28 juin 2010

un peu de craie dans l'encrier

"Il était quatre heures et quart
Et l'on tournait les pages
Et puis tout s'effaçait
Comme s'il y avait un peu de craie
Dans l'encrier"
Cathérine Lara
La grande transhumance a commencé. Que restera-t-il dans 48 heures de tous ces mots écrits à la craie une année durant, si ce n'est une cote laconique sur un document officiel? Sans doute un ou deux visages de prof ou de copain se détachant du lot, deux ou trois paroles inscrites pour la vie, l'un ou l'autre souvenir d'ambiance, ou de punition. L'année scolaire nous imprime son rythme à tous, nous raccrochant à des souvenirs d'enfance heureux ou malheureux, jamais insignifiants. M'est revenu hier le souvenir d'un arrêt de bus dans une allée bordée de cerisiers du Japon, mon cahier de version latine sous le bras. Nous avions matinée de handball interclasses ce jour-là, ce que je détestais. L'année scolaire avait connu un début, des épreuves et se dirigeait vers sa fin. Elle nous permettait à chacun de nous construire une histoire, heureuse ou malheureuse, à laquelle nous nous référons encore.

Vacances scolaires aussi pour ces modestes pensées entre café et journal. On va lire, rêver, faire du vélo, faire la pause. Effacer la craie de l'écran de nos PC et le remplacer par la fenêtre ouverte sur le jardin. Bonnes vacances.

CV.

27 juin 2010

Des racines et de l'eau

"Parler de la pluie et du beau temps n'a pas la même signification pour le jardinier que pour le commun des mortels."

"Habituer les plantes à se débrouiller toutes seules le plus vite possible est une vraie bonne idée. Il suffit de ne pas arroser trop souvent, cela les oblige à former des racines plus profondes. Un arrosage superficiel et répétitif privilégie un développement des racines en surface ce qui les rend plus sensibles à la sécheresse." Ce qui serait une autre vraie bonne idée: organiser une session de jardinage sur terrain réel pour les futurs parents et grand-parents en attente de naissance. On a tant à apprendre des plantes.

Lu dans:
Marie Noelle Cruysmans et Marie Pascale Vasseur. Histoire d'eau. Momento La Libre samedi 26 juin 2010. page 8.

25 juin 2010

Heureux comme le borgne

"Je tenais à vous remercier: suite à votre intervention, je suis reconnue pathologie lourde jusqu'en 2013."


Médecin, accessoirement avocat pour trouver la faille juridique imparable dans les règlements qui attribuent les statuts maladifs. Cette patiente aura droit à un remboursement préférentiel de sa kiné, activité qu'elle déteste au demeurant, mais comme il s'agit d'un droit acquis, elle ne s'en privera pas. "Heureux comme un malade, lourd de surcroît": nos critères de bonheur se sont décidément fort déplacés au tableau de bord de nos existences. La "sécurité sociale" constitue sans aucun doute un des acquis majeur des dernières décennies, mais peut parfois ralentir la guérison, allez comprendre.

24 juin 2010

Le royaume de l'autre

"Chacun s'invente l'autre et le garde dans son royaume."
Philippe Delerm

Lu dans:
Philippe Delerm. La cinquième saison. Rocher Littérature. 1983. 123 pages. extrait p. 100

Faire son miel du presque rien

"Il faut d'abord mouiller la feuille. Après seulement tu peux commencer le dessin."
Philippe Delerm


Pour réussir une aquarelle, l'eau est essentielle que ce soit sur le papier ou les larmes dans les yeux. Audition douce-amère ce matin, à la faculté. De jeunes médecins candidats en spécialité, refusés au concours de leur choix, viennent plaider leur dossier pour être repris en médecine générale. Pour d'aucuns, une véritable punition: rêvant depuis des années de guérir les yeux, les cordes vocales ou les artères coronaires, ils se voient réduits à ne soigner que le reste. En France, certains en arrivent à recommencer une année entière en espérant mieux se classer et échapper à ce qui leur apparaît comme un envoi vers l'Hadès. Comme me le résume un ex-candidat en médecine physique: "J'ai tenté ma chance car qui ne risque rien n'a rien." Il a raté, entre les lignes on comprend qu'à ses propres yeux "il n'a rien" ... si ce n'est la perspective de pratiquer le métier de généraliste toute sa vie. Deux ou trois fondent en larmes en tendant leur lettre de motivation, et je me remémore le dessin féroce de Plantu à la Une du Monde croquant le retour d'un jeune généraliste avec sa trousse chez ses parents en pleurs : "tu as vu l'état dans lequel tu as mis ta mère en choisissant la générale." Meurtris, ils tentent tant bien que mal de s'insérer dans le groupe des futurs médecins généralistes ayant fait ce choix librement parfois depuis plusieurs années, et s'étant préparés durant toutes leurs études à ce qui constitue leur premier choix. De l'importance de réaliser ses rêves...

Au retour, je retrouve avec bonheur mon cabinet inondé de soleil, son désordre, son odeur d'encaustique mêlée de sueur et les patients qui se sont installés familièrement dans la salle d'attente. Quatre heures et dix consultations plus tard, paisibles, chaleureuses, rires et larmes, maux et guérisons, je m'accorde un moment de méditation bercé par l'angélus de Saint Guidon tout proche: la soirée peut commencer, ma tâche est finie pour ajourd'hui. Une fois de plus, il m'aura fallu me contenter comme me l'ont rappelé avec une cruauté involontaire mes étudiants ce matin d'être celui "qui ne connaît presque rien sur tout", même si comme le suggérait Raymond Devos "presque rien c'est déjà quelque chose". Le bonheur que m'aura apporté ce presque rien durant tant d'années est difficile à partager, et pourquoi d'ailleurs convaincre? Le bonheur est une expérience intime.

Lu dans:
Philippe Delerm. La cinquième saison. Rocher Littérature. 1983. 123 pages. extrait p. 122

23 juin 2010

Sagesse d'une météo bienveillante

".. un ciel serein, quelques voiles nuageux élevés, d'agréables périodes ensoleillées alternant avec des passages nuageux inoffensifs, un vent faible basculant au nord avec des maxima de 20 à 27 degrés. La nuit prochaine, les nuages se dissiperont au courant de la soirée et seuls quelques voiles élevés se maintiendront. En deuxième partie de nuit, des nuages inoffensifs gagneront le pays par le littoral."
Sagesse de la météo ce 23 juin 2010

Cela devrait aller ! Il reste à voir ce que nous pourrons en faire.


22 juin 2010

S'émerveiller de l'ordinaire

"Maintenant on applaudit l'avion."


Baptême de l'air pour l'aîné de nos petits ce weekend. Applaudissements nourris à l'aller pour saluer un atterrissage en douceur après une descente chahutée. Au retour, descente banale et posage banal sur le tarmac , rien à saluer en somme jusqu'à ce que d'une voix inattendue il intime: "et maintenant on applaudit l'avion", aussitôt suivi de vivats unanimes. S'émerveiller est un don.

20 juin 2010

Le solstice d'été

"La solidité de la corde qui relie et sécurise des alpinistes ne dépend pas de la qualité des relations qu'ils vivent entre eux."
A. Lequeux
Je lis ce matin que la relation n'est pas le lien, ces deux termes n'étant en rien synonymes. Quand bien même deux alpinistes encordés se détesteraient, la corde entre eux apportera toujours une sécurité bien supérieure à toute entente cordiale non encordée. Le lien serait l'élément stable alors que la relation fluctue. I1 en est ainsi pour la filiation comme pour le couple, ou du moins ce l'était jusqu'à une époque récente où la qualité de la relation semble avoir résolument pris l'ascendant sur la stabilité du lien: la corde oui, mais avec un mou suffisant pour que l'encordé effectue les rétablissements périlleux sans aide ni contrainte.La primauté du lien sur la relation est un mouvement pendulaire.

Qu'en de mots clairs ces choses sont dites, démenties parfois par les récits de vie. De très vieux couples que je rencontrai dans ma pratique de médecin m'ont confié "si vous saviez comme on s'attache l'un à l'autre en vieillissant". La confusion des termes est dans ce cas totale, car ce qui s'exprime ici est bien l'approfondissement des sentiments, et non le lien légal qui unit les vieux amants, alors que paradoxalement la mélopée fétiche des couples libres post 68 portait le joli nom "je t'aime moi non plus". D'un côté attachement est le mot le plus juste trouvé pour décrire la relation amoureuse, de l'autre le préalable de liberté ne suggère pour autant pas une affection sans borne.

Tout se dit donc, tout s'écrit et son contraire. Au solstice d'été (nous y sommes, pour les distraits), la Terre dans l’hémisphère Nord se trouve au plus loin du Soleil. Deux de nos enfants son nés à ce moment, dont Benoît le 21 juin (bon anniversaire Ben!). Le soleil était dans nos coeurs, plus proche de nous que cela tu meurs. Bien des saisons ont coulé sous les ponts de nos vies, et je peux écrire aujourd'hui que si les saisons ont tout à voir avec la distance entre le Soleil et la Terre, elles n'ont rien à voir avec sa chaleur, ni avec le mystère du bonheur. Nos enfants, nés l'hiver, nés l'été, nous ont appris que la qualité d'une course en montagne dépend autant de la qualité du lien que de la relation qui unit les encordés: si le senti-ment souvent le raisonnable-ment aussi.

Lu dans :
Armand Lequeux. La relation n'est pas le lien. La Libre Belgique. Supplément Momento du 19 juin 2010. page 3

Je nous connais

Nul ne peut dire à autrui: "Je te connais."
Il convient de dire: "Nous nous connaissons. La connaissance est réciproque ou elle n'est pas."
Proverbe peul.

Placé en exergue du superbe ouvrage de F. Neyt "Fleuve Congo", ce proverbe résume admirablement la démarche de l'exposition du même nom qui s'ouvre ce lundi 21 au musée du Quai Branly à Paris (du 22 juin au 3 octobre 2010). Sans aucun doute un des plus beaux ouvrages, tant sur le plan iconographique que du contenu, que j'ai eu l'occasion d'avoir entre les mains et de parcourir. La simple beauté des masques africains a été une découverte.
François Neyt. Fleuve Congo. Ed. Musée du Quai Branly. Fonds Mercator. 2010. 410 pages

16 juin 2010

Des bateaux et des rêves

"D’ordinaire, on ne retient des voyages que leur destination, alors qu’ils ont, d’abord, des sources. Ce sont elles que je veux dire. [...] Les bateaux ne partent pas que des ports, Jérôme, ils s’en vont poussés par un rêve."
E. Orsenna.


Me revient l'image de ce jeune patient qui rêvait de devenir Américain et pilote de long-courrier. Il devint l'un et l'autre. Il rêvait aussi des femmes, qui le ruinèrent et parvinrent à anéantir ses deux premières passions, mais ceci est une autre histoire. Cette nuit, faites de beaux rêves.

Lu dans:
L'Entreprise des Indes. Erik Orsenna. Stock et Fayard. 2010, 391 pages.

14 juin 2010

Des fleurs

"En automne, je récoltai toutes mes peines et les enterrai dans mon jardin. Lorsque avril refleurit et que la terre et le printemps célébrèrent leurs noces, mon jardin fut jonché de fleurs splendides et exceptionnelles."
Khalil Gibran. Le Sable et l'écume

On peut imaginer un monde sans fleurs, sans papillons, sans marchés de Provence. Mais y serons-nous mieux? Je lis ce matin que quelque part dans le Maryland se pratiquent de curieuses expériences. Quand trois personnes se présentent à la porte d'un ascenseur, on donne à l'une un bouquet, à l'autre un stylo de marque, rien à la troisième. Celle qui reçoit les fleurs est d'humeur joyeuse pour faire le trajet vers les étages et n'arrête de parler, les deux autres ne voient pas leur comportement habituel modifié. Fleurissez une pièce, et jetez-y à y à terre un papier de caramel mou. Il se verra aussitôt ramassé, au contraire de la pièce voisine non-fleurie où quelqu'un parviendra peut-être bien à cracher le caramel lui-même par-dessus. Soumettez un auditoire à une session d'exercices de maths difficiles et mesurez les paramètres de stress des candidats (moiteur des mains, chaleur des extrémités, tics). Faites de même en ajoutant aux exercices la projection de mains réalisant inlassablement un bouquet: les indices de stress diminuent. J'aime imaginer, par-delà la beauté et l'arôme des fleurs utilisées, que des équipes sérieuses de chercheurs puissent se concerter pour imaginer d'aussi agréables expériences.

13 juin 2010

Le chêne ou le sapin

"Toute vie est une affaire de choix. Cela commence par: la tétine ou le téton. Et cela s'achève par : le chêne ou le sapin?"
Pierre Desproges.
Petite sagesse pour un matin d'élections. Poésie des rues réinvesties par des badauds endimanchés dès l'aube, du brassage des classes sociales dans le préau de la grande école communale, des voisins qui se reconnaissent et se congratulent, de connaissances perdues de vue depuis vingt ans, du bureau de vote présidé par une équipe de cinq femmes (si si), de patients qui avec un clin d'oeil me suggèrent pour qui voter, de la policière débonnaire en faction à l'entrée du bâtiment. Si le scrutin n'existait pas, à coup sûr il faudrait l'inventer: même imparfait, cela demeure un superbe exercice de démocratie pour accéder au pouvoir.

Je vous souhaite un bon dimanche

CV
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11 juin 2010

Sagesse d'une vie

"Le bonheur repose sur le malheur, le malheur couve sous le bonheur. Qui connaît leur apogée respective ?"
Lao Tseu
Sagesse millénaire. Ce soir devait être inoubliable pour Nelson Mandela qui avait projeté d'assister au match d'ouverture de la Coupe du monde de football. Son arrière petite-fille, 13 ans, a trouvé la mort hier dans un accident de voiture après avoir assisté au concert célébrant le début du Mondial. La jeune fille venait de célébrer son anniversaire deux jours auparavant et était reconduite par un parent sous l'emprise de la boisson qui a été arrêté pour homicide. Double peine, à la perte de l'enfant s'ajoute la culpabilité implicite de compter le responsable parmi ses proches. Vu de loin que les choses s'écrivent simplement, même s'il faut ne jamais avoir vécu un événement historique de l'intérieur pour juger aussi rapidement d'une situation aussi banale. Il nous reste à méditer Claude Roy, lequel conseillait de ne jamais juger du bonheur d'une existence sans en avoir connu la fin.

10 juin 2010

De la chenille au papillon

"Je rêve ! Nous voulons dire au monde que cette chenille laide, si laide, que nous étions, est devenue ce papillon si joli, si joli ! »
Desmond Tutu, ancien archevêque anglican du Cap et prix Nobel de la Paix, venu manifester sa joie à Soweto de voir l’Afrique du Sud accueillir le Mondial, le premier jamais organisé sur le continent.africain.

Comment ne pas vous partager l'émotion ressentie à la vue de ces images de la nation arc-en-ciel, où Aline, Benoît et leur petite Jeanne née sur-place, viennent de passer deux années (à Jo'burg). Pays qu'ils ont sillonné dans tous les sens, apprécié à sa juste mesure et qu'ils nous ont fait aimer lors d'un voyage sur-place. Ils plient maintenant peu à peu leurs bagages en vue du retour au pays natal. Un dernier hymne, de nouveaux vivats, des images en surimpression de Nelson Mandela, une chorégraphie multicolore à donner le tournis me laissent sur une impression de bonheur tranquille. Les infos radio de Vivacité en fin de soirée fêtent l'événement par un astucieux fondu enchaîné musical débouchant sur un simple "Ici Aline Gonçalvez, qui vous parle du stade de Soheto". La voix chère modulée par les caprices d'une tranmission en direct me parvient dans la cuisine. Je n'en crois pas mes oreilles. Inattendue, inentendue à la radio depuis deux ans pour permettre à notre fils de poursuivre un vieux rêve professionnel et donner vie à une petite fille, Aline est de retour et de quelle manière: j'en ai eu la chair de poule. Chaque jour peut nous réserver son moment inattendu de bonheur, je viens de le connaître.

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

De la création et mille autres choses

"Comment faire bien quelque chose qui n'a jamais été fait?"
W. Forsythe


Quand ai-je fait quelque chose qui n'ait jamais été fait, dit ou pensé mille fois auparavant par d'autres, reproduisant à l'infini des concepts pensés pour moi? Qu'est-ce qui m'appartient vraiment dans mon discours quotidien qui n'ait été formaté au préalable par les infos, la presse, le discours politique ambiant et que je ne fais que reproduire comme un singe savant? Insensiblement, mon existence est devenue un couper/coller dans lequel ma capacité de créer s'émousse, et dans tous les domaines: ce que je mange, ce que je bois, ce que je dis, ce que j'enseigne, ce que je prescris, ce que je j'écris, ce que je pense. Mon agenda est écrit par d'autres. Or gît en nous une infime part d'inédit, de créable, d'inventable qui ne veut pas mourir et qui demande à être arrosée jour après jour. Aujourd'hui j'invente quelque chose. Beau défi pour les enseignants qui entament la période d'évaluation des connaissances de leurs étudiants, et de leur capacité à recréer le monde de main.



Lu dans:
Wylliam Forsythe est chorégraphe, Lion d'Or de la Biennale de Venise 2010
Un cygne venu d'Australie. Jean Marie Wynants. Le Soir du 10 juin 2010. p.39

09 juin 2010

Bruxellles ville tragique

«Varkens die kakken in de bak waarin ze eten »
Bart De Wever, évoquant les intellectuels flamands critiques vis-à-vis de leur région
Propos polémiques: comme le souligne Jacques De Decker, qu'en termes élégants ces choses-là sont dites. Sans ses auteurs, il n'y aurait pas eu de Flandre, à l'instar d'Hendrik Conscience, Jan-Frans Willems, August Vermeylen ou Hugo Claus qui ont fait et décrit la Flandre qu'on aime tout en demeurant sa conscience malheureuse et devenant parfois ses premiers imprécateurs. La récente polémique est suscitée par un article du Morgen dans lequel Erwin Mortier (auteur de Godenslaap, lauréat du prisé Akoprijs) affirme que «la Flandre est très exercée dans le refoulement de tabous historiques », déplorant le manque de contrepoids à la rhétorique nationaliste et voyant en Bruxelles « une ville tragique, enfermée par la fureur territoriale des Flamands où l'on peut se représenter à quoi Babel ressemblait après l'effondrement de la tour."

Une semaine plus tard, Tom Lanoye, autre auteur flamand talentueux (dans un entretien avec Yves Desmet) confie dans le même journal que «nous sommes en train de chipoter dans notre réformisme d'Etat nombriliste, et il y en a qui sont littéralement convaincus que la réponse à la crise mondiale d'un système se résume à la proclamation d'une république flamande. » Il dénonce par ailleurs le crédit prêté au sein de la N-VA aux idées de Théodore Calrymple, fils spirituel de Mme Thatcher, qui professe que « les pauvres n'ont qu'à s'en prendre à eux mêmes", et que « les allocations les privent de leurs propres responsabilités ».

Samedi soir, nous écoutions avec émotion Scala, la chorale féminine d’Aarschot interpréter Pierre Rapsaet en français au Concertgebouw de Bruges. Flandre pas si homogène qu'on imagine, Belgique pays compliqué quand même, multiple, de lecture difficile à quatre jours d'élections surréalistes.


Lu dans:
Cochons d'écrivains. Jacques De Decker. Supplément Les Livres. Le Soir du vendredi 4 juin 2010. page 41.

08 juin 2010

Les violons sur le moi

"La gloire est le deuil éclatant du bonheur"
Madame de Staël
Une longue réflexion de Cathérine David joliment baptisée "Les violons sur le moi" scrute les motivations à "arriver là-haut, sur le podium, en haut des marches, sur la scène illuminée". "Les gens célèbres veulent bien être aimés, craints ou admirés, au fond peu importe. Mais surtout, ils veulent être célèbres. Et le rester." Critique littéraire durant trente-six ans au Nouvel Observateur, l'auteur note finement qu'i1 faudrait être une très vieille âme ou un véritable Julien Gracq pour rester tout à fait sain d'esprit en dépit de tous les signes de l'adoration publique.

Revient en mémoire cette séquence d'"Une femme qui s'affiche" ("It Should Happen to You") de George Cukor mettant en scène une jeune Américaine moyenne dont l'idée fixe est de voir son nom en très grand sur les murs deNew York, qui devient célèbre et se rend dans un magasin de tissus, juste en face de son affiche. Elle achète trois mouchoirs et demande à payer par chèque, de manière que la caissière reconnaisse son nom. "Gladys Glover ? Pas possible ! C'est bien vous ?" Oui, c'est bien moi, répond-elle modestement. Aussitôt, les clientes se bousculent autour d'elle pour tenter d'obtenir des autographes sans que personne ne sache ni ne songe à demander pourquoi elle est si connue. On a évoqué avec pertinence le terme de "société du reflet", demeuré d'actualité.

Lu dans :
Splendeurs et misère de la gloire. Eric de Bellefroid. La Libre Belgique du 31 mai 2010. Supplément Lire. Pages 2 et 3
Les Violons sur le moi. Pourquoi la célébrité nous fascine. Cathérine David. Denoël. 2010. 98 pages.

06 juin 2010

Une déception bienveillante

"Aujourd'hui nous avons été déçus, mais en bien."
Leçon de sagesse et art de vivre: la déception bienveillante


Lu dans.
La déception donne des ailes. Jean Birnbaum. Le Monde Magazine. 5 juin 2010. p.90

Etrangers sur la terre

« Chacun tâche simplement de retrouver le chemin qui mène jusque chez lui. »

Lu dans
Aux portes du rêve blanc. Cathérine Makereel. Le Soir du jeudi 3 juin 2010. p.35
Un homme est un homme. René Georges et Salifou Kientega. Jusqu’au 19 juin au Poche, Bois de la Cambre, Bruxelles

02 juin 2010

Respirer l'éternité

"Même si tout s'arrêtait là,
Au dernier souffle, à la fosse, à la cendre,
Même s'il me fallait descendre
Ces escaliers qui ne conduisent nulle part,
Cela valait la peine d'être né,
D'avoir bu à longs traits le vin de l'existence,
D'avoir connu des joies et des douleurs intenses,
D'avoir aimé, d'avoir lutté, d'avoir pleuré.

Je n'ai pourtant pas fait des étincelles,
Rien que ces choses que l'on dit très ordinaires.
Mes fautes ne sont pas des actes mais des manques.
Je confesse médiocrité.
Mais j'ai parfois marché sur l'eau, flotté dans l'air,
Je me suis vu sur la plus haute vague,
J'ai respiré un peu d'éternité."
Djalâl ad-Dîn Rûmî, dit Rûmî
Je me remémore le défi de la minute restante, durant laquelle l'invité doit dire quelque chose qu'il estime important. Ce matin j'ai fait mon choix.


Lu dans :
Liliane Wouters. Le livre du Soufi. Le Taillis Pré.2009. 64 pages. extrait p.64

If , if not

"Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ..."
R. Kipling


"Il vous reste une minute, pour nous dire quelque chose d'important." D'une voix sourde, hachée, l'invité de Vincent Josse débite le long poème If, de Rudyard Kipling (1910) qui n'a pas pris une ride malgré son centenaire. Me revient l'histoire de ce fils adoré, auquel Kipling avait adressé ce poème de légende parfois intitulé par son dernier vers « Tu seras un homme mon fils ». Pour être un homme aux yeux de son père, John s’était porté volontaire dans une armée qui l’avait réformé pour myopie sévère. Grâce à l’appui paternel, il avait réussi à intégrer un régiment des Irish Guards. Le jour de son tout premier assaut à la bataille de Loos (Artois), une rafale le balaya. C’était le 27 septembre 1915. Le lieutenant John Kipling avait 18 ans. Son père, l’inflexible Rudyard Kipling, conscience impériale de tout un peuple, ne se remit jamais du sentiment de culpabilité d'avoir été à l'origine de cette mort par cette exhortation à l'héroïsme, ni de ne pas avoir retrouvé sa dépouille. Les beaux textes ont souvent une histoire qui les humanise.