24 mai 2014

A Grenade une grenouille

« L'Alhambra ! l'Alhambra ! Palais que les génies
Ont doré comme un rêve et rempli d'harmonies.
Forteresse aux créneaux festonnés et croulants
Où l'on entend la nuit de magiques syllabes,
Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes,
Sème les murs de trèfles blancs. »
         Victor Hugo

Perdue sur un nénuphar d'une pièce d'eau du palais d'été des princes Nasrides, une grenouille coasse attirant sur elle seule l'attention des touristes. Le contraste entre son vacarme et le silence des jardins, la solitude des palais déshabités, le bruissement des fontaines, le rugissement étouffé des Lions de pierre dans la cour homonyme pourrait suggérer une lointaine réincarnation d'Al-Ahmar le rouge répétant à l'envi que toute cette magnificence est la sienne. Tant de gloire passée et tant de vanité présente donne de la chair aux vers de La Fontaine: "La grenouille s'enfla si bien qu'elle creva / le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages / tout petit prince a des ambassadeurs / tout marquis veut avoir des pages."  Ce dimanche on élira nos représentants, le matin encore mendiants, le soir déjà empereurs. On leur souhaite un discours modeste comme le bruissement de l'eau et la dignité des Lions en pierre.

Lu dans:
Victor Hugo. Orientales. XXXI (Grenade) Livre III.
Jean de La Fontaine. La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Livre 4, fable 3.

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