25 février 2012

Cet inimitable goût d'authenticité

"Un milliardaire suroccupé se décide enfin à prendre des vacances. Il convoque son secrétaire particulier, lui confie que sa femme et lui souhaitent se retrouver sur une plage isolée de sable fin comme de la farine, d'une belle couleur ocre, devant une mer d'un subtil dégradé émeraude, sous un ciel bleu, certes, mais avec trois ou quatre jolis nuages qui en ôteraient la monotonie. Le secrétaire, après une difficile prospection, découvre une île des Bahamas où se trouve une unique et luxueuse maison. Il fait venir par une flottille de barges, le sable le plus fin et le plus ocre qu'on puisse trouver, achète deux tankers qui déversent des centaines de tonnes de colorants, transforment un bleu layette en vert émeraude soutenu et qui, par une suite de passages appropriés, créent un superbe dégradé. Un avion est chargé, la veille de l'arrivée du couple, de ponctuer le ciel de quatre nuages d'une fort jolie forme. Le milliardaire débarque en hélicoptère au jour dit, à l'heure dite, contemple le paysage, se retourne vers sa femme et soupire :
- La nature, au fond, il n'y a que ça de vrai. "
Lu dans : Pierre Hebey. Le goût de l'inactuel. Gallimard. NRF. 1998. 229 pages. Extrait p.213

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