15 mars 2008

L'équation Espace Temps

"En réglant son compte à l'espace, le nomade freine la course des heures. Peu lui importe que passent les instants puisque, obstinément, il les remplit des kilomètres qu'il moissonne. Opération d'alchimiste: il change le sable du sablier en poudre d'escampette."
S. Tesson.


"Paradoxalement, c'est quand j'avance, devant moi, que tout s'arrête: le temps et l'obscure inquiétude de ne pas le maîtriser. Depuis que j'observe les éleveurs de yacks du Tibet, les cavaliers de Mongolie, les bergers afghans ou les sherpas du Khumbu, et depuis que - par périodes - je m'essaie à les imiter, j'en suis venu à la conclusion que le nomadisme est la meilleure réponse à l'échappée du temps. Mon but n'est pas de le rattraper mais de parvenir à lui être indifférent. Le temps n'est pas un cheval dont on peut enrayer l'emballement en lui tirant la bride, il est donc préférable de le laisser galoper et de se venger de sa course en bouffant soi-même le monde. Au tic-tac de l'horloge, le voyageur répond par le martèlement de sa semelle. Un kilomètre abattu, c'est dix minutes gagnées. La marche à pied oppose au rouleau du temps la mesure de l'espace. De cette lutte, le voyageur sort vainqueur. Qui aura arpenté le monde à l'aide de sa seule énergie explorera une autre dimension du temps: plus épaisse, plus dense. Le temps de l'Occident est un courant d'air qui passe par la fenêtre de nos vies. Il se mue sur le chemin en une pâte généreusement pétrie."


Lu dans :
Sylvain Tesson. Petit traité sur l'immensité du monde. Pocket. Editions des Equateurs. 2005. 168 p. Extraits p.18 & 19

1 commentaire:

Christiane a dit…

Marcher, marcher encore et toujours
Quelle sensation apaisante que de dessiner pas après pas un chemin vers la plénitude.
Rien ne peut égaler le bonheur de marcher dans l'espace infini du désert où tout débute au lever du soleil et prend fin sous le ciel étoilé. Tout est là; l'essentiel débarrassé de l'emcombrant superflu.