30 août 2006

la pulpe des jours

"Les jours ont leur pulpe
et je la goûte simplement
et pour la première fois de ma vie
je suis libre.
C'est à la fois très inquiétant et très délicieux."

Christiane Singer. Seul ce qui brûle. Albin Michel 2006. p.69

Le parfum et autres possessions permises

"L'odorat a ceci de merveilleux qu'il n'implique aucune possession. On peut être poignardé de plaisir, dans la rue, par un parfum porté par une personne non identifiée. C'est le sens idéal, autrement efficace que l'oreille toujours bouchée, autrement discret que l'½il qui a des manières de propriétaire, autrement subtil que le goût qui ne jouit que s'il y a consommation. Si nous vivions à ses ordres, le nez ferait de nous des aristocrates."

Amélie Nothomb. Journal d'Hirondelle. Albin Michel 2006. p.15

27 août 2006

éloge de la fragilité

" J'ai rencontré quelques grands ancêtres, Shakespeare et Dostoïevski, les auteurs inconnus du Mahâbhârata, Corneille, Chateaubriand, Balzac, Proust. Ils m'ont appris ce que je savais sans doute déjà : un personnage ne peut nous toucher que lorsque nous avons trouvé en lui ce que nous appelons "vulnérabilité". Tout le théâtre, tout le cinéma, toute la littérature, toute forme d'expression repose sur la fragilité. Elle est notre source cachée, le moteur de toute émotion et de toute beauté."

Jean Claude Carrière. Fragilité.

éloge de l'inaction

«Celui qui fait quelque chose a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font précisément le contraire et surtout la grande armée des gens d'autant plus sévères qu'ils ne font rien du tout. »
Jules Claretie

25 août 2006

à quoi servent les ballons ?

1783. François Pilâtre de Rozier et le marquis d'Arlandes effectuent en montgolfière le premier vol humain, entre le château de la Muette et la Butte aux Cailles.
«Un grincheux prit à témoin un élégant vieillard aux longs cheveux blancs : "A quoi, Monsieur, peuvent servir les ballons?" Tout à la joie de l'événement, le vieillard réfléchit un instant et sourit avant de répondre: "Monsieur, à quoi peut servir l'enfant qui vient de naître?" Le vieil homme s'appelait Benjamin Franklin.
»
Bernard Marck, Histoire de l'aviation

La vie du vieillard au longs cheveux blancs est à elle seule une encyclopédie: à découvrir.
Les ballons ont rendez-vous chez nous pour une coupe Gordon Bennett qui fête ses cent ans. Le Mondial du ballon à gaz s'élancera de Waasmunster le 9 septembre. Féérie assurée paraît-il.
L'enfant qui vient de naître se reconnaîtra sans aucun doute, et ses parents aussi. La fabuleuse histoire des ballons est à l'image de l'existence qu'on lui souhaite.

24 août 2006

La honte de survivre

“Since then, at an uncertain hour that agony returns
And till my ghostly tale is told
This heart within me burns.”

Coleridge, cite par Primo Levi

(« Depuis lors, à une heure incertaine, cette agonie revient
Et jusqu'à ce que mon effrayante histoire soit racontée,
Ce cœur en moi brûle.)

Une saison de machettes : suite . Je baigne encore dans le récit des machettes, et termine mes journées par quelques bonnes lectures comparées. Hier Rwanda versus Hannah Arendt ou la banalité du mal. Ce soir : l’incroyable retournement qui amène les victimes rescapées à se sentir coupables, de manière durable, allant parfois jusqu’au suicide comme ce fut le cas de Primo Levi, qui le premier décrivit ce paradoxe : le survivant se considère coupable par le simple fait d’être là, d’être vivant, mémoire et rappel vivant des abjections commises. On retrouve ces conclusions presque reprises mot pour mot dans les témoignages des tueurs et des rescapés du Rwanda, alors qu’il existe peu de chances qu’ils aient lu Lévi ou Semprun auparavant. C’est surprenant. Quelques extraits édifiants permettront d’illustrer ceci, tirés soit de Semprun (communiste résistant espagnol, rescapé de Buchenwald), soit de Lévi (Si c‘est un homme), soit de simples rwandais ayant participé ou échappé au massacre.

« Voudra-t-on écouter nos histoires?» se demande Semprun dans un livre sur les camps de la mort qu’il mit quarante ans à écrie (L’écriture ou la vie). Ce sentiment de ne pas être cru a été partagé par tous les déportés. Ceux qui ne pouvaient faire connaître publiquement leur expérience, décrivent l'impossibilité de parler de l’indicible, même en famille. Mais la société est-elle prête à les entendre? Primo Levi écrit qu’au fur et à mesure qu'il raconte ce qu'il a vécu, il voit les siens se détacher de lui et le laisser seul face à ses souvenirs.

« Le fait est que les rescapés gênaient, qu'ils étaient la preuve vivante - je parle de ceux qui avaient réchappé à l'extermination - que la France n'avait pas été aussi brave qu'on voulait le croire. Et puis, ces survivants développaient eux-mêmes un sentiment de culpabilité par rapport à ceux de leurs familles qui étaient partis en fumée. Ils étaient vivants par hasard. »
G. Semprun .

« PIO : Dans le camp des Tutsis, ce doit être très différent. Je ne connais pas leur situation, mais je pense que cette folie peut bien exister chez ceux qui ont échappé aux tueries. Celui qui a partagé son existence avec un nombre de morts; je veux dire celui qui a regardé un nombre de vaet-vient fatals en attendant son tour, celui qui s'est attendu tomber sanguinolent dans les dernières ténèbres, sa raison peut se gâter. Recevoir le mal, et la souffrance qui va avec, favorise plus la démence que le donner. »
Jean Hatzfeld. Une saison de machettes.

« PANCRACE: Chez les tueurs, la malaria ou le choléra ont beaucoup tué en prison. La peur de la vengeance a tué. La vie misérable ou les bagarres ont tué, mais les regrets jamais. La vie se montre trop vigoureuse contre les regrets et consorts. Celui qui a tué de trop dans les marais, il a tendance à abandonner ses souvenirs ensanglantés au milieu des cadavres qu'il a laissés. Il veut seulement se rappeler le peu qu'il a fait dans les marais aux yeux de tous, et qu'il ne peut pas nier sans être traité de menteur. Il cache le restant. Il égare les remords trop pénalisants. Sa mémoire se montre solidaire de son intérêt, elle zigzague pour le tirer à travers les risques de punitions. »

« Clémentine: « Moi, je vois que les rescapés et les tueurs ne se souviennent pas du tOut pareillement. Les tueurs, s'ils acceptent de parler à haute voix, ils peuvent dire la vérité sur tous les détails de ce qu'ils ont fait. Ils ont gardé une mémoire plus naturelle de ce qui s'est passé sur leur colline. Leur mémoire ne se cogne sur rien de ce qu'ils ont vécu, elle ne se sent pas dépassée par de terribles événements. Elle ne s'embrouille jamais dans la confusion. Les tueurs gardent leurs souvenirs à l'eau claire. Mais ces souvenirs, ils les partagent seulement
entre eux; parce qu'ils sont risquants. »

Les rescapés, ils ne s'entendent pas si bien avec leur mémoire. Elle zigzague sans cesse avec la vérité, à cause de la peur ou de l'humiliation de ce qu'il leur est arrivé. Ils se sentent blâmables d'une autre façon. Ils se sentent plus blâmables d'une certaine manière d'une faute qui leur échappe pour toujours. Pour eux, les morts sont proches, ils sont même touchants. Ils doivent composer de petites associations pour additionner et comparer leurs souvenirs, à pas prudents, sans se tromper. Mais par après, ils vont se rappeler des terribles événements sans peur des embûches.
Les rescapés cherchent la tranquillité dans une partie de la mémoire. Les tueurs la cherchent dans une autre partie. Ils ne s'échangent ni la tristesse ni la peur. Ils ne demandent pas la même assistance au mensonge. Je crois qu'ils ne pourront jamais partager une part importante de vérité. »

du masque et du visage

"Donnez un masque à un homme, il vous dira la vérité."
Oscar Wilde

22 août 2006

Vous êtes le père ?

"Tout artiste est témoin de son époque avant tout. A un notable, aux opinions
nazies reconnues, qui l'interroge sur son tableau-fresque" Guernica, "C'est de
vous cette oeuvre, maître?", ce dernier répond imperturbable : "Non, c'est de
vous"."
Rapporté dans Le Monde 2 ce week end. Comme tous les journaux, celui-ci vit
déjà sa seconde vie dans les mains d'un de mes garçons, avant de finir
emballant les épluchures de pommes de terre. Je ne possède donc plus les
références de l'article. Fallait-il jeter l'anecdote pour autant?

Je vous souhaite une bonne semaine

CV.

APPEL A COLLABORATION

PS Comme chaque année, mais avec deux ans de retard, je rassemble mes Pensées
entre café et journal de l'année. Quelqu'un parmi vous aurait-il conservé
celles de la période allant du 1er janver 2004 au 21 avril 2004, que j'ai
égarées? Je lui réserve volontiers un exemplaire broché 2004 2005 2006 lors de
sa parution.

chasser moutonnement, chasser férocement

"JOSEPH-DÉSIRÉ: Des maladroits, il y en a toujours eu, surtout pour l'achèvement des blessés. Si tu es né avec un caractère timide, c'est difficile de le changer, en pleines tueries dans les marais. Alors, ceux qui se sentaient à l'aise épaulaient ceux qui se sentaient gênés. Ce n'était pas conséquent du moment que ça continuait.

IGNACE: Il ya ceux qui chassaient moutonnement, ceux qui chassaient férocement. Ceux qui chassaient lentement parce qu'ils étaient apeurés; ceux qui chassaient lentement parce qu'ils étaient paresseux; ceux qui cognaient lentement par méchanceté et ceux qui cognaient vite, pour terminer le programme et pour rentrer plus tôt, à cause d'une autre activité. Ça n'avait pas d'importance, c'était chacun sa technique et son caractère.

JOSEPH-DÉSIRÉ: C'était une folie qui roulait sans plus être dirigée. Tu courais devant ou tu t'écartais au passage pour ne pas être bousculé, mais tu suivais la multitude. Celui qui était lancé la machette à la main, il n'écoutait plus rien. Il oubliait tout et en premier lieu son niveau intellectuel. Le programme répété nous dispensait de réfléchir à ce qu'on faisait. On allait et on revenait, sans croiser une idée. On chassait parce que c'était le programme de nos journées, jusqu'à ce qu'il soit terminé. Nos bras commandaient nos têtes, en tout cas nos têtes ne disaient plus leur mot."

Jean Hatzfeld. Une saison de machettes.

La lecture hier soir d'une trentaine de pages de récit de génocidaires lors de la tuerie du Rwanda ne peut laisser indifférent. La journée est avancée, et je me surprends à m'assoupir dans le fauteil de ma lecture, pour me réveiller en sursaut empêtré dans un horrible cauchemar où les tueurs sont ces voisins banaux qui m'entourent. On croit réentendre Hannah Arendt, fougueuse envoyée de presse aux procès nazis, constatant l'horrible vérité de la banalité du mal. Envoyée au procès d'Eichman, Hannah Arendt récuse le plaidoyer du procureur. Elle soutient au contraire qu’Eichmann n’était pas un méchant, un démon, un monstre ou encore un être inhumain, mais un homme ordinaire, normal. Bien que les faits aient été monstrueux, Eichmann ne peut être considéré comme un monstre.
La seule caractéristique décelable dans son passé comme dans son comportement dans le procès était un fait négatif : ce n’était pas de la stupidité mais une curieuse et authentique inaptitude à penser. On relit à ce stade le roisième fragment de témoignage de Joseph-Désiré: l'histoire bégaie.
Eichmann est caractérisé par l’absence de pensée et par l’usage constant d’un langage stéréotypé, de clichés standardisés. C’est, de plus, un employé modèle, un bureaucrate méticuleux. Toute "la saison des machettes" , 50 ans plus tard, n'écrit rien d'autre.
Je me réjouis déjà de découvrir après cette lecture le sensible ouvrage Grâce et dénuement d'Alice Ferney, que la poste vient de me déposer ce midi.

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

21 août 2006

le temps de vivre

"Six heures suffisent aux travaux ; celles qui viennent après tracent aux hommes les lettres suivantes : Vivez !"
Epigraphe. Lucien de Samoaste (140 ap JC)

19 août 2006

un long bruit silencieux

"Bien moins connu que le Niagara mais bien plus énorme et mémorable est la cascade de Staubbach, à Lauterbrunnen, le fleuve de poussière d'eau cristalline. J'en fis la découverte aux alentours de 1916; j'entendis de loin la grande rumeur de l'eau verticale et pesante qui tombait de haut dans un puits de pierre qu'elle continue de labourer et d'approfondir presque depuis le commencement des temps. Nous passâmes là une nuit; pour nous comme pour les gens du village, le bruit constant finit par être le silence."

Borges. Atlas.

18 août 2006

la phrase sur le bout de la langue

"Ce matin-là il avait commencé une phrase
« Il faudra pourtant se décider à... » et à ce moment
le téléphone a sonné
C'était André qui lui apprenait la nouvelle
et il est parti aussitôt
Nous ne l'avons pas revu vivant
Et je ne sais pas comment il aurait terminé la phrase
ni à quoi il pensait qu'il fallait pourtant se décider

Est-ce qu'il existe au Grand Central de la Terre
quelqu'un qui est chargé de terminer les phrases
inachevées?
y a-t-il un ministère où les employés
sont chargés de répondre aux lettres
auxquelles on projetait de répondre
les lettres qu'on n'a pas eu le temps d'écrire?
Existe-t-il un service
qui se charge de faire les cadeaux
qu'on projetait de faire mais qu'on n'a pas fait?
Où est le cabinet-conseil
qui nous réconcilierait malgré notre absence
avec l'ami avec qui nous étions brouillés
(mais nous avions décidé que la brouille était absurde)
Qui finira pour nous malgré l'absence après
l'arrêt subit
la vie qu'on avait pourtant l'intention de vivre?"

Claude Roy
Kerdavid. Samedi 29 août 1992

Petite invitation à la rêverie : demain, dans une semaine,
l'année scolaire reprend. Derniers moment volés pour quelques
modestes réflexions existentielles de fin d'été.

UN BRUIT TRÈS BAS

"Le bruit très bas à peine si on l'entend
de la pluie qui commence à tomber
et pose doucement ses doigts sur les feuilles
une à une puis s'enhardit
et gifle le feuillage heureux que l'eau ruisselle

Le bruit très bas à peine si on l'entend
de la source timide cachée sous la verdure
entre les menthes les guimauves le cresson
la source qui fait modestement son travail de source
mais va rejoindre par de très longs chemins
l'océan Atlantique

Le bruit très bas à peine si on l'entend
d'une mélodie encore suspendue que les doigts
du musicien effleurent incertains sur le clavier
inventant à tâtons de l'oreille la suite de l'air naissant
qui cherche à s'achever à s'accomplir Il chante enfin

Le bruit très fin à peine si Dieu l'entend
de la petite araignée épeire diadème
filant à volonté du fil sec ou gluant
pour tendre sur ses branches sa toile en spirale
sur le modèle exact d'un cristal de neige et de la galaxie

Le sigle minuscule du monde transfini."

Claude Roy. Kerdavid.
Samedi 22 août 1992

Que faisiez-vous le 22 août 1992?

15 août 2006

en citant Borgès

"La mémoire choisit ce qu'elle oublie."
Borgès

Un autre nom pour Marie

"Elle n'avait pas eu le temps de se préoccuper des autres. Oui, pensa-t-elle, la vieillesse peut servir à cela, donner sa bienveillance, parce qu'on a le temps qu'il faut, parce qu'on n'attend plus avec impatience et colère des choses, qui, ne venant pas, nous rendent hargneux envers ceux qui les ont."

Alice Ferney

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

13 août 2006

Ce qui restera toujours

« Quand on aura allégé le plus possible les servitudes inutiles, évité les malheurs non nécessaires, il restera toujours, pour tenir en haleine les vertus héroïques de l'homme, la longue série des maux véritables, la mort, la vieillesse, les maladies non guérissables, l'amour non partagé, l'amitié rejetée ou trahie, la médiocrité d'une vie moins vaste que nos projets et plus terne que nos songes. »

Marguerite Yourcenar. Mémoire d'Hadrien. Gallimard 1974

12 août 2006

L'amitié

« Ne croyez pas que celui qui essaie de vous réconforter vive sans effort parmi les mots simples et sereins qui parfois vous font du bien. Sa vie connaît tant de peines et de tristesses qui le laissent loin derrière elles. S'il en allait autrement, il n'aurait jamais pu trouver ces mots-là . »
Rainer Maria Rilke Lettres à un jeune poète.

Je vous souhaite un bon dimanche
CV.

10 août 2006

09 août 2006

L'article impénétrable

"Une bonne constitution doit être à la fois claire et obscure, et comporter au moins un article impénétrable, comme on le voit de nos jours dans nos propres constitutions, où il existe un paragraphe sibyllin, bien utile au pouvoir."

Jean Guitton , citant Talleyrand. Un siècle, une vie. p.113

08 août 2006

Je n'entnds rien

«Je n'entends rien.»
Jascha Heifetz

Un bel article consacré aux violons d'exception dans Le Monde 2 de cette semaine.
Et une conclusion pétrie de sagesse: un grand violon peut nourrir la confiance, aider à exprimer pleinement sa personnalité, mais on n'a jamais vu un grand musicien passer à côté d'une carrière parce qu'iljouait sur une crêpe, ni même un étudiant ne pas réussir à cause de son instrument», selon Marc Coppey, professeur au Conservatoire de Paris.
Une façon de rappeler l'évidence, à savoir que l'instrumentiste tient malgré tout le rôle fondamental.
A une admiratrice qui, à l'issue d'un concert, lui vantait le son de son merveilleux stradivarius, le grand Jascha Heifetz répondit, en portant son violon àl'oreille: «Je n'entends rien.» L'anecdote est restée célèbre. Les possesseurs de stradirius adorent la raconter."

06 août 2006

à jamais

"Depuis,la vie m'a enseigné une chose: tout vous sera retiré par le fleuve du temps qui vous emporte qu'il soit tranquille ou non , tout , sauf les souvenirs du bonheur.Ils sont incrustés en vous pour toujours et, si on les laisse agir, ils vous envoient continuellement des flots de sérénité."

Madeleine Chapsal

05 août 2006

la vie humaine

"A quoi comparerai-je la vie humaine?
Il faut la comparer à une oie sauvage qui interrompt son vol pour se poser un instant sur la neige.
Elle y laisse l'empreinte de sa patte, puis s'envole Dieu sait où.
Notre ami le vieux moine est mort. Sur le mur en ruine du monastère, plus moyen de déchiffrer notre ancienne inscription.
Te souviens-tu encore de nos aventures d'antan?"

Su Dongpo (1037-1111).
Poète, peintre, calligraphe, penseur, haut fonctionnaire, précepteur de l’Empereur, un immense personnage de la Chine médiévale.
Tantôt au sommet de l’Empire et dans la confidence des empereurs, le lendemain relégué aux confins et échappant de justesse à la condamnation à mort, Su Dongpo, ouvert à toutes les expériences, convaincu par l’idéal confucéen d’une harmonie naturelle, est l’auteur d’une œuvre considérable tant en prose qu’en poésie.
Claude Roy, séduit par ses textes en traduisit bon nombre, avant d'écrire un merveilleux petit ouvrage adresé "à son ami de l'an mil", avec lequel il converse la nuit, par lune interposée.

Je vous souhaite un bon week-end
CV.

03 août 2006

Le moment de l'aurore

Pendant le Forum économique de Davos, Shimon Peres,
prix Nobel de la paix, a raconté l'histoire qui suit.
Un rabbin réunit ses élèves et demanda :
«Comment savons-nous le moment précis où la nuit
s'achève et où le jour commence?
- Quand, de loin, nous pouvons distinguer une brebis
d'un chien, dit un jeune garçon.
- En réalité, dit un autre élève, nous savons qu'il fait jour quand nous pouvons distinguer, de loin, un olivier d'un figuier.
- Ce n'est pas une bonne définition.
- Quelle est la réponse, alors? » demandèrent les gamins. Et le rabbin dit:
« Quand un étranger s'approche, nous le confondons avec
notre frère, et les conflits disparaissent - voilà le moment où la nuit prend fin et où le jour commence. »

Paulo Coelho. Comme le fleuve qui coule.

02 août 2006

comme l'odeur du Liban

"Filles de Jerusalem
Ne réveillez pas Amour avant envie

Avant le souffle du matin avant la fuite des ombres
Derrière ton voile
tes yeux oh des colombes
Moi j'irai sur la montagne Myrrhe et sur la colline Encens
Entièrement belle mon amie
Ici tes cheveux
Des chèvres noires
dévalent de la montagne de Galaad
Ici tes dents un troupeau tout blanc remonte du bain
Chacune a sa jumelle aucune ne manque

Toi sans défaut
Ma fiancée viens du Liban avec moi allez viens du Liban avec moi
Tu auras la vue depuis le haut de l'Amana du haut du Senir et de l'Hermon
Tes lèvres ressemblent à un fil écarlate
Depuis l'endroit des lions les montagnes des léopards
Quand tu parles c'est magnifique
Mon c?ur pris par toi ma s?ur fiancée
Ta joue derrière ton voile pareille à une moitié de grenade
C?ur pris par toi par un seul de tes yeux

C'est si beau
Tes amours de toi
c'est très bon
Mieux que le vin
Comme odeur
tes parfums meilleurs que tout baume
Du miel coule
de tes lèvres ma fiancée
Du miel et du lait sous ta langue
L'odeur de tes vêtements
comme l'odeur du Liban."

Le Poème, traduction du Cantique des cantiques par Olivier Cadiot et Michel
Berder. La Bible Bayard.

la statue en devenir

"Reviens à toi-même et regarde: si tu ne te vois pas encore toi-même beau, fais comme le sculpteur d'une statue qui doit devenir belle: il enlève, il gratte, il polit, il nettoie, jusqu'à ce qu'il fasse apparaître un beau visage dans la statue. Toi aussi, enlève tout ce qui est superflu, redresse tout ce qui est tortueux, nettoyant tout ce qui est sombre, rends-le brillant, et ne cesse de sculpter ta propre statue, jusqu'à ce que resplendisse pour toi la divine splendeur de la vertu."
Plotin (205-270 après JC)