28 septembre 2008

L'inversion des tendances


La vie est courte
Où vous situez-vous aujourd'hui ?
Sagesse des publicitaires

Je n'ai pas pu résister au plaisir de réinterpréter quelque peu l'actuelle campagne publicitaire de Fortis.

Du neuf ancien

«Le bon maître est celui qui, tout en répétant l'ancien, est capable d'y trouver du nouveau."
Confucius

24 septembre 2008

L'irrésolution

"Déjeuner avec J.N. Il me fait part de sa perplexité: devrait-il vendre l'appartement qu'il possède sur les hauteurs de Nice, ce qui lui permettrait d'en acquérir un à Paris où il n'a pu que louer un minuscule studio dans un quartier qu'il exècre? « Pourquoi pas? lui dis-je, puisque tu ne vas presque jamais à Nice et que tu vis à Paris. - Oui, mais d'un côté quand je suis à Nice, j'y suis bien, c'est là que je travaille le mieux. - Alors garde-le et arrange-toi pour y aller plus souvent. - Oui, mais d'un autre côté, c'est à Paris que j'ai tous mes amis, à Nice je ne connais personne. » Et cela continue comme ça un bon moment: « d'un côté, d'un autre côté ». Et puis, subitement, J.N. me fixe intensément comme si j'étais son sauveur et me déclare avec un regard perdu de reconnaissance: « Tu as raison. Grâce à toi, j'ai pris ma décision: ou bien je vends ou bien je ne vends pas. »


J.-B. Pontalis

Lu dans :

En marge des jours. J.-B.Pontalis. NRF. Gallimard.2002. 122 p. extrait p.53

23 septembre 2008

Une farce zéro

"Voir la vie en farce."

Pub Coca Zéro

C'est un peu lourd, pas vraiment méchant, pas vraiment drôle, mais m'est resté en tête toute la journée comme une mouche bleue dans un grenier. J'ai vite cerné à quoi elle me faisait penser, si c'était un livre ou une pièce de théâtre: "en attendant Godot" de Beckett. Un film? Monty Python. Une musique? La danse des canards. Un amuseur? Coluche. Une fête ? Halloween. Un plat cuisiné? La dinde farcie. Un ministre? Daerden. Un acteur? De Funes. Une sculpture? Manneken Pis. Une voiture? La 2CV. Une émission télé? La caméra invisible. Une maladie? La "gastrite insignifiante", diagnostic arboré comme un trophée par une brave patiente ayant subi à Erasme une des premières gastroscopies chez un conrère facétieux qui lui avait communiqué avec gravité ce dont elle souffrait. Voir la vie en farce oblige néanmoins à remplacer le sourire par un rictus semi-permanent qui parfois inspire plus de pitié que de joie, tel ce patient qui se borne à me répondre à toutes mes questions "qu'il attend". Attend de mourir comme son épouse il y a deux ans, "comme vous docteur même si vous fuyez cette réalité en travaillant", "comme mes enfants, mes petits-enfants et mes futurs arrière petits enfants": ils ne sont pas encore nés et déjà en attente de mourir à leur tour, ah ah ah. J'ai pensé me lever de mon bureau , ouvrir doucement la porte et lui dire: vas-y moineau, vole tant qu'il te reste de la vie, après il sera trop tard. Je l'ai fait raconter, il ne riait plus. Sa vie avait été pire que triste: monotone. Rien donc ne l'y retenait, et il aurait volontiers entraîné les autres dans sa chute. Godot a la vieillesse triste comme une pub pour coca .zéro.

22 septembre 2008

On n'est jamais vieux de l'intérieur

"Quelle est cette nuit dans le jour?
Quel est dans le bruit ce silence ?
Mon jour est parti pour toujours,
[...]
Adieu, je ne suis pas lassée
De ce que je n'ai pas atteint..."

Plus jamais. Louise de Vilmorin.

J'ai admiré cet après-midi des yeux aveugles pétiller de plaisir. C'est rare. Déjà que des yeux qui voient ne pétillent pas souvent par les temps qui courent, devinez ma surprise. Elle a 85 ans et a gardé la malice d'une adolescente courant à son premier rendez-vous. Elle a mis au monde cinq enfants, tous ne sont pas prix Nobel ni Carl Lewis, on l'imagine. Tous n'ont pas eu un parcours digne d'Autant en emporte le vent, ni gagné au Lotto sentimental. La vie distribue avec équité ses jours de peine et ses jours de joie: elle a eu sa double part comme les autres, mais cela ne paraît pas l'avoir affectée outre mesure. Elle vient en tram puisque sa dégénérescence maculaire ne lui permet plus de conduire la voiture: on donne la voiture, où est le problème Milou? Elle s'endort moins vite qu'avant, lui semble-t-il, alors elle consulte une fois par six mois pour une boîte de Lendormin, 1/2 comprimé une à deux fois par semaine pour une bonne nuit. Bien dormir de temps en temps donne des forces, elle n'en abuse guère. Elle concède que je lui mesure la pression artérielle puisque cela me fait plaisir, mais pas d'auscultation, pas de palpation indiscrète, pas d'index aux conjonctives: un de ces jours avec ces manoeuvres-là le docteur finirait bien par lui trouver quelque chose qu'elle ne souhaite pas connaître. Car comme lui disait André son auguste époux: quand on ne sait pas, on ne souffre pas. Elle rit et le lustre du cabinet rit avec elle, les dossiers rangés contre le mur rient, les patients dans la salle d'attente rient vraisemblablement aussi, la vie rit et je suis heureux de ce court moment inespéré que m'apporte une adolescente délurée. On n'est jamais vieux de l'intérieur, écrivait Julien Green(*) centenaire à deux jours de sa mort. J'aimerais leur ressembler.

Lu dans :
Le grand large du soir. Julen Green. Flammarion. 2006. 398 p. extrait p.269

Réflexion après l'attentat d'Islamabad

"Craignons un monde où les hommes ont juste assez de religion pour se haïr les uns les autres, et pas assez de religion pour s'aimer."

Jonathan Swift


Lu dans

Jean Claude Guillebaud. Le commencement d'un monde. Seuil. 2008. 400 p. extrait p.205

21 septembre 2008

Entre le platane, le chat et puis notre vie

"Nous sommes au bord de l'eau,
le platane, moi, le chat, le soleil et
puis notre vie.
Notre image apparaît dans l'eau:
le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

Nous sommes au bord de l'eau,
le chat s'en ira le premier,
dans l'eau se perdra son image
et puis je m'en irai, moi
dans l'eau se perdra mon image
Et puis s'en ira le platane,
dans l'eau se perdra son image.
Et puis l'eau s'en ira,
le soleil restera, puis à son tour il s'en ira.

Nous sommes au bord de l'eau,
le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.
L'eau est fraîche,
le platane est immense,
moi j'écris des vers,
le chat somnole,
nous vivons Dieu merci,
le reflet de l'eau nous effleure,
le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

Nâziım Hikmet


Nâzim Hikmet est né le 21 novembre 1901 à Salonique, mais il a été déclaré né le 15 janvier 1902. Deux mois de non-existence desquels naquit peut-être ce poème, allez savoir. Il est mort le 3 juin 1963 à Moscou, né poète turc, puis citoyen polonais, longtemps exilé à l'étranger pour avoir été membre du Parti communiste turc. Nous sommes aujourd'hui, lecteurs au hasard de ces trois émouvantes strophes, d'identité culturelles diverses, en exil des autres et parfois de nous-mêmes, aux quatre coins de la planète (bonjour Benoît, bonjour Aline, bonjour Béné, bonjour Mathieu, bonjour Jean-François, bonjour Suzanne, bonjour André, et que ceux que j'oublie me pardonnent), à Bruxelles depuis une heure les voitures ne roulent plus. Un soleil sans chaleur se mire dans l'eau des étangs, les barbecues sont allumés çà et là dans les rues populaires. Une journée à vivre entre le platane, le chat et puis notre vie, avant que tout cela ne s'en aille mais nous vivons Dieu merci.


Lu dans:
Michèle Lesbre. Le canapé rouge. Sabine Weispieser, éditeur. 2007. 150 pages, extrait p.148

19 septembre 2008

Infinité des possibles

"Pour un point qui se déplace sur la surface de la sphère, cette surface est à la fois finie et infinie."
Thierry Maulnier


Petite pensée anodine, qui m'est revenue en mémoire en examinant hier un bébé: une infinité de possibles, dans un cadre contraignant. Il mettra une existence entière à confronter cet antagonisme entre sa liberté et ses contraintes. Bonne chance bébé.

Lu dans

Thierry Maulnier. Le dieu masqué. NRF. Gallimard. 1985. 340 p; extrait p. 324

17 septembre 2008

Tout voisin est mon étranger

La difficulté n'est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d'échapper aux idées anciennes. »
John Maynard Keynes (1883-1946)

Une patiente, brave dame sans âge, sans identité culturelle typée, sans défaut connu ou visible, me confesse aujourd'hui qu'elle ne prend jamais le métro qui s'arrête à sa porte, par peur "car il y a bien trop de singes dedans, à toute heure du jour et de la nuit". J'hésite à réagir, feint ne pas avoir compris, mais elle insiste, "enfin des crollés, des macaques quoi". Lui souffler sans aggressivité que je la trouve raciste la fait opiner, "oui, et elle le revendique, car on ferait mieux de commencer par aider nos pauvres à nous". Ne la jugeons pas, il est décidément difficile d'échapper aux idées anciennes quand l'absence d'horizon, d'instruction et d'audace se conjuguent. J'ai souvent cité Alexis de Tocqueville, dont la lecture de "De la démocratie en Amérique" (1835 et 1840) a enchanté mes soirées. Le hasard me fait trouver un texte écrit la même année (1841) , assez confondant: «J'ai souvent entendu en France des hommes trouver mauvais qu'on brûlât les moissons, qu'on vidât les silos et enfin qu'on s'emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. Pour moi, je pense que tous les moyens de désoler les tribus doivent être employés. [...] Je crois que le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et que nous devons le faire soit en détruisant les moissons à l'époque de la récolte, soit dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu'on nomme razzias et qui ont pour objet de s'emparer des hommes ou des troupeaux. » (Alexis de Tocqueville, Travail sur l'Algérie (1841), in Œuvres complètes, Gallimard, 1962, t. Ill, vol. l, p. 226.) . Bigre, qu'en pense Emmanuel Kant (1724-1804) pivot de la pensée philosophique, dont la légendaire sédentarité (il ne quitta presque jamais sa ville) ne l’empêcha toutefois pas d’être attentif aux mouvements du monde. Il écrit quelques années plus tôt dans ses "Observations sur le sentiment du beau et du sublime" (1764), que « les nègres d'Afrique n'ont reçu de la nature que le goût des sornettes ». Le grand historien anglais James Mill, dont le livre, The History of British India (1817), faisait autorité auprès de l'administration britannique, avait si peu d'estime pour les peuples de l'Inde qu'il affirmait: « Si nos ancêtres, bien que rustiques, étaient sincères, [en revanche] sous leur apparence avenante, les hindous cachent un penchant certain pour la tromperie et la perfidie. Plus proche, Winston Churchill, héros du monde libre dressé contre le nazisme, jugeait les Indiens comme "le peuple le plus bestial du monde après le peuple allemand". Arabes, Africains, Hindous, Indiens, Allemands, nous sommes décidément tous l'étranger de notre voisin, et mon innocente patiente (aux deux sens du terme) possède de solides racines historiques.
Citations lues dans:
Jean Claude Guillebaud. Le commencement d'un monde. Seuil. 2008. 400 p. extrait pp.154, 155, 184

16 septembre 2008

Un système devenu fou

"Une industrie financière se constitue qui ne cesse d'affiner l'art de faire de l'argent en n'achetant et ne vendant rien d'autre que diverses formes d'argent."
André Gorz

Ce n'était qu'un fait-divers, passé inaperçu. Le philosophe et écologiste André Gorz, âgé de 84 ans, s'est donné la mort le 24 septembre 2007, en compagnie de sa femme, Dorine, gravement malade. Le message testamentaire qu'il avait transmis une semaine auparavant à la revue écoRêve est magnifique de gravité et de clairvoyance, et m'est revenu en mémoire ce matin en découvrant les faillites des deux plus grandes banques américaines survenues hier. Gorz y dit l'effroi que lui inspire un capitalisme devenu fou.

«La question de la sortie du capitalisme n'a jamais été plus actuelle. Elle se pose en des termes et avec une urgence d'une radicale nouveauté. Par son développement même, le capitalisme a atteint une limite tant interne qu'externe qu'il est incapable de dépasser et qui en fait un système qui survit par des subterfuges à la crise de ses catégories fondamentales: le travail, la valeur, le capital. [...] Le système évolue vers une limite interne où la production et l'investissement dans la production cessent d'être assez rentables. Les chiffres attestent que cette limite est atteinte. L'accumulation productive du capital productif ne cesse de régresser. Aux États-Unis, les 500 firmes de l'indice Standard & Poor's disposent de 631 mi11iards de réserves liquides; la moitié des bénéfices des entreprises américaines provient d'opérations sur les marchés financiers. En France, l'investissement productif des entreprises du CAC 40 n'augmente pas même quand leurs bénéfices explosent [...]. Une industrie financière se constitue qui ne cesse d'affiner l'art de faire de l'argent en n'achetant et ne vendant rien d'autre que diverses formes d'argent. L'argent lui-même est la seule marchandise que l'industrie finan¬cière produit par des opérations de plus en plus hasardeuses et de moins en moins maîtrisables sur les marchés financiers. [...] L'économie réel1e devient un appendice des bulles spéculatives entretenues par l'industrie financière. Jusqu'au moment, inévitable, où les bul1es éclatent, entraînent les banques dans des faillites en chaîne, menaçant le système mondial de crédit d'effondrement, l'économie réelle d'une dépression sévère et prolongée. »

Lu dans :
André Gorz, «Le travail dans la sortie du capitalisme», écoRev', janvier 2008.

15 septembre 2008

La course éperdue devant le lion

"Si deux hommes se trouvent soudainement en face d'un lion affamé, celui qui sauvera sa vie - le "gagnant" - n'est plus celui qui court plus vite que le lion mais celui qui court plus vite que... son compagnon. Malheur aux perdants!"
Jean-Pierre Dupuy

Belle métaphore du message véhiculé par notre société néo-capitaliste qui transforme la planète en Monopoly permanent. Que le meilleur gagne, et empoche la mise. Quand hommes, lieux et emplois ne sont plus appréciés qu'en terme d'opportunité financière et de retour sur investissement, le gagnant en bourse l'emporte sur l'entrepreneur de jadis, créateur de vraies richesses. Hier, il fallait être intelligent et audacieux, aujourd'hui il faut être astucieux et "malin". C'est autre chose.

Lu dans:
Jean Claude Guillebaud. Le commencement d'un monde. Seuil. 2008. 400 p. extrait p.110

14 septembre 2008

Une solitude branchée

"Connectez-vous
à vos émotions.
A votre job.
De chez vous.
De partout.
Connectez-vous.
A vos rêves.
A vos passions.
A votre monde.
Connectez-vous.
A vous."
Mobistar

Déjà connue pour sa campagne "Jamais sans les autres" et ses personnages sautillants, Mobistar lance le concept Love Work Play qui se décline sur les écrans, les magazines et sur Internet. Nul doute que cette poésie de notre époque soit branchée sur les attentes de demain du plus grand nombre: ce que nous penserons demain est déjà dans les cartons des publicitaires. Peut-on leur en vouloir: à chacun son métier, et ils le font bien. Quant au mode de vie qui nous est proposé, chacun choisira pour lui, s'il en a la force. La solitude branchée à un prix, en monnaie sonnante et trébuchante, en temps laissé à la réflexion personnelle, en indépendance et en respect de la vie privée. Le prix de "Connectez-vous" est le risque d'être davantage, quoi qu'en suggère le message, déconnecté de soi-même et de devenir à son tour un de ces mignons personnages sautillants d'une pub à la Mary Poppins. Cela fait rêver, mais pas moi.

13 septembre 2008

Sagesse du cancre

"il rêve d'être oiseau
on lui montre un avion
il rêve d'être voilier sur la mer
on lui propose un tunnel enfumé sous la Manche
il rêve de la pâle lueur de la Lune
on lui enseigne les anneaux de Saturne

son chapeau lui serre la tête si fort
la perdra-t-il s'il l'ôte ?
quand me réveillerai-je."

Sagesse du cancre.

Lu dans
Le chien bleu dont la niche était un palais. V.Waide. NTF . Ed. La Place de Beauté. 2008. 125 p. Extrait p.45.

11 septembre 2008

La lune laiteuse

Ce soir, pleine lune
tableau merveilleux
vitrail étrange.
Par la grande fenêtre ronde de la chapelle
j'assiste à la course des nuages blancs
devant le grand disque d'argent.

Estampes japonaises des pins élancés
qui se découpent délicatement sur fond de lune
et de ciel laiteux.
Merveille de la nuit !

Grégoire Maertens, moine de Clerlande

Alors que nos oreilles bruissent de théories de complot concernant le drame du 11 septembre 2001, on se prend à imaginer ce moine du monastère de Clerlande, ami cher de notre famille, méditant sur le sort du monde en confrontant la sagesse des pins élancés et la sérénité de la lune. Ces merveilleuses lignes durent voir le jour presqu'au même moment que l'effondrement des tours jumelles. Elles contribuent à l'équilibre de notre univers, paix intérieure des uns en balance avec la haine maladive et la volonté de domination des autres, silence contre fureur, équilibre entre l'homme et son environnement quotidien face à la démesure de gratte-ciels dédiés à la haute finance. Ce qui est souple et fragile survivra à ce qui est fort mais rigide dit-on, petite réflexion d'espoir pour un triste anniversaire.
Lu dans
Grégoire Maertens. Une saison à Clerlande. Pubications de Saint André. Cahiers de Clerlande n°10. 2002. 56 p. extrait p.28

10 septembre 2008

Du temps pour naître

"Il n'est jamais trop tard pour naître."
JM Alfroy

C'est l'histoire d'un homme âgé, veuf, isolé et malade qui finit par prendre la fuite... Ainsi commence le roman de Jean Marie Alfroy, une histoire de réconciliation avec soi-même. La phrase qui commence le livre vient se superposer dans ma mémoire à celle de Bob Dylan quinquagénaire, vu dans un film documentaire un soir de ces dernières vacances "il m'a fallu du temps pour devenir jeune, mais maintenant je suis fier de l'être".


Lu dans :
La fugue du père. Jean Marie Alfroy , NRF Gallimard., 1984, 178 p. Extrait p.9

07 septembre 2008

Les gens âgés remontent en enfance

"On a beau l'appeler souvenir,
On a beau dire qu'elle disparaît,
On a beau dire et vouloir dire
que tout s'en va,
Tout ce qui est vrai reste là.

Quand la vérité est laide,
c'est une bien fâcheuse histoire,
Quand la vérité est belle,
rien ne ternit son miroir.
Les gens très âgés remontent en enfance
Et leur coeur bat
Là ou il n'y a pas d'autrefois."

Jacques Prévert 

06 septembre 2008

Les absents.

"Parfois ils semblent revenir
mal assurés craignant de déranger
et restant sur le seuil
Ils ne disent rien Ils baissent les yeux
ne tendent pas la main
ont l'air de s'excuser

Ils existent un peu
parce que j'existe encore
les compagnons
couchés dans le lit de la mort

C. Roy

Lu dans :
Claude Roy . Les pas du silence. NRF Gallimard. 1993. 270 p. extrait p.53

04 septembre 2008

Globule rouge de baleine dans capillaire de souris

"On est quelquefois aussi différent de soi-même que des autres."

François de La Rochefoucauld

La taille du plus petit capillaire est de nature invariante quel que soit l'organisme qui le porte. La plus petite cellule du sang (qu'il s'agisse d'une cellule d'abeille ou d'une cellule d'éléphant) possède la même taille que le plus petit capillaire d'une cellule de baleine... Si l'on calcule la masse d'un éléphant ou la masse d'une souris(quelques tonnes pour l'un; quelques grammes pour l'autre) puis leur métabolismé (c'est-à-dire la vitesse à laquelle chacun d'eux dépense l'énergie par seconde, enwatts) et qu'on établit ensuite le rapport «watts sur masse» (l'éléphant représente 1 000 watts pour quelques tonnes; la souris 0,1 watt pour quelques centaines des grammes), on est surpris d'observer que cette dépense d'énergie relative pour ces organismes différents est quasi similaire. La complexité se génère de manière plus simple qu'on le croyait. Nos différences ne sont qu'une minime portion de ce qui nous fait semblables.

Lu dans
Joël de Rosnay. 2020 Les scénarios du futur. Fayard. 2008. 290p.

la paix dans l'âme

"Mais j'pars aux fleurs la paix dans l'âme
Car vu qu't'es bon comme du pain blanc"
Le moribond. J.Brel

Pris congé hier d'un patient qui me consulte depuis trois dizaines d'années. Il va mourir ce matin et le sait, ce fut émouvant et paisible. Je lui ai dit mon admiration pour ce qu'il a été et souhaité de s'endormir en paix. A soixante ans, il comptait prendre sa retraite et partir vivre au litoral avec son épouse, "la meilleure femme du monde" a-t-il soufflé hier. Les hasards de la vie l'ont amené à prendre en charge l'éducation de sa petite-fille, et puis d'aider celle-ci, fille-mère à 15 ans, à assumer l'accueil de son bébé. Il n'a pas vu la mer cinq fois depuis. Ainsi va la vie, pas de plainte, pas de regret: il fallait le faire, ils l'ont fait.

Auparavant, hospitalisation poignante d'une personne handicapée par un surpoids énorme. Elle redoute la clinique et s'accroche à la main de son jeune frère. Elle n'a plus quitté le divan du salon depuis trois semaines car incapable de se lever. Des plaies aux jambes larges comme des mains, la même chose au fessier. Une famille atypique mais aimante qui l'accepte comme elle est, sans reproches ni pressions. Interminable série d'essais pour la faire admettre dans un établissement qui l'accepte car elle n'est ni vieille, ni accidentée, ni vraiment malade. Ambulance spéciale, plate-forme des pompiers, voiture de police qui barre la rue: elle souhaitait la discrétion pour s'en aller, je l'ai vue pleurer en voyant la vingtaine de personnes (ambulanciers, pompiers) envahissant le salon et le trottoir, voisins aux fenêtres. Civière spéciale, lit spécial, matelas spécial, tout est problème quand on devient difforme et c'est ce qu'elle voulait précisément éviter en refusant de quitter son domicile. La jeune soeur s'excuse de ne pas avoir appelé de médecin plus tôt, ils ont honte et craignent les reproches moqueurs. L'obésité est une maladie honteuse, dont le patient est rendu responsable. Ils se sont dit que je ne me moquerais pas, étant gros moi-même. C'est bien vu: ils n'imagineront jamais à quel point j'ai éprouvé de la tendresse hier pour leur famille si liée dans l'épreuve. La nouvelle pauvreté prend des visages insolites.

01 septembre 2008

Aux élèves des écoles

Aux élèves des écoles. 1908

Il est défendu:
1. de cracher à terre
2. de mouiller ses doigts dans sa bouche pou tourner les pages des livres et des cahiers
3.d'introduire dans son oreille le bout d'un porte-plume ou d'un crayon
4. d'essuyer les ardoises en crachant dessus ou en y portant directement la langue
5. de tenir dans sa bouche les porte-plumes, les crayons, les pièces de monnaie, etc.

Voulez-vous savoir pourquoi ces défenses vous sont faites? Demandez-le à vos maîtres qui vous donneront les explications nécessaires.Souvenez-vous que vous ne devez pas seulement obéir vous-mêmes à ces prescriptions, mais que vous avez encore le devoir de les faire connaître à tou le monde.

Règlement d'ordre intérieur. 2008.

1. Le racket est absolument interdit et entraîne l’exclusion définitive.
2. Les papiers et détritus sont jetés à la poubelle.
3. Il est interdit de manger et de boire en classe sans l’autorisation de l’enseignant.
4. L’élève s’abstient de tout acte de vandalisme envers le matériel, le bâtiment ou les plantations; les tagset les graffiti sont interdits.
5. La détention et la consommation d’alcool et de drogue sont strictement interdites.
6. Il est interdit d’apporter à l’école tout objet dangereux ou de nature à perturber les cours (GSM,baladeurs, jeux électroniques…). Ces objets seront confisqués.
7. Tout commerce est interdit à l’intérieur de l’établissement.

Une cloche sonne quelque part dans ma bonne commune. La vie scolaire reprend ses droits, rêves, espoirs, craintes, peurs et pleurs, rires aussi: l'enchantement des départs et des nouvelles frontières. Les marrons mûrissent, le jour décline, on range les souvenirs d'un été pâle en espérant les feux d'un bel automne.Je souhaite une bonne année à tous ceux que cette rentrée concerne.
Lu dans :