22 avril 2012

Le trésor des libraires


"Les libraires sont toujours à l'écoute de ceux qui se faufilent en leur jardin de livres."
F. Andriat.

"Il ajoute qu'il ne sait pas ce qu'il désire, qu'il est entré là par hasard, qu'il voulait respirer un coin hors du monde, qu'il désirait s'accorder un temps d'arrêt et que son seul souhait est de rester quelques instants en compagnie des livres. Elle lui répond par un sourire, retourne à sa lecture, le laisse gambader dans les allées de son merveilleux potager d'histoires. L'homme baguenaude entre les rayons, s'arrête sur une couverture, en effleure le drapé, en touche une autre et ses doigts glissent sur une douce pellicule de vernis mat, un peu comme sur une peau qu'on aime et qui s'étire sous le plaisir. Il poursuit son périple, avance de quelques mètres, saisit délicatement un ouvrage dont le titre l'attire, le retourne, parcourt d'un œil vif les lignes qui le présentent, le dépose, indécis; comment, si l'on n'éprouve aucune envie particulière, choisir en cette multitude de livres, celui qui rassasiera? Il lève la tête, pose les yeux sur elle et s'impose à lui une évidence: le livre qu'il achètera est celui qu'elle lit avec une assiduité délicieusement troublante. Pourquoi chercher parmi les ombres celui qui est vivant? Dans ce jardin de phrases, seul un texte vit et c'est celui qu'elle met en lumière par le regard qu'elle lui accorde."  

Hasard (?) des lectures, je découvre le délicieux ouvrage de Frank Andriat, une des plus belles plumes qu'il m'ait été donné de lire ces derniers mois, "La jolie libraire dans la lumière". Sa description d'une librairie du centre de Bruxelles offre un contrepoint superbe à la description proposée hier dans "Un libraire en colère" d'E.Delhomme. Même métier, deux visions: je n'ai pas résisté au plaisir de confronter le rageur "Je cherche un livre dont je ne sais ni le titre ni le nom de l'auteur" à la courte méditation littéraire qu'oppose Frank Andriat à cette question presque métaphysique: on ne découvre de trésor que par le regard des autres. Et le libraire demeure souvent ce regard. 
  
Lu dans:
Frank Andriat. Jolie libraire dans la lumière. DDB. Littérature ouverte. 2012. 146 pages. Extrait p. 12

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