31 mars 2011

Alors on danse

"La danse, c'est le mouvement du corps heureux."
Nietzsche
Amusant intermède durant ma tournée: frère et soeur, sept ans à deux ensemble, dansant leur Travolta de manière endiablée sur Summer Nights diffusé par Radio Nostalgie. Besoin de public n'a pas d'âge et ma présence inattendue a manifestement eu pour don de stimuler leur ardeur. On fait comment pour redevenir enfant?

Alors on danse

"La danse, c'est le mouvement du corps heureux."
Nietzsche
Amusant intermède durant ma tournée: frère et soeur, sept ans à deux ensemble, dansant leur Travolta de manière endiablée sur Summer Nights diffusé par Radio Nostalgie. Besoin de public n'a pas d'âge et ma présence inattendue a manifestement eu pour don de stimuler leur ardeur. On fait comment pour redevenir enfant?

24 mars 2011

La vie augmente

"Quand on nous dit:
la vie augmente, ce n'est pas

que le corps des femmes
devient plus vaste, que les arbres

se sont mis à monter
par-dessus les nuages,
..
Mais c'est, tout simplement
qu'il devient difficile
de vivre simplement."

Eugène Guillevic

Lu dans
Colette Nys-Mazure. L'eau à la bouche. DDB. 2011. 150 pages. Extrait p.81

23 mars 2011

Soudain un visage

"N'étant plus personne, j'étais enfin quelqu'un."
Yannick Haenel
Ceux qui fréquentent la sortie Drogenbos du Ring de Bruxelles l'identifieront sans peine: pauvre hère barbu au sourire édenté, les cheveux en pétard, faisant la quête entre les voitures. Je le vois depuis des mois mais ne saurais le reconnaître s'il changeait de carrefour: la misère possède un seul et même visage. La semaine passée, attendant que le feu passe au vert, mon attention fut attirée par un petit abri de fortune dissimulé sur un versant du talus à ma gauche: une bâche sans couleur, deux cordes, deux piquets. Une forme allongée s'y devine, un vieux vélo à ses pieds. L'inconnu du pont de Ruysbroek soudain s'identifiait, et laissait deviner ce que pouvait être son existence. Pas de réseau mafieux mais un sans-abri passant sa vie dans un triangle de dix mètres sur dix, réveillé par les bruits de voitures et nourri par l'aumône. On tente d'imaginer ce que fut sa vie antérieure, redoutant découvrir qu'elle ressemblait peut-être à la nôtre et l'enchaînement des circonstances malchanceuses qui peuvent amener un être humain à vivre dans une tanière.

Du cercle et de la cathédrale

"L'idée du cercle n'est pas ronde."
Spinoza
La correspondance entre un projet, sa réalisation et le concept qu'il devient me fascine. Revisitant Notre-Dame de Paris le mois passé, une foule d'admirateurs de toutes nationalités s'y pressent. Ils ont de la cathédrale, de ses origines et de ses formes, des défis architecturaux qui la sous-tendent, de la culture dont elle est issue, une connaissance plus précise que ses bâtisseurs. Mais notre époque est incapable de la bâtir.

20 mars 2011

D'une rencontre

"C'est ainsi que la vie commence. L'élément mâle rencontre l'élément femelle et se perd, se dilue en lui, tous deux perdant leur identité, leur individualité dans une individualité nouvelle où leur vie continue en cessant d'être la leur."

Un courrier amical de Bérengère Deprez suscite réflexion ... et réécriture de la pensée de ce dimanche:
"Sympa le "éventre", ça donne tout de suite le ton des rapports homme-femme. Quelle maladresse ! Il ne pouvait pas dire "rencontre", tout simplement ? Tu penses qu'une femme aurait écrit "C'est ainsi que le vie commence. L'élément femelle engloutit l'élément mâle" ? Comme disait Benoîte Groult, c'est quand on inverse les termes que certains ridicules sautent aux yeux..."

Déjà la kabbale notait avec sagesse que " Dieu gît dans les détails."

Je vous souhaite une bonne semaine. Le printemps météorologique commence ce lundi, tout s'ébroue. C'est aussi ainsi que la vie commence.

19 mars 2011

La dissolution des identités

"C'est ainsi que la vie commence. L'élément mâle éventre l'élément femelle et se perd, se dilue en lui, tous deux perdant leur identité, leur individualité dans une individualité nouvelle où leur vie continue en cessant d'être la leur."
T. Maulnier

Lu dans :
Thierry Maulnier. Les vaches sacrées. NRF Gallimard. 1977. 435 pages. Extrait p.116.

Taper sa pipe

« Pourquoi aurais-je peur de la mort, moi qui dors si bien ? »
Florence Gould
Ranger soigneusement ses lunettes, taper sa pipe encore chaude sur le bord du cendrier et la déposer doucement au creux de la rigole, placer un signet dans le livre qu'on interrompt pour en reprendre la lecture un jour meilleur. Se souvenir qu'on se disait adolescent que la vie était à prendre, adulte qu'elle était belle, et enfin qu'elle passait vite. Ecrire deux lignes sur un PostIt pour se souvenir de la journée, éteindre la lampe. On devrait partir ainsi.

17 mars 2011

Une fleur dans les cendres du camp

"L'ouvrage fourmille d'anecdotes ou de faits précis, certains bouleversants. Tel ce petit juif danois de 2 ans, malade dans le camp de Ravensbrück. Un médecin allemand, le docteur Treite, le soigne pendant plusieurs jours pour une diphtérie. Un jour, le médecin arrive ; il prend le petit garçon sur son genou gauche, l'ausculte attentivement avec beaucoup de douceur et de gentillesse, et il dit : « Bon, il est guéri. Il peut partir à Auschwitz. »
Lu dans:
Michel Reynaud et Germaine Tillion. L'Enfant de la rue et la dame du siècle. Ed. Tirésias. 2010. 336 pages.

All the world's a stage

Le monde est une vaste scène. La vie n'est qu'un "je".
William Shakespeare (*)
Peut-être. Le malheur qui accable le Japon aura néanmoins davantage fait progresser la conscience d'appartenir à un "nous" planétaire que tous les discours. Et la dignité de ses habitants interpelle le grognon qui sommeille en nous.

(*) "All the world's a stage,
And all the men and women merely players;
They have their exits and their entrances,
And one man in his time plays many parts,
His acts being seven ages."

As You Like It Act 2, scene 7, 139–143

Une neige en deuil

"Est-ce qu'on s'abritait tous des crachats du ciel? (..) J'étais sûre que si j'ouvrais la fenêtre j'aurais été salie des pieds à la tête."
V. Olmi. Bord de mer.
La neige a maintenant recouvert les décombres, sans parvenir à en dissimuler la désolation. Une neige hostile, peut-être mortelle, ajoute une couche de silence au silence. Vents contraires, pluie radioactive, neige contaminée, tous nos repères se voient brouillés. Seul rayon de soleil, le courage obstiné de ces sauveteurs fouillant les gravats, arrosant les brèches des centrales fumantes au prix de leur vie, marins terrestres sur des esquifs en déroute.

Lu dans.
Véronique Olmi. Bord de mer. Babel. Actes Sud 2001. 12& pages. Extrait p.84

14 mars 2011

Voir loin

" Presbyte: personne qui ne distingue bien que ce qui est éloigné".

Je découvre ce matin le rapport entre presbytère et presbyte. Issu du grec presbuterion, le premier est une assemblée d'anciens. Le second est un emprunt savant de presbutês, dérivé de presbus, vieillard, personnage important. Les choses ont changé. Nom ou adjectif, ce presbyte appartient désormais au jargon médical et s’applique à une personne qui ne distingue bien que ce qui est éloigné. De nos jours défaut visuel, qui apparaît surtout à la vieillesse, âge tenu pour vénérable dans l’Antiquité grecque. On peut imaginer que ce fut un jour une qualité ajoutée, proche de la perspicacité.

Lu dans:
En bons termes. Le Soir. 14 mars 2011. p.44

13 mars 2011

De la survie et de la perte

"Tous ceux qui survenaient et n’étaient pas moi-même
Amenaient un à un les morceaux de moi-même."
Guillaume Apollinaire. Alcools.
Perte de netbook n'est pas mortelle. L'achat d'un modèle comparable et la magie des sauvegardes me fait retrouver une semaine plus tard, inchangé, au domicile de mes patients l'environnement familier de leur fiche médicale. Tout est identique, néanmoins rien ne subsiste de l'ancien support: le gris métallisé a remplacé le noir, le clavier s'est élargi, l'écran a gagné en luminosité, tout est plus rapide d'accès. De l'immortel a transité par du mortel, comme nous le ferons.

A contrario, me revient le souvenir d'un ancien programme du même type, m'insatisfaisant, et que je détruisis en moins de quinze secondes, utilisant de longues années encore l'ordinateur qui le supportait et qui dort maintenant à la cave. Du mortel a transité par de l'immortel, comme une sonate de violon transite par un Stradivarius ou nos rêves fugaces qui s'estompent. Immatériel et matériel forment un couple étrange, que serait la pensée sans notre cerveau?

Nous mourrons et, bonne nouvelle, nous survivrons. On observe tous avec amusement nos gènes transmis, nos attitudes reproduites par l'un et l'autre, les éblouissements partagés et assimilés durablement par nos descendants et amis. Tous candidats à la perte de nous-mêmes un jour inattendu, comme mon netbook à la station Aumale, tous immortels pourtant, mais fragmentés sans recomposition possible car la vie nous survit en nous dilatant. Et je m'amuse soudain du sinuement de pensées que peut susciter dans une journée banale la perte d'un objet familier.

04 mars 2011

Mon père cet enfant

"Impossible d'être seul sur le chemin
Un vieillard te précède
un enfant t'accompagne
lui aussi te ressemble."
P. Mathy

Brève image de rêve, mon père au volant de ma voiture, portant mes habits. Mon frère, trois ans à nouveau, pousse la balançoire de ma petite-fille, ils chantonnent. On ne sait jamais vraiment où on se situe sur le chemin de la vie.

Lu dans:
Philippe Mathy. Un automne au creux des bras. Ed. L'herbe qui tremble. 2009. 104 pages. Extrait page 18

De la beauté quotidienne

"Un vaste anticyclone favorable s'étire de l'Irlande jusqu'en Ukraine, nous faisant profiter d'une journée très ensoleillée: soleil généreux et aucun nuage visible dans le ciel. La nuit, les étoiles seront dominantes, au détriment des nuages qui seront absents. "
La météo du 4 mars 2011. Le Soir. page 44.

Qui a dit que les journaux égrenaient les malheurs? Une poésie du quotidien se dissimule dans les rubriques les plus inattendues. Elle sait se renouveler chaque jour: demain, peut-être, description de la beauté sombre des nuages et du vent, avant la douceur de la pluie qui nous lave les yeux et le visage.

03 mars 2011

La résurrections des morts

"La Résurrection générale: des embrassades, et puis après tout de suite des reproches."
André Blanchard. Autres directions. Le dilettante.

Lu dans
La Libre Lire du 28 février 2011

02 mars 2011

Ainsi va la vie

"Heureusement la mémoire trie.
Elle sait les morts auxquels elle s'appuie, elle vit d'eux comme des autres vivants. (..)
Je peux fermer les yeux, j'aurai mon paradis dans les coeurs qui se souviendront."
Maurice Genevoix. Trente mille jours
Eblouissante Annie Girardot dans "Ainsi va la vie", émouvant film sur sa maladie d'Alzheimer. Il m'a fallu le "Huitième Jour" pour découvrir la trisomie 21, "Un Homme d'exception" pour la schizophrénie, Le scaphandre et le papillon" pour le locked-in syndrome... Je découvre ce soir, après l'avoir tant étudiée, qu'il y a une vie derrière la démence d'Alzheimer, des amitiés, des périodes de bonheur et un temps pour la reconnaissance. Une occasion aussi pour permettre à l'entourage, tout simplement, de révéler sa bonté et le meilleur que chacun abrite en soi.

Apprendre la médecine par les films qui traitent d'elles? Projet fou qui germe petit à petit en moi depuis quelques mois, sait-on jamais?


Film:
Ainsi va la vie. Documentaire de Nicolas Baulieu. 2007. TF1. 1 mars 2011, 23h15.