspot.be/2014/01/en-visite-buissonniere-noemi.html

En visite buissonnière. Noémi.

Noémi à mal au ventre. Elle a aussi mal à la tête et ne s’endort que difficilement. Ses nuits sont peuplées de gnomes et d’ombres hostiles qui se réfugient derrière les tentures de sa chambre. Sa maman pense qu’un léger sédatif ferait l’affaire et s’inquiète d’une baisse de ses résultats scolaires. Noémi hoche la tête, regrettant le papa qu’elle n’a jamais eu, la maison peuplée d’animaux comme dans Martine à la campagne, le grand frère confident dont elle a fait son deuil.

L’examen clinique est banal, Noémi paraît s’excuser de me causer du souci en descendant de la table d’examen. Je prescris un poisson rouge, dont elle serait la seule responsable et qui prendrait place sur la table de nuit à défaut du chien qu’elle souhaite depuis toujours. Un long échange avec la maman me fait endosser le rôle d’avocat de la gent canine, sans vraiment la convaincre. Chacun se quitte, heureux d’avoir pu dépasser la fonction initialement attribuée en pareille circonstance: le sédatif pourra attendre.

Je reconnais la voix de Noémi au téléphone, interrompant ma consultation : « C’était pour vous dire que le chien est arrivé et que j’ai bien dormi, merci beaucoup. »  Je souris au vieux patient qui me fait face et qui a surpris des bribes de conversation: tout le bonheur du monde prend parfois la forme d’une petite fille en robe rouge qui promène son fox terrier sur le chemin.

Zénon .

26 janvier 2014

Vestiges


"Troublante histoire.
Comme je déposai des revues dans la poubelle des déchets recyclables, sur le trottoir, j’avisai en vrac au fond de celle-ci des objets d’acajou et de cuir, un plumier, un encrier, un sous-main, un porte-buvard, un coupe-papier, comme si un lettré du XIXe siècle de mes voisins avait jeté là la parure de bureau de son cabinet de travail pour s’offrir, je suppose, un ordinateur (ou d’abord peut-être une machine à écrire ?)."
E. Chevillard

Lu dans :
Eric Chevillard. L'autofictif. http://l-autofictif.over-blog.com/ Note 2153 du 26 janvier 2014

Fidèle comme un roi en France


"Elles, pas fières,
Sur leurs escabeaux en l'air,
Regard implorant, et ne comprenant pas tout,
Rétines et pupilles,
Les garçons ont les yeux qui brillent
Pour un jeu de dupes :
Voir sous les jupes des filles
Et la vie toute entière,
Absorbés par cette affaire,
Par ce jeu de dupes :
Voir sous les jupes des filles,
La, la, la, la, la..."
A. Souchon

J'aime la tendresse amusée d'un Souchon, façon bon peuple, dont l'oeil pétille à observer les princes qui nous gouvernent, "se pencher / tordre son cou / pour voir l'infortune / à quoi [leurs] vies se résument".

Lu dans:
Alain Souchon. Extrait de l'album : C'est Déjà Ça. 1993. Label : Virgin

25 janvier 2014

L'exil du merveilleux


"Hâte-toi
hâte-toi de transmettre
ta part de merveilleux."
René Char . Commune présence

A quel âge sort-on du merveilleux, de ces lieux inconnus qui étaient les nôtres avant d'avoir été mis au monde et dont nous nous souviendrons à l'autre bord du temps, soudain réveillés à ce qui arrive après la mort. A quel âge se met-on à vivre par habitude, sans plus trop se préoccuper des raisons d'être là ou de n'être plus là. A nous répéter à longueur de journée, par paresse ou par sécurité, ce que nous apprend l'immense rumeur de la rue, de la classe, des écrans, nouvelles en flux permanent que nous relaieront à notre tour sans vraiment y réfléchir. Ne serait-on vraiment raisonnables qu'avant l'âge que l'on dit de raison?

23 janvier 2014

L'eau des Maures

«Tu sais ... le Dieu des Français ... Il est plus généreux pour les Français que le Dieu des Maures pour les Maures! »
    A de Saint-Exupéry

"Voici des hommes qui n'avaient jamais vu un arbre ni une fontaine ni une rose, qui connaissaient, par le Coran seul, l'existence de jardins où coulent des ruisseaux puisqu'il nomme ainsi le paradis. Ce paradis et ses belles captives, on le gagne par la mort amère sur le sable, d'un coup de fusil d'infidèle, après trente années de misère. Mais Dieu les trompe, puisqu'il n'exige des Français, auxquels sont accordés tous ces trésors, ni la rançon de la soif ni celle de la mort. Et c'est pourquoi ils rêvent, maintenant, les vieux chefs. Et c'est pourquoi, considérant le Sahara qui s'étend, désert, autour de leur tente, et jusqu'à la mort leur proposera de si maigres plaisirs, ils se laissent aller aux confidences.
«Tu sais ... le Dieu des Français ... Il est plus généreux pour les Français que le Dieu des Maures pour les Maures! »
Quelques semaines auparavant, on les promenait en Savoie. Leur guide les a conduits en face d'une lourde cascade, une sorte de colonne tressée, et qui grondait:
- Goûtez, leur a-t-il dit.
Et c'était de l'eau douce. L'eau! Combien faut-il de jours de marche, ici, pour atteindre le puits le plus proche et, si on le trouve, combien d'heures, pour creuser le sable dont il est rempli, jusqu'à une boue mêlée d'urine de chameau! L'eau! A Cap Juby, à Cisneros, à Port-Étienne, les petits des Maures ne quêtent pas l'argent, mais une boîte de conserves en main, ils quêtent l'eau:
- Donne un peu d'eau, donne ...
- Si tu es sage.
L'eau qui vaut son poids d'or, l'eau dont la moindre goutte tire du sable l'étincelle verte d'un brin d'herbe. S'il a plu quelque part, un grand exode anime le Sahara. Les tribus montent vers l'herbe qui poussera trois cents kilomètres plus loin ... Et cette eau, si avare, dont il n'était pas tombé une goutte à Port-Étienne, depuis dix ans, grondait là-bas, comme si, d'une citerne crevée, se répandaient les provisions du monde.
- Repartons, leur disait leur guide. Mais ils ne bougeaient pas :
- Laisse-nous encore ...
Ils se taisaient, ils assistaient graves, muets, à ce déroulement d'un mystère solennel. Ce qui coulait ainsi, hors du ventre de la montagne, c'était la vie, c'était le sang même des hommes. Le débit d'une seconde eût ressuscité des caravanes entières, qui, ivres de soif, s'étaient enfoncées, à jamais, dans l'infini des lacs de sel et des mirages. Dieu, ici, se manifestait: on ne pouvait pas lui tourner le dos. Dieu ouvrait ses écluses et montrait sa puissance : les trois Maures demeuraient immobiles.
- Que verrez-vous de plus? Venez ...
- Il faut attendre.
- Attendre quoi?
- La fin.
Ils voulaient attendre l'heure où Dieu se fatiguerait de sa folie. Il se repent vite, il est avare.
- Mais cette eau coule depuis mille ans! ...
Aussi, ce soir, n'insistent-ils pas sur la cascade. Il vaut mieux taire certains miracles. Il vaut même mieux n'y pas trop songer, sinon l'on ne comprend plus rien."

Lu dans:
A. de Saint-Exupéry. Terre des hommes. Gallimard 1939. Folio 21. 183 pages. Extrait pp 86-87

Sagesse du rien


"Aujourd'hui je n'ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n'existent pas
ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leurs corps.
Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.
Ne rien faire
sauve parfois l'équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi pèse
sur le plateau vide de la balance."
    R. Juarroz

Lu dans:
Robert Juarroz. Treizième poésie verticale. Edition bilingue, traduction Roger Munier. José Corti 1993. Extrait pp.120/121

21 janvier 2014

Etre un havre


"L'homme bon est celui qui garde
telle l'auberge du chemin
l'eau pour l'assoiffé
pour l'ivrogne le vin."
    Antonio Machado

Avec Antonio Machado, rêver d'être cette simple auberge au bord des chemins de la vie. Un feu de bûches contre le frimas, une couette où poser sa tête, une table où apaiser sa faim, une cruche contre la soif, une jarre contre le spleen, sans se laisser obscurcir par les jugements ni la pitié. Etre celui qui se contente de s'asseoir à côté. 

20 janvier 2014

Le sablier du temps

"Si je fais couler du sable
De ma main gauche à ma paume droite,
C'est bien sûr pour le plaisir
De toucher la pierre devenue poudre,
Mais c'est aussi et davantage
Pour donner du corps au temps,
Pour ainsi sentir le temps
Couler, s'écouler
Et aussi le faire
Revenir en arrière, se renier.
En faisant glisser du sable,
J'écris un poème contre le temps."
    Guillevic

Lu dans:
Eugène Guillevic. Art Poétique 1985-1986. Gallimard. 1989. 192 pages.

Au loin les oiseaux


«Un vol d’oiseaux
Le monde continue
Déjà sans moi.»
    Eric Chevillard

Est-ce de trop scruter ces oiseaux dans le ciel qu'ils ont ce regard étrange, les patients hospitalisés que je vois le dimanche matin?
Ils nous regardent sans voir, absents de leur chambre, présents à leur seule solitude.


Lu dans :
Collectif. Eric Chevillard. Minuit. 2014. 118 p.

18 janvier 2014

Pourquoi ces traces de doigts sur le carreau ?

      "Il  ou  elle  écrit  autrement.  Pour  l'observer,  avec   admiration,  envoyer,  plus  rapidement  que je  ne  saurai   jamais  le  faire  de  mes  doigts  gourds,  des   SMS  avec  les  deux pouces, je les ai baptisés, avec la plus  grande tendresse que puisse exprimer un grand père,  Petite Poucette et Petit Poucet."
M. Serres
Il se raconte que la maîtrise du clavier pour envoyer des sms permet aux plus doués de le faire en gardant leur GSM en poche, sans possibilité qu'on le remarque. Il y avait les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, les athées et les croyants, les gentils et les méchants, les rats des villes et les rats des champs, il y a maintenant ceux ou celles qui - comme moi - d'un index gourd tapent «rzppelle ùoi" à grosses gouttes, et ceux ou celles qui envoient en quelques secondes à cinquante contacts leurs états d'âme ... ou les réponses correctes au questionnaire QCM censé évaluer leurs connaissances. Cours, cours, cher maître, le vieux monde est derrière toi : devant s'ouvre un territoire dont tu pourrais bien te trouver exclu définitivement. 

J'avais une prévention irraisonnée à l'idée de troquer mon vieux Nokia pour un smartphone. L'aisance avec laquelle mes petit-enfants, illettrés encore, s'en servent est parvenue à m'ébranler. L'assurance avec laquelle Aurore (deux ans) tient sa famille entière dans les mains, "feuilletant" du doigt l'iPhone parental afin de me présenter ses dernières photos a emporté ma décision: il est un peu tôt pour se faire larguer définitivement. Je la soupçonne de glisser par moment son index sur le carreau de la fenêtre, étonnée de ne pas voir changer le paysage.

Lu dans:
Michel Serres. Petite Poucette. Editions le Pommier. 2012.  84 pages

Envoyé de mon Samsung :-)

« Dans notre maison
une araignée
on va changer de maison.»
    Suzy

Lu dans :
L’autofictif. Eric Chevillard. http://l-autofictif.over-blog.com/
Collectif. Eric Chevillard. Minuit. 2014. 118 p.

17 janvier 2014

J'aime trop l'amour (suite)


"Le jour où nous sommes descendus à la réception d'un hôtel pour nous plaindre du lit, j'ai su que c'était fini."
Sagesse anonyme du Castor Astral. J'aime trop l'amour (suite)

Toute ressemblance... (..) politique récente .. fortuite (ndlr).

Lu dans:
Pilar Pujadas, illustrations Mélanie Rutten. Soit dit entre nous J'aime trop l'amour. Le Castor Astral - Escales des Lettres. 2014. 91 pages. Extrait p. 46. Ne sera disponible en librairie que le 6 février.

15 janvier 2014

Tendre poulette


"Mon canard, ma poulette, ma caille, ma cocotte, mon lapin. Toute la basse-cour y passe afin de rappeler à l'autre qu'il est dans un enclos bien délimité, celui de nos tolérances, de nos peurs de l'abandon. Nous l'aimons, oui, mais nous aimons moins sa liberté. Qu'on m'appelle mon hirondelle, mon cygne, mon aigle, mon goéland, et je resterai."

Sagesse anonyme issue d'un atelier d'écriture chez Francis Dannemark, débouchant sur un tonique petit ouvrage "Soit dit entre nous J'aime trop l'amour". C'est quand le 14 février?


Lu dans:
Pilar Ujadas et Mélanie Rutten. Soit dit entre nous J'aime trop l'amour. Le Castor Astral - Escales des Lettres. 2014. 91 pages

Main tenant


"Main tenant, adverbe de temps désignant, à la lettre, "la main" : maintenant, "tenant en main" et si je saisis mon portable, mon téléphone ou ma tablette je peux même dire : maintenant, tenant en main le monde."
Michel Serres

"Le monde, oui, puisque j’accède en tous lieux aux informations, à toutes les bibliothèques et à tout le savoir engrangé depuis l'antiquité, par internet et moteurs de recherche interposés. Par téléphone je peux contacter toute personne n'importe où dans le vaste monde. Jamais l'homme du commun, le vulgus pecum, n'a pu prétendre à pareille puissance. Jadis et naguère, seules des personnes rares ont pu dire cette phrase, à l'image d'Auguste, Empereur de Rome, de Napoléon ou du Roi Soleil. Or maintenant, je peux sans forfanterie dire "maintenant : je tiens le monde" et trois milliards au moins d'humains peuvent eux aussi prétendre la même chose. De quoi rêver à une rénovation de la démocratie ! Utopie me direz-vous et je vous répondrai qu'il n’y a de nouveautés dans l’histoire qu’en vertu d’utopies."

Lu dans:
Michel Serres. Petite Poucette. Editions le Pommier. 2012.  84 pages

14 janvier 2014

Equilibres


"Le rassurant de l’équilibre, c’est que rien ne bouge.
Le vrai de l’équilibre, c’est qu’il suffit d’un souffle pour tout faire bouger."
Julien Gracq, Le rivage des Syrtes


11 janvier 2014

Sagesse de Granek

"Ils cohabitent en moi (..)
Le passé le présent
Le futur et maintenant
L’illusion et le vrai
Le maussade et le gai
La bêtise la raison
Et les oui et les non
L’amour de ma personne
Les dégoûts qu’elle me donne
Les façades qu’on se fait
Et ce qui derrière est
Et les peurs qu’on avale
Les courages qu’on étale
       Pour tout ça je suis seul."
Esther Granek, Ballades et réflexions à ma façon, 1978

09 janvier 2014

Sagesse à glisser sous l'oreiller


"Je cherchais du sable
et j'ai embrassé la plage
je cherchais de l'eau
et je me suis épanché à la source
je cherchais l'amour
et t'ai trouvée."

08 janvier 2014

Guetteur d'aurore


" Oublier ce vieux monde ou l'ignorer.
Je n'ai pas de préférence,
mais si je suis ton père,
je te dois au moins ça :
Te laisser l'avenir. "
    C de Toledo

"Par sa simple présence, le nourrisson pose cette question les yeux fermés : sauras-tu me transmettre ta langue, et apprendre la mienne ?   Car c'est à la naissance, dans l'obscur face-à-face avec l'enfant, que se décide l'essentiel : notre capacité à faire rentrer la lumière, notre aptitude à accueillir la force de celui qui vient, et qui est l'avenir même. Et le refus d'un simple retour à la case départ. "
Un dossier du Soir évoque ce matin l'anxiété croissante des moins de vingt ans, une "quarterlife crisis" (crise du premier quart de l'existence) face aux choix qu'ils doivent faire pour s'insérer dans une société aux contours incertains, et présentée souvent avec morosité. Saurons-nous modifier le discours ambiant, ressassant sans fin les mêmes regrets comme corne de brume pour faire place à ces guetteurs d'aurore que sont nos plus jeunes?

Lu dans:
Camille de Toledo. Oublier, trahir puis disparaître. Seuil. La librairie du XXIe siècle. 2013. 224 pages
Jean Birnbaum. La force des fils. Le Monde du 3 janvier 2014
Violiane Jadoul. Les jeunes sont plus angoissés que leurs aînés. Le Soir mercredi 8 janvier 2014. pp.8,9

07 janvier 2014

Sagesse de la zwanze


"Pour moi tout est bon, mais si c'est pas un moka , j'en mange pas !."
Bossemans et Coppenole

Enervée, une patiente décrit sa mère en deux mots, citant l'inénarrable madame Coppenolle. On ne peut que rire, l'énervement est passé.

05 janvier 2014

Rendez-vous dans dix ans


"On s'était dit rendez-vous dans 10 ans
Même jour, même heure, même pomme
On verra quand on aura 30 ans
Sur les marches de la place des grands hommes
(..) C'est fou qu'un crépuscule de printemps
Rappelle le même crépuscule qu'il y a 10 ans
Trottoirs usés par les regards baissés
Qu'est-ce-que j'ai fait de ces années?"
    Patrick Bruel - La place des grands hommes

Un bébé nommé Léa pour bien commencer une année, belle épiphanie. Je connais son papa Kevin depuis sa naissance, il était chouette je m'en souviens bien. Et son grand-père Johnny, jeune adolescent vu la semaine d'ouverture de mon cabinet pour le plus horrible pied d'athlète (une mycose des orteils de sportifs, pour les non-initiés) que j'aie jamais vu. Et son arrière grand-père qui navigua récemment entre la vie et la mort, mais choisit la vie.  Et ses arrière-arrière-grands parents,- il était plombier, elle était couturière,- que Kevin n'a guère connus. Cela fait tout drôle d'être le médecin de cinq générations d'une même famille. Je suis ému en découvrant le petit répertoire téléphonique usé par les ans où à la page M on lit sobrement "médecin", et mon numéro de téléphone. On ne pratique guère le shopping médical dans ce genre de famille. Moment de grâce, vite dissipé. Je n'habite pas place des grands hommes, mais comme dans la chanson de Bruel, soudain me demande "Qu'est-ce-que j'ai fait de ces années?"

04 janvier 2014


"Voici que s'avance l'immobilisme, et nous ne savons pas comment l'arrêter."
Edgar Faure

Lu dans :
Franz-Olivier GIESBERT. Dictionnaire d'anti-citations pour vivre très con et très heureux. Cherche-Midi. 2013. 157 pages

02 janvier 2014

Besoins et désirs


"Adam Smith a mis en évidence un élément qui est au centre des théories récentes de la consommation, celles de sociologues comme Jean Baudrillard et Zygmunt Bauman : si celle-ci est motivée par des besoins, elle sera limitée, mais lorsqu'elle est mue par des désirs, elle est intarissable. La ligne d'arrivée ne se rapproche jamais. Vous ne serez jamais satisfait. "
Lars Svendsen
 
Lu dans:
Lars Svendsen. Work. Acumen Publishing 2008. Le travail. trad Léa Drouet. Autrement. 2013. 195 pages. Extrait p.161

01 janvier 2014

Sagesse des nations

« Chez les femmes, la double championne d’Europe néerlandaise Li Jiao (2007 et 2011) est tombée face à la Portugaise Fu Yu. Cette dernière retrouvera dans le dernier carré la Suédoise Li Fen, qui a battu la meilleure Européenne, Shen Yanfei (numéro 11 mondiale). L’autre demi-finale sera 100 % allemande, entre Shan Xiaona et Han Ying.»
  Compte-rendu des quarts de finale du championnat d’Europe de tennis de table. Journal L’Equipe. 13 octobre 2013.

On en sourirait si l'image dévastée de Lampeduza ne hantait nos souvenirs. Comme Benoît Bréville le suggère dans la dernière livraison du Monde diplomatique, tous les étrangers ne sont pas égaux quand il s’agit d’acquérir une nouvelle nationalité: un sportif de haut niveau, un riche entrepreneur ou un immigré surqualifié gardent infiniment plus de chances qu’un réfugié désargenté de se voir attribuer un nouveau passeport.

Lu dans :
Benoît Bréville. Pourquoi vous ne deviendrez jamais chinois. Le Monde diplomatique. Janvier 2014

L'an neuf


"Les conséquences de ce qu’on ne fait pas sont les plus graves."
Marcel Mariën

On imagine le grand Jacques esquissant au lever d'une nuit d'insomnie les paroles d'un texte qu'il baptise - faute de mieux - "le plat pays". Il se ravise, froisse le papier escomptant que cela n'intéressera pas grand monde, et se recouche. Une oeuvre est morte. 

Je vous souhaite un bon début d'année, plein de ces résolutions qu'enfin on réalise
CV