29 juin 2011

Quand la plume sèche au soleil

"C’est quoi, un livre d’été ? Un roman dans lequel on embarque illico, avec de l’aventure, de l’amour, du romanesque, du dépaysement, et un peu d’interrogation sur soi."


Un 30 juin est à la fois jour des projets et des souvenirs. Année après année, la magie est intacte mêlant l'instituteur au cache-poussière gris, les proms heureuses ou tristounettes, les coffres chargés à la hâte de bagages improbables, les champs dorés par un ensoleillement généreux, la page centrale de nos quotidiens consacrée au trajet du Tour de France, les fruits rouges et le vin rosé. Et l'une ou l'autre mauvaise nouvelle pour tempérer de trop grands enthousiasmes. Un signet dans le livre de l'année.

Je laisserai ma plume sécher au soleil, vous souhaitant de vivre un bon livre d'été, et à septembre si tout va bien.


Lu dans :
CAUWE LUCIE. Didier Decoin enchante l’été. Le Soir. Livres. Vendredi 24 juin 2011. Extrait page 37

28 juin 2011

On est perdus

"Dans le grand incendie cosmique, dans les milliards de milliards de navires en feu dérivant sur l'océan des galaxies, l'homme serait-il la seule réalité à qui l'univers soit manifesté et qui se manifeste à soi-même? "
T. Maulnier

L'extrait, dans sa grandiloquence un peu décadente, ne m'aurait jamais arrêté si un vieux patient, peintre en bâtiment, ne m'avait fait sourire cette semaine en me narrant ce qui l'avait "déçu durant au moins deux jours": la découverte lors d'une émission télévisée que notre galaxie était perdue parmi de nombreuses autres. "Je croyais qu'on était au centre de quelque chose, et si ce qu'ils disent est vrai, on est vraiment perdus." Deux jours de déception plus tard, rassurez-vous, il était revenu à des soucis bien plus prosaïques.


Lu dans:
Thierry Maulnier. Les Vaches sacrées. NRF. Gallimard 1977. 435 pages. Extrait p. 222

The Times They Are A Changing :

"Le vieux monde est brisé, préparons les vaisseaux."
Max Jacob

Signe des temps, l'appel de Max Jacob aux relents de Marseillaise aurait pu être repris par Bob Dylan durant les sixties. Actuellement, la chute des bastions du vieux monde s'accompagne plutôt d'une flotille d'embarcations surchargées de réfugiés vers Lampedusa ou autres criques avancées de la communauté européenne où elles iront faire naufrage. Les vaisseaux ont perdu de leur superbe.


Max Jacob est cité dans:
Jean-Paul Kauffmann. Courlande. Fayard 2009. Le Livre de poche. 32230. 316 pages. Extrait p. 30.

26 juin 2011

Sagesse d'Amin Maalouf

«L’amour se nourrit de patience autant que de désir.»
Amin Maalouf - Le Périple de Baldassare

24 juin 2011

Qui suis-je

«L'identité n'est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l'existence.»
Amin Maalouf - Les Identitées meurtrières

Amin Malouf a été nommé à l'Académie française, un choix qui honore l'institution autant que l'heureux élu.

23 juin 2011

Mauvaise rencontre

"Nous avons habité tous deux
les mêmes lieux la même ville
le même temps le même corps
la même guerre (..)
mais vous vous avez survécu

Excusez-moi dis-je à voix basse
je ne m'étais pas reconnu."
Claude Roy
La journée qui s'annonçe belle, finira-t-elle bien? Il suffit parfois d'un rien pour que le miroir du soir reflète un visage que ne reconnaît nullement celui du matin. On porte tous la crainte de ces jours-là.


Lu dans:
Claude Roy. Le voyage d'automne. NRF. Gallimard. 1987.113 pages. Extrait p.88

21 juin 2011

Revoici le bel été

"Indien au Canada, pourri quand il est frais, revoici le bel été."
Sagesse des cruciverbistes

Eté, été? J'ai toujours été fasciné par ce mot étrange qui signifie à la fois "être d'un autre âge" et la saison de la vraie vie, des blés qui croquent, des soirées interminables et des soleils d'or à la Van Gogh. Il y a 32 ans la nuit la plus courte de l'année déboucha sur la naissance de notre deuxième garçon, l'été commençait bien. La promesse des fleurs donna de beaux fruits et depuis j'aime aussi l'automne.

19 juin 2011

Le déchet d'un autre

"L'essence, issue du pétrole, réputée fort dangereuse, restera déchet sans valeur jusqu'à l'avènement de l'automobile."
(Wikipédia. Histoire du pétrole).

L'histoire fait sourire et évoque le caoutchouc "inutilisable en raison de son élasticité". Quinze millions de Ford Modèle T écoulés en quelques années donnèrent de belles couleurs à ces résidus impropres.
On n'est jamais si déchet qu'on l'imagine.

17 juin 2011

L'urgence de ce qui se traîne

"Envoie-moi six escargots en urgence."
Entendu dans une brasserie parisienne

Où on apprend qu'un terme, un symptôme, un acte pris isolément ne signifient rien hors contexte.

Lu dans:
Langue sauce piquante, Blog des correcteurs du Monde. 13 juin 2011.

16 juin 2011

Tout coule

"Panta Rei." (Tout passe)
Héraclite d'Éphèse

Tout s'écoule: Kim Clijsters, la Belgique de papa, Fortis, l'euro fort, Kadhafi, le soja bio, DSK, Guantanamo, les Twin Towers, la garde de médecine générale, l'Eglise, la Bourse, la musique classique, les humanités anciennes, la valse, les moineaux, le respect de la police, l'uniforme, la Brabançonne, le sporting d'Anderlecht, l'odeur du pain frais. Appuyé à la rambarde, j'observe ce grand mouvement continu pareil à un fleuve paisible qui rejoint la mer et - étonnamment - je m'en réjouis.

15 juin 2011

Sagesse de l'ombre

"C'est sous la lampe qu'on y voit le moins clair. "
Sagesse chinoise.

Rien ne se perd mieux qu'une lentille de contact sur sol clair dans la lumière, à moins de disposer d'un jour frisant suscitant ombre et relief. Nos zones d'ombre nous révèlent.


Lu dans:
Pierre Péan, Philippe Cohen. La face cachée du Monde. Mille et une nuit. Arthèème Fayard 2003. 635 pages. Extrait p. 221

13 juin 2011

Le visage aquarelle

"Cette main, sur mes traits qu'elle rêve effleurer
Distraitement docile à quelque fin profonde,
Attend de ma faiblesse une larme qui fonde."

Paul Valéry. Le Cimetière marin.

"Mes vers ont le sens qu'on leur prête" répondait Valéry face à la controverse sur le fait que le verbe utilisé soit fondre ou fonder. Quand le visage se brise, miracle de vérité que le chiffon mouillé révèle comme il le ferait d'une aquarelle, et que l'être humain soudain se révèle, cette larme qui fonde possède quelque chose de rassurant.

La magie de l'oubli

"Qui veut se souvenir doit se confier à l'oubli, à ce risque qu'est l'oubli absolu et à ce beau hasard que devient alors le souvenir. »
Maurice Blanchot

La fascination qu'exerce le souvenir, surgi aléatoirement de l'oubli - rêve, conversation, lecture, image du présent - ne tient-elle pas avant tout à son pouvoir allégorique de notre propre existence issue fugacement du néant?

Lu dans:
(exergue de) Jorge Semprun. L'écriture ou la vie. NRF Gallimard. 1994. 318 pages. p.9

12 juin 2011

La poche miel et la poche de fiel

"Je cherche la région cruciale de l'âme où le Mal absolu s'oppose à la fraternité.»
André Malraux

Résolution pour les vacances d'été: relire Semprun, dont l'oeuvre tardive ne cesse de labourer en tous sens la phrase de Malraux, et l'âme humaine.

Lu dans :
(exergue de) Jorge Semprun. L'écriture ou la vie. NRF Gallimard. 1994. 318 pages. p.9

Le ciel partagé

"Quand le vaisseau d'Ulysse s'engagea devant l'île où vivaient les Sirènes, la brise qui le poussait tomba. Subitement, plus une vague ne froissa la surface de la mer. Le navire s'immobilisa alors dans une pluie d'or."
L'Odyssée. Ulysse et les Sirènes.

Dans un entretien réentendu hier, Jorge Semprun s'émerveillait d'avoir admiré le ciel empli d'étoiles à Buchenwald, et découvert que le camp sinistre possédait sa bibliothèque qui lui permit de lire Faulkner en allemand. La beauté sauvera le monde, disait Dostoïevski. J'ai eu la chance cette semaine de contempler un court moment la pluie d'or d'un ciel étoilé. D'avoir partagé cette étincelle d'éternité avec Ulysse et Semprun m'emplit de bonheur.


Lu dans :
Récit d'ULysse et les Sirènes dans: Pascal Quignard. Le nom sur le bout de la langue. Gallimard 1993. Folio 2698. 107 pages. Extrait pp 81-82.

11 juin 2011

Eloge de la fragilité

"Rien n'est plus beau
qu'un amour qui ne se croit pas immortel
qui a la souple respiration du voilier
endormant la vague
prodige oui mais qui se sait tributaire
d'un vent si incertain."
Jean Pierre Siméon. Un essaim amoureux, XXIV.

Lu dans :
JP Siméon, dans Les Poètes de la Méditerranée. Gallimard Poésie 2010. 955 pages. Extrait p.679

09 juin 2011

Gagner la lune

"Il ne sert à rien à l'Homme de gagner la Lune s'il vient à perdre la Terre."
François Mauriac.


Lu dans:
De Maegd, la tête dans les nuages. La Libre Belgique. 4 juin 2009

Bâtir une école

"Quel est le sage ? Celui qui apprend de tout homme. "
Le Talmud

Le Talmud ajoute que l'humanité toute entière ne tient que par le souffle des enfants qui étudient, magnifique leçon de vie. Où qu'on arrive, d'abord bâtir une école..


Lu dans :
Jacques Chirac. Le temps présidentiel. Mémoires Tome 2. Editions NiL. 2011. 624 pages.

L'homme orchestre



Il s'appelle Jean-Yves Bonno, capable d'imiter à la perfection une myriade d'instruments. Cette performance extraordinaire date de 1987. Il était un fabuleux bruiteur qui se produisait dans les cabarets dans les années 80. On sait qu'il a quitté la France pour le Canada dont il serait revenu quelque peu dérangé. Aux dernières nouvelles il serait dans une maison de repos. J'aime les fêlés, car par eux passe la lumière.

08 juin 2011

Irremplaçables les années difficiles

"Il faut bien connaître cette palette. Chacune des 150 pièces de vigne d'Yquern possède son caractère. Comme des enfants dans une classe, on les traite un petit peu différemment: l'ordre des vendanges est distinct suivant les pièces. On laissera celle-ci de côté, parce qu'elle est facile à vendanger, le raisin y pourrit toujours d'une façon admirable, il est succulent, plein de fruit, alors que celle-là est plus capricieuse. D'autres enfin produisent rarement un raisin satisfaisant pour faire de l'Yquem mais elles sont irremplaçables dans une année difficile. Chaque parcelle peut produire un grand vin, mais l'assemblage de leur récolte est meilleur que chacune d'elles. Il y a un effet de synergie. "
La comparaison entre les lopins de vigne associés pour fabriquer le Chateau Yquem et les enfants d'une classe séduit et rend à l'enseignement sa noblesse, à moins que ce ne soit au métier du vin: à chacun son point de vue.

Jean-Paul Kauffmann, entretiens avec Alexandre de Lur Saluces. La morale d'Yquem. Grasset - Mollat. 1999. 142 pages. Extrait p. 56

07 juin 2011

Steak saignant

"La viande coûte cher aux animaux."

Ames sensibles s'abstenir: le steak ne vient pas du seul supermarché, il y a une petite étape avant pendant laquelle le boeuf (et le poulet, et le mouton) n'en mène pas large. Une turbine permet de vider un poulailler industriel de son contenu vivant , qui n'a jamais vu la lumière du jour, en quelques secondes à l'abri des regards. Léonard de Vinci (1452-1519, Prophéties) prédisait qu'un jour le fait de tuer un animal sera condamné au même titre que celui de tuer un être humain. Notre époque paraît avoir pris un peu de retard sur ce chemin, mais il n'est pas interdit à chacun de méditer sur le contenu de son assiette.

Lu dans :
Jean-Luc Daub. Ces bêtes qu'on abat. L'Harmattan. 2009. 253 pages. Extrait p.17

06 juin 2011

Bon temps, temps variable

"Une définition du mauvais temps en agriculture: du temps qui dure."

Ce matin , on se surprend : chic la pluie est là.
Lu dans:
Jean-Paul Kauffmann, entretiens avec Alexandre de Lur Saluces. La morale d'Yquem. Grasset - Mollat. 1999. 142 pages. Extrait p. 54

05 juin 2011

Comme le temps passe

"Je me suis mariée il y a au moins 20 kg."

Lu dans
Marlène Duretz. Oui je veux. Le Monde du 31 mai 2011

04 juin 2011

Une frappe qui fait du bien

"Libye : Tripoli sous les frappes de l'OTAN, Misrata bombardée".
Titre de presse. 27 mai 2011
Quand l'Otan largue une bombe, c'est une frappe ; quand c'est l'armée libyenne, un bombardement. La frappe, ce n'est pas la guerre, c'est de la médecine (les frappes chirurgicales de la première guerre du Golfe). Le bombardement rappelle de mauvais souvenirs, relayés par les plus vieux (Nantes, Dresde, Caen, le Vietnam). La frappe est juste, le bombardement est barbare. La guerre des mots est déjà gagnée.


Lu dans:
Avec l’Otan, la mort est plus clean. Blog Langue sauce piquante. Le Monde. 03 juin 2011.

02 juin 2011

La pourriture a un avenir

« Mais finalement, ces raisins pourris, chez nous, ce n'est pas une catastrophe.»
A. de Lur Saluces
Que j'aime lire ces lignes d'oenologue, et les transposer. La pourriture a un nom, le botrytis cinerea, qui colonise progressivement le raisin du futur Chateau Yquem. Les légendes expliquent simplement et symboliquement ce qui est complexe à exposer. L'une d'entre elles veut qu'un des ancêtres du célèbre patronyme soit arrivé en retard pour faire les vendanges provoquant une sorte d'accident qui devint une prise de conscience. À l'inverse des autres vignobles craignant la pourriture comme on craint un parasite, les propriétaires tentèrent d'en tirer parti, produisant un vin liquoreux exceptionnel dont le seul nom fit rêver des générations d'amateurs. Comme l'effervescence en Champagne, à l'origine un handicap, un défaut devint un bienfait de la nature. Beau sujet de dissertation à l'heure de tant de vendanges dans nos classes et auditoires.


Lu dans:
Jean-Paul Kauffmann, entretiens avec Alexandre de Lur Saluces. La morale d'Yquem. Grasset - Mollat. 1999. 142 pages. Extrait p. 49

La morale d'Yquem

"Surtout soyez vigilant: votre vin (le Chateau Yquem) est le meilleur du monde. J'en parle d'autant mieux que je ne l'ai jamais bu."
Lettre au propriétaire.
Ce jeudi férié (fête de l'Ascension) me replonge dans le souvenir des textes évangéliques tentant d'expliquer le mystère de la connaissance des êtres et des choses: on peut être présent dans l'absence, connaître sans jamais avoir possédé. Eternels pélerins d'Emmaüs, nous cheminons à longueur d'existence aux côtés de personnes que nous ne voyons pas et dont la présence est pourtant bien réelle. Les écritures nous ont appris le virtuel avant l'heure, en quelque sorte.

Lu dans:
Jean-Paul Kauffmann, entretiens avec Alexandre de Lur Saluces. La morale d'Yquem. Grasset - Mollat. 1999. 142 pages. Extrait p. 11

01 juin 2011

Le beau mois de juin

"Quand le bonheur de vivre est contenu
dans ta main
dangereusement entrouverte,
Quand les jours les plus longs
se piquent d'être aussi
les plus beaux,
Voici le mois de juin."
F. Mitterrand

Lu dans :
Christophe Barbier. Les derniers jours de Mitterrand. Grasset. 2011. 430 pages. Extrait page 100.