30 septembre 2009

Une absence de bruit

«Pas d'aile, pas d'oiseau, pas de vent, mais la nuit,
 Rien que le battement d'une absence de bruit.»

Eugène Guillevic 

28 septembre 2009

Le soleil s'est porté pâle

"Ce matin c'est l'automne
A dire ces mots
Je me sens vieillir."
Issa

Ce matin , quatre patients différents me décrivent avec leurs mots la brume matinale qui accompagna leur lever:  "On ne voyait même pas le clocher de Saint Guidon", "le soleil s'était porté pâle", "un boruillard à faire tousser", "tout-à-coup, un rappel de ce qu'est l'hiver" pour ensuite s'émerveiller d'une fin de saison superbe qui reprend vigueur dès 10 heures. Une étincelle d'émerveillement sommeille au coeur du citadin le plus endurci. 

27 septembre 2009

Trouvez-vous une vie

" Bas les pattes. Trouvez-vous une vie."
 Michelle Obama


La Première Dame ne supporte plus les gestes déplacés des groupies de son mari, mains aux fesses, suggestions coquines susurrées à l'oreille, numéros de portables discrètement glissés dans les poches du Président. "J'ai envie de dire à toutes ces femmes: Bas les pattes, trouvez-vous une vie.


Lu dans 
La Libre Momenton. 26 sptembre 2009. p.24

Time to move

"TTM, Time-To-Move"
 Les cadres de France Télécom testent à leurs dépens une règle interne redoutée, le "TTM", "Time-To-Move" (il est temps de bouger), ou "Tire-Toi-Maintenant !". Un cadre sup doit bouger tous les trois ans. Un cadre normal, tous les cinq ans. Ces mobilités forcées seraient en grande partie responsables, des suicides de salariés, vingt-trois au total depuis début 2008, six durant ce seul été dans la grande firme de télécommunications. Dont certains, d'une rare violence symbolique, comme celui, le 11 septembre, de Stéphanie, une jeune femme de 32 ans, qui s'est donné la mort en se défénestrant d'un des sites de l'opérateur à Paris. Sans parler des tentatives. Une salariée qui avale des barbituriques dans une agence commerciale mi-septembre, un technicien de Troyes qui se plante un couteau dans l'abdomen en pleine réunion, une semaine avant. Ou ce cadre qui a tenté de se jeter du 17e étage d'un site du groupe à Bercy, au début de l'année. "Le chef a dit à son équipe qu'il y en avait un de trop. Il était le plus vieux", raconte un collègue. 
  
Lu dans:
Cécile Ducourtieux. Le Monde interactif. 25.09.09 . France Télécom : "Mon chef m'a dit..."

09 septembre 2009

Avec autant d'espace auour de peu de mots

"Si j'écris un jour, je voudrais tracer quelques mots au pinceau sur un grand fond de silence, (..) comme cette estampe avec une branche fleurie dans un coin inférieur."
 E. Hillesum

 
Lu dans :
Sylvie Germain. Etty Hillesum. Chemins d'éternité. Pygmalion. 1999. 212 p. extrait page 126

07 septembre 2009

ma gueule comme fonds de commerce

".. jusqu'au jour où je me suis regardé dans une glace. Alors je me suis rendu compte que ma tête était un fonds de commerce possible. » 
 Sim
Sim, est mort ce dimanche 6 septembre. Il était d'abord une gueule, "des lèvres réduites à un fin et large trait ouvert sur le visage, long nez plongeant sur le menton pointu en galoche, crâne très vite dégarni, valises sous les yeux." et un "sourire qui lui fendait sa tronche en biais en deux, d'une oreille à l'autre, ni d'un pétillement de l'œil qui montrait toute sa distance d'avec ses pitreries." Adieu l'artiste, qui nous appris à rire de nous avant de rire des autres. 

Lu dans
Sim a cassé sa fameuse gueule. Jean Claude Vantroyen, Jean François Lauwens, avec AFP. Le Soir , 7 septembre 2009, p. 18

Vie publique, vie privée

"Chaque personnage est intéressant car tous ont une vie publique, une vie privée et une vie secrète."
Meryl Streep venue présenter le film "Julie et Julia" à Deauville.

Lue entre café et journal ce matin, l'innocente réflexion me poursuit, têtue. On a tendance à confondre les deux dernières, la vie privée et la secrète, alors qu'elles ne se confondent guère dans nos têtes. La vie secrète, faite de mille et un petits bonheurs et misères pas nécessairement partageables, aussi vraie que les deux autres vies dans lesquelles elle se glisse sans qu'on la remarque, trois notes de Satie à la radio ou une bouffée de parfum humée fugacement en rue, un pinceau de soleil entre deux buissons, un trait d'humour aussitôt dit aussitôt évaporé à jamais, un café meilleur que les autres de la semaine. Le bonheur ne serait-il finalement que la recherche patiente de se sentir bien à la fois dans sa vie publique, sa vie privée et sa vie secrète? 

Lu dans 
Fabienne Bradfer. Meryl dans les rues de Deauville. Le Soir. Culture. 7 septembre 2009. p. 17.

04 septembre 2009

La rose et les bonobos

"La rose est sans pourquoi: elle fleurit parce qu'elle fleurit
N'a souci d'elle même, ne cherche pas si on la voit."
Angelus Silesius
Le célèbre vers du mystique allemand a inspiré Heidegger, ce qui incite à la prudence au regard de l'attitude quelque peu veule de ce dernier à l'égard des théories nazies. L'être humain s'épanouit-il en s'oubliant lui-même, dans un abandon confiant au temps, ou au contraire dans une courageuse confontation permanente au monde  qui le forme, l'informe et sur lequel il a l'audace de croire qu'il peut influer? N'est-il vraiment lui-même que s'il est à sa manière comme la rose - sans pourquoi ni souci de laisser trace - ou dans un combat éperdu contre un destin parfois absurde et des forces de destruction toujours présentes? L'époque actuelle a quelque peu perdu l'acuité des débats qui nous passionnaient naguère, ou les défis auraient-ils changé de nature ?  La simple vision des actualités nous rappelle pourtant chaque jour que ces questions demeurent d'actualité. Gunzig opposait avec humour dans une récente carte blanche le désir de rejoindre les bonobos dans les arbres ou d'affronter quotidiennement "un monde aussi réel qu’une prison chinoise, qu’un tibia cassé sur un terrain de foot, qu’un potentat libyen qui fête ses quarante ans de règne sans emmerdements notables, qu’un double millénaire de guerres immondes, qu’une multitude de petites arnaques pouilleuses dans un pays minuscule, que l’hypocrisie de l’économie libérale et le cauchemar de l’économie planifiée." Le prix est élevé pour être un humain responsable. 

Lu dans :
  • Angelus Silesius, Le Pèlerin chérubinique, éd. Arfuyen, trad. R Munier, 1988, p. 28-29.
« Die Ros' ist ohn' Warum, sie blühet, weil sie blühet,
Sie ach't nicht ihrer selbst, fragt nicht, ob man sie sieht. » (1,289.)

  • Bonobo. Thomas Gunzig . Le Soir. mercredi 2 septembre 2009.
  • Sylvie Germain. Etty Hillesum. Chemins d'éternité. Pygmalion. 1999. 212 p. extrait page 71-72 

03 septembre 2009

"Et puisque, désormais libre, je ne veux plus rien posséder, désormais tout m'appartient et ma richesse intérieure est immense. "
Etty Hillesum
Le livre reposait paisiblement dans la bibliothèque, depuis presque dix ans. Je savais qu'un jour je le dévorerais, c'est arrivé. Simplement il fallait que je sois prêt à l'entendre. Des événements survenus il y a 60 ans sont d'une actualité surprenante. L'histoire d'une jeune Juive hollandaise, Etty Hillesum, née le 15 janvier 1914 à Middelbourg, en Zélande, aux Pays-Bas et décédée le 30 novembre 1943 au camp de concentration d’Auschwitz en Pologne, est restée d'une rare actualité: la banalité du mal, la liberté intérieure et les liens qui unissent le bourreau et la victime ne connaissent ni époque ni pays.  Alors que nos journaux reprennent la genèse de la seconde guerre mondiale et que la télévision égrène les six épisodes d'Apocalypse, il n'est pas anodin de lire la description clinique des transports de déportés juifs hollandais vers Auschwitz. 
 
"En juin (42) Eichmann a passé un accord avec les chemins de fer du Reich pour assurer le «transfert» vers l'Est de milliers de familles ratissées à travers l'Europe. Un contingent de 40 000 Juifs est fixé pour la Hollande à court terme; ce chiffre sera largement multiplié par la suite. La Reichsbahn (la société des chemins de fer allemands) coopère sans le moindre état d'âme: elle consent à des tarifs de groupe (ceux réservés aux excursions) pour les adultes; les enfants de moins de dix ans bénéficient du demi-tarif et ceux de moins de quatre ans de la gratuité. Mais tous n'ont droit qu'à un « aller simple », sans distinction d'âge. Le ticket retour n'est octroyé qu'aux gardes, lesquels ont souvent les mêmes trajets à effectuer pour convoyer une cargaison sans cesse renouvelée. « Maintenant, précise Raul Hilberg, si les wagons étaient souillés ou endommagés -ce qui n'était pas rare - à cause des longs trajets et parce que 5 à 10 % des prisonniers mouraient en route, un supplément était facturé pour les dégâts. » Quant  au coût de ces transports, il était couvert par l'argent tiré des biens confisqués aux Juifs; le système fonctionne à circuit fermé, de manière impeccable. "

Lu dans:
Raul Hilberg, in Shoah de Claude Lanzmann, Gallimard, coll. Folio, pp 201-202
Etty Hillesum, Une vie bouleversée, coll. Points, Paris, 1995, p. 23
Sylvie Germain. Etty Hillesum. Chemins d'éternité. Pygmalion. 1999. 212 p. extrait page 47

02 septembre 2009

Bonjour l'école

Ainsi, cher Stefano, je t'offrirai des fusils. Et je t'apprendrai à jouer à des guerres très compliquées, où la vérité ne se trouve jamais d'un seul côté, où l'on doit
signer, à l'occasion, des armistices. Tu te défouleras, dans tes jeunes années; tes idées s'embrouilleront un peu, mais des convictions naîtront lentement en toi. Puis, une fois adulte, tu croiras que tout cela n'aura été qu'un conte: le chaperon rouge, Cendrillon, les fusils, les canons, l'homme contre l'homme, la sorcière contre les sept nains, les armées contre les armées. Mais si d'aventure, quand tu seras grand, il y a encore les monstrueuses figures de tes rêves d'enfant, les sorcières, les kobolds, les armées, les bombes, les mobilisations générales, peut-être que tu auras acquis une conscience critique à l'égard des fables, et que tu apprendras à te mouvoir de façon critique dans le monde réel. "
Umberto Eco

Une pensée accompagne l'ainé de nos petits-enfants qui entre à l'école ce matin. Quelques larmes inévitables pour un enfant sensible dont on devine les craintes devant tant de nouveauté. Soixante années de mise au pas et de respect des consignes s'ouvrent, de certifs à produire les jours de fièvre ou d'entérite, de coude-à-coude précautionneux. A moins que dès l'école gardienne se produise ce miracle: qu'il croise sur son chemin des passeurs de sens, qui sachent ouvrir la cage aux oiseaux et lui apprennent à voler.  C'est pas gagné d'avance.
 
Lu dans 
Umberto Eco. Pastiches et postiches Bibliothèque 10/18. 1992. 183 p. Extrait page 176.  
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