27 février 2013

Les erreurs bénéfiques


"Gagner aux échecs, c'est simple: la victoire appartient à celui qui commet l'avant-dernière erreur."
 Daniel Tammet

Où comment, au terme d'une démonstration étourdissante, un mathématicien autiste savant nous apprend que la supériorité d'un vainqueur aux échecs "consiste à commettre des fautes de meilleure qualité que ses concurrents. Une erreur gagnante n'est pas le fruit d'une décision irréfléchie, d'un manque de curiosité, ou de la lâcheté. Elle ressemble bien davantage au lapsus heureux d'un écrivain ou d'un peintre, qui introduit soudain des possibilités imprévues dans une page ou dans un tableau, ce que ne peut la meilleure machine."  

Lu dans:
Daniel Tammet. L'éternité dans une heure. Les Arènes. 2012. 304 pages. Extraits p.241.

26 février 2013

Le programme c'est l'image


"Le programme c'est Nanar. Les gens y veulent plus de programme, y veulent des bonshommes."
Les Guignols de l'info.

Confier son sort à un ex-comique (comme le qualifie avec sobriété Le Monde) et à un bonimenteur qui rase gratis? Tout est désormais possible au royaume de l'image, et nous y sommes. Certaines phrases et assertions glanées dans les programmes de la dernière campagne d'Italie donnent toutefois froid dans le dos, tel le raccourci saisissant attribuant la raison de tous les problèmes de la péninsule à l'Allemagne. Apprendre la langue de cette dernière nous apprendrait pourtant qu'il y plus qu'une nuance entre le "gegenlachen" (rire contre), le "mitlachen" (rire avec, rire ensemble) et le "mitleben" (vivre ensemble). 

24 février 2013

La dimension éthique de l'absence de nombres


"La simplicité des mots utilisés pour compter n'est pas qu'une question de langue, elle revêt aussi une dimension éthique."
Daniel Tammet.

Dans leur langue les Kpelle, tribu du Liberia, n'ont pas de mot correspondant au concept abstrait de nombre. Il existe des mots pour compter, mais qui sont rarement employés au-delà de trente ou quarante. Pour les Kpelle, compter les gens porte malheur. En Afrique, ce tabou est aussi ancien que répandu. Il est partagé également par les auteurs de l'Ancien Testament, pour qui le dénombrement des humains est un acte de mauvais goût.  Dans l'un de ses textes, le romancier nigérian Chinua Achebe se plaint de ces Occidentaux qui lui demandent: « Combien d'enfants avez-vous?» À une question aussi impertinente, "mieux vaut répondre par un silence réprobateur." (..) Il y a plusieurs décennies, on apprit qu'il existait dans la forêt pluviale amazonienne une tribu d'Amérindiens qui ignorait entièrement les nombres. Ils s'appellent Pirahâ ou Hi'aiti'ihi, ce qui signifie « les gens droits ». La population se nourrit de manioc, de poisson cru et de fourmilier rôti. Dès l'aube, les femmes quittent les huttes pour aller cultiver le manioc et ramasser du petit bois, tandis que les hommes partent chercher du poisson en amont ou en aval de la rivière. Ils peuvent passer la journée entière à scruter l'eau, munis d'un arc et de flèches. Faute de moyens de stockage, toutes les prises sont consommées vite. Les Pirahâ répartissent la nourriture de la façon suivante: chaque membre reçoit "une belle portion" dans un ordre aléatoire jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Si certains n'ont toujours pas été servis alors ils demandent à un voisin plus chanceux de partager. Le processus se termine seulement quand tout le monde est rassasié." 

Autres continents, autres cultures. Partant du principe que «les nombres dans leurs divisions et complexités sont utiles à tout », Platon proposa de limiter sa cité idéale à exactement 5 040 familles de propriétaires terriens. Pourquoi 5040? C'est ce que les mathématiciens appellent un «nombre fortement composé », parce qu'il peut être divisé de plusieurs façons. En fait, il existe pas moins de soixante possibilités de division, notamment par tous les nombres de un à dix. 5 040 peut aussi être divisé par douze. Platon répartit le total des familles en douze tribus, chacune composée de 420 familles. Bien qu'interdépendantes, les tribus sont fixes et autosuffisantes, comme les mois de l'année solaire. Le recours à des nombres fortement composés facilite la subdivision des terres et des biens entre les citoyens. Dans chaque tribu, chaque famille reçoit une surface de terre égale, en commençant par le centre de la ville et en s'éloignant peu à peu vers la campagne. La cité répartit équitablement la fertilité de son sol: la moitié de chaque lot inclut le sol le plus riche, tandis que l'autre moitié se compose du sol le plus pierreux. " (..) Platon imaginait que ces limites garantirait l'égalité et la sécurité de chaque citoyen. Mais on peut aussi imaginer que la cité de Platon aurait encouragé exactement le genre de mesquinerie entre voisins qu'entraînent souvent les calculs exacts.  


Lu dans:
Daniel Tammet. L'éternité dans une heure. Les Arènes. 2012. 304 pages. Extraits p.38, 40, 112, 113

Temps long, temps court


"Le quotidien est tel une herbe que vous brûlez jusqu'à la racine et qui lentement reprend, se fraie un chemin à travers la nuit, puis brusquement fleurit ".
Jón Kalman Stefánsson

L'homme pris dans le cours des temps, longs et courts, le temps qui passe, qui est passé, qui revient, qui se répète .   "Ce jour, comme les autres, je l'ai vécu une fois, et cette fois, cette unique fois, est la seule chose qui le rende semblable aux autres. Mais d'où vient que le semblable me fasse oublier l'unique ?" (B. Noël)" Sur ce fleuve de jours qui s'écoulent vogue notre existence vers un estuaire commun, déjà décrit par Dante pour le dernier voyage dUlysse: "Mes compagnons et moi, nous étions vieux et lents." (Dante) Au terme de son périple, l'homme, quelle qu'ait été son histoire n'est conscient que d'une chose : le temps a passé.  

 
Lu dans
Jón Kalman Stefánsson. Le Coeur de l'homme (Hjarta Mannsins). Traduit de l'islandais par Eric Boury. Gallimard. 2013. 456 p.

22 février 2013

Grandir


"Éric avait grandi; quelque chose en lui s'était élargi. Il ne serait peut-être pas comme elle privé de parole, incapable de dire au bon moment, et de se faire comprendre, au plus près au plus serré; il ne serait peut-être pas tout à fait incapable de vouloir, de saisir, d'attraper le pompon pour gagner un tour de manège supplémentaire. Elle avait secoué la tête et s'était levée pour chasser cette image brusquement surgie d'Éric enfant, à trois ou quatre ans, agrippé à une moto jaune, effaré et presque en larmes, yeux soudain immenses bouche tremblante, devant la bestiole de peluche que la dame du manège agitait à sa portée parce qu'il était le plus petit, et si sérieux et si fervent."
Marie-Hélène Lafon
"Elever" nos enfants, les rendre capables de "prendre la parole", de se faire comprendre, de vouloir par eux-mêmes, de saisir la peluche sans aide ne nous a pas été enseigné. Seule demeure l'improbable démarche de l'essai / échec / réussite et l'énoncé de ces phrases simples, nées au tréfonds de nous et soufflées à l'oreille de nos enfants:  "Il faut gravir ce temps. Ton père t'épaule" (Paul Celan). Ou la pédagogie en peu de mots.    
  
Lu dans:
Marie-Hélène Lafon. L'Annonce. Gallimard 2009. Folio 5222. 152 pages. Extrait p.144

21 février 2013

Histoire de Lila et Tom


"Lila et Tom, par exemple.
Elle ne l’était pas foncièrement
il peinait lui-même à l’être.
Ensemble, ils ne le furent pas du tout.
Heureux."
                            Monique Proulx

Les cruciverbistes s'amuseront sans doute de ce qui ressemble à une définition de "maux croisés".
Pas tous, s'ils s'y reconnaissent. 


Lu dans:
Fabien Déglise. 25 histoires, 25 auteurs en 140 ca. Le Devoir. 2013. 34 pages. Extrait p.14

20 février 2013

Le corps silencieux


"Quand tout va bien, le corps est l'oubli du corps."
B. Noël

Il a eu mal, il a eu peur, n'a pu se déplacer durant deux semaines. Se nourrir lui était difficile. Ce matin, assis à la table de son bistrot, il lit le journal, commente le match de la veille, boit sa bière à petites gorgées fraîches. Le bonheur sans extase est aussi du bonheur 

 
Lu dans:
Bernard Noël. Le livre de l'oubli. P.O.L.  2012 75 pages. Extrait p.11

19 février 2013

On devient ce dont on se nourrit

Lumières du soir


"Lumière du soir : les choses rendent du soleil au soleil absent."
B. Noël
On comprend soudain mieux pourquoi on dit de certains êtres qu'ils sont "au crépuscule de leur vie": ils réverbèrent la lumière quand la lumière a disparu. Comme la luciole, ou le ver luisant, mais une lumière d'intériorité. Me revient ce soir le récit que font Jean-Pierre et Rachel Cartier de leur dernière visite à Graf Dürckheim, retiré dans sa Forêt-Noire. « Oh ! vous savez: je ne vois presque plus, je n'entends plus guère, j'ai une jambe qui me tracasse, je perds la mémoire mais tout va très bien tout de même. » Il avait plus de 90 ans, souffrait de ce que ses facultés ne soient plus ce qu'elles avaient été mais demeurait un homme intact. Derrière l'homme fatigué veillait l'homme de lumière que rien ne pouvait atteindre. "Nous étions déjà installés sur nos petits bancs lorsqu'il est arrivé ce matin-là après avoir gravi seul l'échelle de meunier très raide qui menait au dojo. Il s'est installé en face de nous, bien droit dans son fauteuil, il a fermé les yeux et, pour nous, le temps a cessé d'exister. Nous avons compris ce jour-là ce qu'était vraiment le rayonnement d'un être réalisé." 


Lu dans:
Bernard Noël. Le livre de l'oubli. P.O.L.  2012 75 pages. Extrait p.37
Jean-Pierre et Rachel Cartier. Prophètes d'aujourd'hui. Albin Michel. Espaces libres. 1988. 340 pages. Extrait p.4

Sagesse de Jean Vanier


"Le bonheur tient dans la beauté de soi que l'on surprend dans le regard de l'autre."
Pascale Tison

La journée s'annonçait commune, la vie sait nous surprendre. Un patient quinquagénaire téléphone à l'heure du répondeur pour laisser un message, tellement heureux que je décroche: "J'ai un emploi depuis ce matin, et voulais simplement vous l'annoncer." Il racroche, la voix nouée, moi aussi. Y succède un appel en urgence dans les minutes qui suivent pour un patient "connu de toujours", un homme de qualité, qui sera hospitalisé dans un état critique et décédera à son arrivée à l'hôpital. On se prend à feuilleter mentalement les pages de 40 années communes, pour s'apercevoir que le temps a passé. Pendant la consultation après midi, un coup de fil de la mairie d'Aubrac dans le sud pyrénéen annonce le décès au terme d'une courte mais pénible maladie d'une patiente partie il y a 15 ans rejoindre un amour de jeunesse. Retrouvailles flamboyantes, rapidement ternies par une démence précoce de l'ami retrouvé. Restée sans aucune famille, elle a demandé qu'on me prévienne et me fait envoyer cinq livres qui furent ses lectures de chevet, ainsi que quelques lettres personnelles qu'elle ne souhaite pas voir dispersées en brocante. Emotions diverses, qui ne me laissent pas de marbre: quand j'ai choisi d'être docteur, je ne pensais pas que tout cela figurait au programme.

Le jour se termine sur une première: une rencontre avec Jean Vanier, personnage immense et effacé, "qui est le plus loin en avant et se tient le plus en retrait" (*) selon l'expression consacrée. Il vient parler de la tendresse inséparable de la sagesse, notant qu' "aimer c'est dire à l'autre qu'il est plus beau qu'il ne le pense lui-même." Usant de mots simples, en moins d'une heure ce vieillard sage m'a transmis les clés de lecture sur les questions sans réponse qui m'ont habité durant cette journée. Je quitte le Square en solitaire, bien avant les vivats coutumiers à ce type de conférence afin de me préserver un bout de rencontre avec moi-même. Une journée de plus se termine, demain j'en aurai tout oublié sans doute, c'est bien ainsi. 

Lu dans:
Pascale Tison. Gabriel Belgeonne (Illustrations). La joie des autres. Ed. Esperluete. 2003. 103 pages
(*) Heidegger, évoquant Paul Celan

17 février 2013

Sagesse des ex


"Etre ancien ministre, c'est monter à l'arrière d'une voiture et s'apercevoir qu'elle ne démarre pas"
François Goulard.

François Goulard fut ministre-délégué à la Recherche sous Dominique de Villepin. Une phrase qui lui a valu de décrocher, le 8 octobre 2012, le prix Humour et politique. D'autres que lui firent l'expérience douce-amère d'un retour à la vie normale plus brutal qu'ils ne l'auraient imaginé. On se souvient de cette photo de Wilfried Martens attendant seul son train pour Gand au terme de treize années au poste de Premier ministre, de l'interpellation d'une passante croisant Alain Juppé en rue un sac de provisions à la main "vous portez vos courses vous-même maintenant?", de l'étonnement de Laurent Wauquiez, ministre de la recherche sous le gouvernement Fillon III confronté soudain à la nécessité d'enregistrer billet de train ou d'avion comme tout le monde, et n'ayant soudain plus accès aux dépêches de l'AFP sur son BlackBerry. Tel autre avoue ne plus savoir comment envoyer un courriel, et s'étonne des temps d'attente au téléphone pour obtenir un simple rendez-vous médical attribué six semaines plus tard. Brice Hortefeux se souvient ainsi que la première chose qu'il a faite en sortant du ministère de l'intérieur fut de s'accorder une petite balade jusqu'à la rue La Boétie, où se trouvait alors le siège de l'UMP. Une courte distance, mais qu'il ne parcourait jusque-là qu'en voiture. "Je me suis arrêté devant la vitrine d'un antiquaire. C'était la première fois depuis des années que je regardais vraiment un magasin." Comme l'écrit avec humour Patrick Rambaud, "que c'est dur de n'être plus rien quand on s'est cru presque tout."


Lu dans:
Vanessa Schneider. Il y a une vie après le pouvoir. M le magazine du Monde. 12 octobre 2012. 

Les galets de la mémoire


"Je regarde une pierre : elle ne contient qu'elle-même... J'écris sur elle maintenant. Je la jette dans la mer."
B.Noël

Galets d'Ouessant et d'ailleurs, si vous pouviez parler, que d'amours narrées, de voyages imaginés et de rêves entamés, polis par l'usure du ressac et du varech. On écrit chacun un bout de notre histoire sur des cailloux, jetés dans le temps et dans l'espace pour échapper à l'oubli. L'art est né ainsi.  

Lu dans:
Bernard Noël. Le livre de l'oubli. P.O.L.  2012 75 pages. Extrait p.40

16 février 2013

De Saint Valentin à Saint Honoré


« Tu l’as attendu au bout du quai pendant des heures. Il ne s’est jamais pointé. Ce que tu as rêvé ne tenait plus. Tu as dû tout recommencer ».
                Fabien Deglise

Ce devait être LA Saint Valentin de son existence. Ce ne fut qu'une déception de plus, la confortant dans son image de pas-de-chance. Elle a acheté un saint-honoré chantilly, kirsch,caramel arrosé d'un verre trop grand de cointreau, zappé sur Vive la colo et cherché vainement le sommeil. A l'aube, le courage d'affronter les collègues et autres récits énamourés lui a manqué. Elle éprouvait un fond de migraine. Je lui fournis un justificatif, limite complaisant dirait l'Ordre, sans trop d'état d'âme. La frontière entre maladie et souffrance est ténue.

15 février 2013

Mammas


"Tout cela est venu aussi avec l'âge. Avec la vieillesse, il y a moins de pressions, moins de responsabilités, et d'un coup une grande liberté à laquelle je ne m'attendais pas. "
Isabella Rosselini.

Star de cinéma, modèle égérie de la marque Lancôme, désormais sexagénaire Isabella Rosselini retourne à ses premières amours : les animaux. La fille de l'actrice suédoise Ingrid Bergman et du réalisateur italien Roberto Rossellini voit ainsi l'occasion de réaliser des rêves d'enfant.  A quelques jours de son envol pour le Festival de Berlin où elle a présenté en avant-première cette semaine " Mammas " série scientifico-comique sur les comportements animaux, l'actrice dynamite les idées reçues sur la maternité. Cette femme distinguée évoque avec bonheur sa nouvelle vie, une vie à mille facettes où se côtoient Charles Darwin, Robert Redford, la primatologue Jane Goodall et le conteur et scénariste Jean-Claude Carrière. Une vie d'étudiante (depuis trois ans). Une vie de campagnarde qui apprend à guetter dans la nature les indices des changements de saison (depuis six ans). 

 
Sandrine Cabut. Isabella Rossellini, éthologue modèle. Le Monde 9.2.13. Cahier Science&techno. p.7.

13 février 2013

Passeurs de lumière


" Je passerai       comme un nuage sur les vagues.
Peut-être, bien que nous changions,    
que nous volions les uns après les autres,      si vite, si vite,
sommes-nous aussi successifs et permanents,
nous, êtres humains     à travers lesquels passe la lumière.                  
Mais quelle est cette lumière? "
Vendredi 4 janvier 1929. Virginia Woolf

S'imprégner de la fugacité de notre passage ici-bas est un exercice ordinaire quand on tutoie la mort au quotidien, comme le médecin en a le privilège. "Poussière qui retourne à la poussière", à travers laquelle passe la lumière, scintillante quand la brume la filtre. Nous sommes des passeurs de lumière, et même après ma mort il me plait d'imaginer qu'au fond de mes orbites on verra le jour d'un regard sans limite.  

Lu dans:
Laurent Georjin, Anne-Marie Finné. Portraits en forme de nuage qui passe. Ed. Esperluette. 2009. 95 pages. Exergue. 

12 février 2013

Les cristaux, pareils aux humains


"Ce sont leurs défauts qui les rendent intéressants. "
Charles Frank

"Par cette boutade, le physicien anglais Frederick Charles Frank (1911-1998) énonçait l'importance du rôle des imperfections d'un matériau sur ses propriétés. Par exemple, la couleur des pierres précieuses est due à de très faibles quantités d'impuretés qui les distinguent d'un cristal pur. En physique des matériaux, les défauts sont des déviations par rapport à une structure idéale d'atomes régulièrement ordonnés, le cristal. Un premier type de défaut, la dislocation, est un écart local à l'empilement des atomes. Les déplacements de ces défauts de position sont à l'origine de la plasticité des matériaux et modifient leur résistance en traction, en flexion ou en compression. Cette mobilité explique la ductilité des métaux purs, utilisée dans les procédés d'emboutissage. Dans un alliage, en revanche, la mobilité des défauts est réduite ou bloquée, ce qui le rend moins déformable et plus résistant. En cas de choc, la propagation des dislocations permet à une pièce de résister à la rupture, car les déformations qu'elle induit absorbent l'énergie du choc. (..)  La fissure, séparation locale et abrupte dans la matière, est un autre type de défaut. Pour découper une plaque de verre, il suffit d'y faire une simple rayure à l'aide d'une roulette de vitrier. De même, une encoche dans une feuille de papier que l'on étire permet de la déchirer plus facilement (..)  ou une série de petits trous alignés (découper selon les pointillés !). En revanche, placer un trou à l'extrémité d'une fissure peut empêcher sa propagation, car, en répartissant les contraintes, il limite l'extension de celle-ci. Faire des trous ne fragilise donc pas toujours le matériau et lui permet parfois de mieux résister à la fracture tout en l'allégeant. Une roche poreuse est ainsi moins fragile qu'un morceau de verre qui a quasiment la même composition chimique. Pour moduler les propriétés d'un matériau, ce sont bel et bien ses défauts qui sont intéressants. " (R.Lehoucq. Les cristaux sont comme les humains.)

 
Lu dans:
Roland Lehoucq. Les cristaux sont comme les humains. Le Monde 9 février 2013. Cahier Science&Techno. p1.
Exposition Ruptures. Palais de la Découverte. Paris. A partir du 12 février 2013.

09 février 2013

Sagesse du vide


"La bouche qui parle demeure toujours vide: si elle ne l'était pas elle ne pourrait rien dire. "
B Noël 

Ainsi du moyeu de la roue, de l'espace vide que contient la jarre, de l'enveloppe de la montgolfière: la vie se dilate quand on lui offre le vide. Faire le vide en soi.

Lu dans:
Bernard Noël. Le livre de l'oubli. P.O.L.  2012 75 pages. Extrait p.24

07 février 2013


Je pourrais la manger !
cette neige qui tombe
si doucement, si doucement.
                Issa (1763 - 1827)

06 février 2013

La distance intérieure


"Je suis immobile. Un merle approche, me regarde, picore quelques miettes, puis se retire, très lentement. L'espace qu'il a d'abord rétréci, qu'il approfondit maintenant à mesure qu'il s'éloigne, cet espace est greffé à un autre, en moi : un volume d'attente, qui est aussi la confiance de l'oiseau."
 B.Noël
 
Lu dans:
Bernard Noël. Le livre de l'oubli. P.O.L.  2012 75 pages. Extrait p.18

Beauté éphémère

05 février 2013

Pensée légère


"Devant un sexshop, il y a un type qui tambourine sur la vitre et qui crie: « C’est un véritable scandale! Retirez-moi ça tout de suite! » Alors le vendeur sort et demande: « Retirer quoi? — Retirez la buée, on ne voit rien! »
Raymond Devos

Bon ce n'est pas du Montaigne, mais un peu de légèreté pour débuter la journée, que je vous souhaite bonne.
CV.
 
Lu dans :
Sauvy-Devos: Laissez-nous rire. Archives L'EXPRESS. 20/07/1984.

La fin du voyage


"Un jour arriva où la nymphe Calypso demanda à Ulysse d'accepter le don de l'immortalité pour qu'il reste pour toujours auprès d'elle sur l'île d'Ogygie. Ce jour-là, l'amour d'Ulysse s'éteignit."
Eugenio Scalfari.

Paul Salopek, grand reporter des enjeux de la planète, vient d’entamer un voyage de sept ans à pied à travers le monde pour le National Geographic. Début janvier, au moment de quitter sa maison au Texas, il a posté un tweet se demandant s’il devait prendre ses clés avec lui.  Question anodine et symbolique, qui renvoie à la quête éternelle d'Ulysse: il n'est de voyage sans retour. 

 
Lu dans :
Eugenio Scalfari. Par la haute mer ouverte. Gallimard. 2012. 322 pages. Extrait p. 64
Olivier Mouton. Sept ans à pied sur les traces de l’humanité. Le Soir. 31.1.13. p.17 

03 février 2013

De Rilke à Rugova


"A la terre en repos dire : pareil au fleuve je coule
à l’eau rapide dire : pareil au rivage je suis."
Rainer Maria Rilke

Un patient, proche d'Ibrahim Rugova avec qui il partageait l'amour de la littérature et du Kosovo indépendant m’a aidé à comprendre ces vers de Rilke. Ils donnent un sens à la destinée de l’homme qui refuse de s'endormir quand tous lui disent d'abdiquer de son combat, ou de se laisser dériver quand un courant défavorable l'emporte. Opposant en exil, il repose maintenant, vaincu par la maladie au terme d’une route courte par les ans, longue par la page qu’il a écrite. On ne meurt jamais tout-à-fait tant qu’on garde l’espoir.  

Le sable au coeur et aux semelles


"De ces milliards de grains de rêve
J'ai créé quelques mots simples,
En remuant toute cette plage de sable
Comme avec les mains des tempêtes,
Et je ne suis pas un poète
Mais un voyageur,
Qui erre au coucher du soleil parmi les dunes.
Bonsoir, la mer,
Ma route est longue,
Je m'en vais.
J'emporte tout dans ma valise, sauf cet air
Que je n'ai pu enlever."
Ismaïl Kadaré. Au bord de la mer

Je n'ai jamais entendu tant de prénoms aux sonorités inconnues que ces derniers mois, et ma salle d'attente bruisse d'idiomes étranges. Travailler, dur souvent, pour peu de chose, est leur réalité commune. Ils emportent tous l'espoir d'une existence meilleure pour eux et leurs enfants, et ont laissé derrière eux des parents âgés et l'air du pays natal qu'ils n'ont pu emporter, comme le chante Ismaïl Kadaré. Ils me font voir la chance d'avoir pu vivre sans arrachement. 

Lu dans :
Ismaïl Kadaré. Au bord de la mer. Les Poètes de la Méditerranée. Gallimard Poésie. 2010. 955 pages. 

02 février 2013


« Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche. »
Michel de Montaigne

01 février 2013


"Le hasard ne favorise que les esprits préparés."
Pasteur

Lu dans :
Christian de Duve. Sept vies en une. Odule Jacobs. 2013. 335 pages. Extrait p.192