19 février 2013

Lumières du soir


"Lumière du soir : les choses rendent du soleil au soleil absent."
B. Noël
On comprend soudain mieux pourquoi on dit de certains êtres qu'ils sont "au crépuscule de leur vie": ils réverbèrent la lumière quand la lumière a disparu. Comme la luciole, ou le ver luisant, mais une lumière d'intériorité. Me revient ce soir le récit que font Jean-Pierre et Rachel Cartier de leur dernière visite à Graf Dürckheim, retiré dans sa Forêt-Noire. « Oh ! vous savez: je ne vois presque plus, je n'entends plus guère, j'ai une jambe qui me tracasse, je perds la mémoire mais tout va très bien tout de même. » Il avait plus de 90 ans, souffrait de ce que ses facultés ne soient plus ce qu'elles avaient été mais demeurait un homme intact. Derrière l'homme fatigué veillait l'homme de lumière que rien ne pouvait atteindre. "Nous étions déjà installés sur nos petits bancs lorsqu'il est arrivé ce matin-là après avoir gravi seul l'échelle de meunier très raide qui menait au dojo. Il s'est installé en face de nous, bien droit dans son fauteuil, il a fermé les yeux et, pour nous, le temps a cessé d'exister. Nous avons compris ce jour-là ce qu'était vraiment le rayonnement d'un être réalisé." 


Lu dans:
Bernard Noël. Le livre de l'oubli. P.O.L.  2012 75 pages. Extrait p.37
Jean-Pierre et Rachel Cartier. Prophètes d'aujourd'hui. Albin Michel. Espaces libres. 1988. 340 pages. Extrait p.4

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